jeudi 11 octobre 2012

La mort de René de Chalus, accident ou crime ?


Il y a parfois dans les histoires familiales des querelles dont on ne sait d'où elles viennent.

Parfois, les causes sont curieuses et il est possible qu'un fait divers impliquant un de nos ancêtres soit à l'origine du déchirement d'une famille dont les membres refusent de se parler selon le clan auquel ils appartiennent.


Spontanément, on pense alors à des histoires impliquant des personnages venant d'îles méditerranéennes ou d'Italie du Sud. Et pourtant, l'histoire dont je vais parler aujourd'hui concerne un aristocrate qui peut se targuer de tenir sa noblesse d'illustres ancêtres et qui vit au moment des faits dans la province du Maine, aux marches des Duchés de Normandie et de Bretagne.

Acte I - René de Chalus - La Baconnière - 1627

L'acte est assez concis mais est pourtant beaucoup plus complet qu'un acte de décès classique :

Noble René de Chalus Poupardière décéda à la Templerie en la maison de René de Chalus, écuyer, seigneur de la Brandais et du Feu là où il avait été … pour être … et pansé à la prière et  … dudit sieur la Brandais dudit coup d’arquebuse ou escoupette qui lui avait donné le mardi au soir vingt quatrième jour de septembre mil six cent vingt et sept et du même coup fut aussi frappée Louise de Chalus, fille dudit défunt … le bas de l’enfant dudit défunt et tellement qu’elle mourut vingt et quatre heures après qu’il fut ensépulturé  en l’église de la Baronnie de Dandry le troisième jour de décembre …

Pour ceux qui sont des spécialistes de la paléographie, ils peuvent se rendre sur le site des archives de la Mayenne et chercher les actes relatifs à la paroisse de la Baconnière, années 1580-1636, vue 66.

Que lit-on ?

Que René de Chalus, sieur de la Baconnière, un de mes ancêtres dont j'ai eu l'occasion de parler lors du mariage d'une de ses descendantes (voir l'article "Quand Noblesse et Bourgeoisie s'arrangeaient ...") est mort des suites des blessures qu'il avait reçues par un coup d'arquebuse !

Le fait divers s'est produit au soir du 24 septembre 1627 et il est décédé plus de 2 mois après.

Mais là où le fait divers devient drame, c'est qu'apparemment, sa fille Louise a aussi été victime de ce coup d'arquebuse. Elle a également survécu deux mois puis est morte le lendemain de la mise en terre de son père.

Quelles sont les circonstances du drame ? Pour le moment, je n'en sais rien car je n'ai pas eu l'occasion de consulter les archives judiciaires de l'époque, mais il semble quand même étonnant qu'un coup d'arquebuse blesse 2 personnes en même temps et que ces personnes mettent plus de 2 mois à mourir, en même temps ! Désespoir de la fille qui se laisse mourir au décès de son père ? Mort "aidée" pour des histoires d'héritage ? On peut tout imaginer ...

Mais l'histoire ne s'arrête pas là !

Acte II - René de Chalus - La Ligaudais - 1637

Bis repetitas diraient les latinistes. Pas tout à fait, lisez plutôt :

Le jeudi dixième jour de septembre mil six cent trente et sept René de Chalus, écuyer, sieur de la Brandais, fut tué d'un coup d'arquebuse à fusil au lieu de la Ligaudais par Mainfray, sieur de la Marchandais. Le corps du défunt fut apporté le samedi suivant dans l'église de la Templerie et sa sépulture fut faite par nous curé soussigné.
10 ans après le premier décès, presque jour pour jour, voici un autre mort par arquebuse ! Et cette fois-ci la victime est René de Chalus, sieur de la Brandais, celui-là même qui avait accueilli René de Chalus, sieur de la Poupardière après sa blessure par arquebuse ...

En voulait-on donc autant à ce point à la famille de Chalus ? Difficile de le dire.

Ce qui est étrange dans cet acte de décès, c'est que le meurtrier est désigné, un certain Manfray, sieur de la Marchandais. On peut alors penser à un duel ? Mais à ce jour, je n'ai pas trouvé de traces de Manfray, ni d'un sieur de la Marchandais. La seule chose que j'ai trouvée, est que la Marchandais se trouverait dans la Loire-Atlantique.

Acte III - Epilogue ?

En fait les deux René de Chalus sont cousins issus d'un ancêtre commun Guillaume de Chalus, sieur de la Bénéhardière (et époux de Guillemette le Porc). Le premier René de Chalus (? - 1627), sieur de la Poupardière est issu de la branche aînée, tandis que René de Chalus son cousin (1579-1637)  est issu de la branche cadette dite des Chalus-Brandais titrée sieur de Chalus de la Brandais, de la Rosée et du Feu (ça ne s'invente pas ...).

Personnellement, je ne crois pas à une querelle entre cousins, sinon René mort en 1627 n'aurait pas été agoniser pendant deux mois chez son cousin. En revanche, on peut s'étonner de la raison qui a poussé l'héritier du titre, qui possédait par ailleurs le château de la Templerie et des terres à la Baconnière, à aller vivre avec sa fille chez son cousin pour y finir ses jours ...

Il me reste donc à fouiller les archives judiciaire de cette époque pour savoir si oui ou non, il y a eu enquête, puis à regarder dans le testament de René de Chalus aîné s'il donne des informations sur sa succession susceptibles d'éclaircir ce mystère !

En tout cas, cette famille a été marquée par deux morts violentes en l'espace de 10 ans, ce qui n'est pas très courant !

Et vous, avez-vous eu des cas similaires dans vos familles ?

Pour aller plus loin : 



           

4 commentaires:

  1. Ca ferait un bon scenario de film tout ca ;-)

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  2. Et pourtant, c'est la réalité ! Comme quoi ...

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  3. J’ai été regarder le registre de la Baconnière, et voilà ma lecture :

    "Noble René de Chalus Poupardière décéda à la Templerie en la maison de René de Chalus écuyer sieur de la Brandais et du Feu là où il avait été mené pour être bandé et pansé à la prière et requête dudit sieur de la Brandais d’un coup d’arquebuse ou escoupette qu’on lui avait donné le mardi au soir vingt-huitième jour de septembre mil six cent vingt et sept et du même coup fut aussi frappée Louise de Chalus fille dudit défunt étant au bras l’enfant susdit dudit défunt et tellement qu’elle mourut vingt et quatre heures après et fut ensépulturé en l’église de la Baconnière le vendredi troisième jour de décembre an susdit...."

    A mon avis la partie centrale ("là où il avait....24 heures après") est une digression. Louise est donc morte le 29 septembre, et a dû être inhumée à la Templerie. René ne s’est pas rétabli, et a fini par mourir le 1er ou 2 décembre ; on l’a ramené dans son fief pour les obsèques.
    On voit aussi que Louise était dans les bras de son père (elle avait 2 ans ½), ce qui explique les 2 victimes pour un seul coup de feu.

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    1. Effectivement c'est une lecture plus logique de l'événement ! Malheureusement je n'ai toujours pas l'explication de ce coup d'arquebuse ...

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