jeudi 18 avril 2013

Challenge A à Z - P comme Particule


Une des légendes les plus tenaces en généalogie est cette croyance qu'un de nos ancêtres était noble et qu'il a enlevé sa particule sous la Révolution Française car il avait pleinement adhéré aux idées de la République.

Malheureusement, même si cela s'est parfois produit, il faut savoir que la plupart des aristocrates de l'Ouest de la France ont préféré combattre la République plutôt que de s'abandonner à elle, qu'une bonne partie s'est fait discrète en attendant des jours meilleurs et qu'une autre partie a émigré vers des terres moins hostiles à la noblesse.

Il existe donc en vérité peu de chance qu'un Delaborie (par exemple) descende d'un aristocrate nommé de Laborie sous l'Ancien Régime.

Cette particule n'est en fait qu'un trompe l'oeil. Elle n'est en effet ni une condition nécessaire ni suffisante de noblesse.

Pour dire vrai, la seule preuve réelle d'appartenance à l'aristocratie est la lettre patente signée du Roi ou d'un Prince qui accorde un fief et un titre audit sujet, l'anoblissant du même coup.


Un peu d'histoire.

Au commencement, les aristocrates étaient, comme leur nom l'indique, les "meilleurs". C'étaient ces personnages qui s'étaient illustré lors de batailles et qui, en récompense de leur fidélité à la couronne, avaient reçu un ou des fiefs de la part de leur seigneur. Par le lien de suzeraineté/vassalité se créa donc une hiérarchie qui, se transmettant de père en fils perdura plusieurs siècles.

La fierté de l'histoire familiale conduisit dont ces nobles à se nommer à partir de leur terre, souvent acquise au prix du sang. C'est ainsi que cette ancienne noblesse a commencé à faire apparaître la fameuse particule qui ne signifiait ni plus ni moins ce rattachement à ce fief. Un de mes ancêtres, de la Bénéhardière, tirait ainsi la particule du fief qu'il possédait.

Avec le temps, la terre devint une "simple" récompense pour la fidélité au Roi ou à d'autres grands aristocrates, mais devenant possession entière de la personne concernée, la particule resta, toujours pour marquer l'appartenance et le lien fort entre l'homme et sa terre.

Dans le même temps, des gens plus humbles, voire des serfs, travaillaient pour le seigneur local, s'ils n'étaient pas affublé d'un surnom les caractérisant physiquement, psychologiquement ou en termes d'activité, étaient identifiés par leur provenance ou par l'appartenance à une terre.

Car, qu'on ne s'y trompe pas, si le seigneur possède la terre, la terre possède le vilain. En d'autres termes, si la particule, pour un noble est le signe qu'il possède la terre, cette même particule est, pour l'homme de basse extraction le signe qu'il appartient au seigneur.

Reprenons par exemple le cas de notre Delaborie. Non seulement, la Borie est un nom commun désignant une exploitation agricole, et n'est donc pas suffisamment caractéristique pour signifier un lieu précis, mais les différentes variations autour du nom montrent qu'il peut également s'écrire Laborie. A priori donc, tout va dans le même sens : point de signe de noblesse (au sens de l'aristocratie) chez cet homme.

Le coup de grâce est donné dans les registres paroissiaux car cet homme est simplement cité comme s'appelant Delaborie, charpentier :
  • la noblesse (à part la noblesse dite de robe) ne travaillait pas, elle se contentait de servir le Roi, donc pas de noble charpentier
  • sous l'Ancien Régime, les gens avaient un sens aigu de leur position, et un écuyer était nommé comme tel, le terme Messire ou Demoiselle précédant le nom, et un noble titré, était nommé Haut et Puissant Seigneur, Comte de ..., par exemple
A contrario, il existe des nobles sans particule car leur titre suffit (ainsi que sa notoriété) à définir son appartenance à l'ordre aristocratique. Ainsi, j'ai une authentique aristocrate parmi mes ancêtres qui se nommait Isabeau Bénéhart. Pas de particule et pourtant c'était la fille du seigneur de la Bénéhardière. On notera le retournement puisque c'est le patronyme qui a donné le nom au lieu de la seigneurie dans le cas présent. Certes cela se passait vers 1450, mais cela montre bien qu'il existe des cas où noblesse ne rime pas forcément avec particule.

Et pour conclure, je dirais même qu'actuellement, les aristocrates, même si la République ne leur reconnaît aucun droit particulier s'appelle souvent entre eux sans leur particule (prenons des noms au hasard, un de Chalus parlant d'un de Montmirail, dira "Montmirail" et réciproquement) ... Alors, si même les authentiques aristocrates se mettent à dédaigner l'usage de la particule pour signifier leur appartenance à la noblesse, où va-t-on ...


Et vous, que pensez-vous de cette fameuse particule ?

Pour aller plus loin :


           

2 commentaires:

  1. Très bon article ! J'ai en effet des ancêtres qui se nommaient "de Saint-Yrieix" avant la Révolution et "Saint-Yrieix" après, sûrement par zèle révolutionnaire des officiers d'état civil et alors qu'a priori ils n'étaient pas nobles. En revanche, j'ai aussi une famille de marquis dont le nom patronymique est "Chapelle". Noblesse et particule n'ont donc rien à voir !

    Cependant, une erreur à la fin. Le nom emploi de la particule lorsqu'on s'adresse à quelqu'un n'est pas une mode mais une règle (qui permet de repérer ceux qui ne la connaissent pas ...). Au delà d'une syllabe, on ne dit plus la particule.

    Exemple :

    Je vais dîner chez les de Pas.

    Ou encore notre ancien président : de Gaulle.

    Une syllabe, donc on prononce le "de". En revanche, pour tous les noms plus long, par exemple, "de Boisjoly", on dire :

    "Je vais dîner chez les Boisjoly."

    Les princes du sang s'appelaient entre eux par leur apanage : Orléans, Berry, Artois, Anjou en enlevant le "de" ou le "d'". :)

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    1. Merci de ce commentaire.

      Je ne savais pas qu'il s'agissait d'une règle (la non prononciation de la particule pour les noms supérieurs à 1 syllabe), mais en fait mes parents me l'ont apprises et j'avoue l'avoir appliquée depuis sans me poser la question de son existence !

      De la même manière, je crois me souvenir qu'on n'interpelle pas un aristocrate par "Monsieur le XXX", sauf à en être un serviteur ou tenir de lui, mais il me semble qu'il y a malgré tout quelques titres (Duc ?) qui échappent à cette règle. A creuser ...

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