jeudi 18 octobre 2012

De l'intérêt de lire les registres paroissiaux


L'avantage lorsqu'on pratique la généalogie depuis plusieurs années est que l'on dispose d'un peu de recul sur sa propre façon de travailler.

Personnellement, j'ai souvent travaillé de manière "anarchique" tellement l'excitation de découvrir de nouveaux ancêtres me troublait l'esprit ! Mais ce qui est vrai pour le XIXème siècle l'est moins avant. Quand on franchit le cap symbolique de la Révolution Française, c'est un peu comme sur ces îles lointaines où une fois la barrière de corail pleine de remous passée on arrive dans l'océan immense.

Et là, il faut un peu plus de méthode sinon, on risque au mieux de n'aboutir à rien, au pire de se décourager.


J'ai abordé le sujet il y a quelques temps dans l'article "comment aborder une recherche généalogique", mais je souhaite ici aller plus loin sur la méthode que je qualifiais d'"horizontale".

C'est une méthode que je pratique de temps en temps, quand je bloque sur une recherche, mais qui me permet également d'emprunter les petites routes en prenant le temps d'admirer le paysage.

La lecture complète des registres

En fait, cette méthode est plus un délassement productif si je peux me permettre ce clin d'oeil politique qu'une méthode rigoureuse.

Pour faire simple, je prends un registre d'une paroisse (car je l'applique surtout pour les périodes de l'Ancien Régime), disons par exemple celui qui va de 1741 à 1791, et je feuillette (informatiquement la plupart du temps) toutes les pages et lit systématiquement tous les actes.

A côté (ou sous un tableur qui est dans une fenêtre réduite), je note systématiquement tous les actes faisant intervenir les personnes ayant un ou des patronymes sur lesquels je travaille.
Plus exactement, je note :
  • la référence du registre
  • la vue, page ou le feuillet suivant les termes des lecteurs des registres en ligne
  • la date de l'acte
  • le nom+prénom de la personne concernée
  • la nature de l'acte : (B)aptême, (M)ariage, (S)épulture
  • le nom+prénom de son père
  • le nom+prénom de sa père
  • le nom+prénom du conjoint
  • des informations complémentaires, commune d'origine des parrain et marraine lorsqu'ils ont un patronyme que j'étudie, etc.
Une fois que j'ai effectué ce travail pour la totalité du registre, j'utilise les fonctions de tri et fais ainsi ressortir des familles entières.

L'autre intérêt de cette méthode, c'est que je dispose de noms de personnes qui proviennent peut-être d'une paroisse voisine et pour laquelle je recherchais par exemple l'acte de décès ou de mariage.

En avant ou en arrière ?

Mais on peut affiner la méthode suivant le sens de lecture.

En effet, si je reprends mon registre de 1741 à 1791, en commençant en 1741, je ne connais pas a priori le nom de famille des mères d'un couple. Je m'explique. Si je sais par exemple que Pierre Massigout a épousé Jeanne Marty vers 1785 par leurs dates de décès et par l'âge de leurs enfants, je ne connais au départ pas les noms de famille de la mère dudit Pierre Massigout ni de celle de Jeanne Marty. Donc, en commençant en 1741, je verrai peut être l'acte de décès de Anne Petit en 1760 sans le relever car il faudra attendre que j'arrive à 1785 pour découvrir qu'il s'agit de la mère de Pierre Massigout ...

Par ailleurs, en remontant le temps, on trouve les décès avant les naissances et cela permet donc de s'attendre à trouver des naissances lorsque l'on trouve un acte de sépulture. C'est de la tautologie pure mais ceux qui pratiquent de la sorte me comprendront ;o)

Quoiqu'il en soit, que l'on remonte le temps ou que l'on parte du passé pour avancer vers l'avenir, on aura sur une période entière un véritable film de la vie d'une paroisse, avec ses naissances, ses mariages et ses décès.

Des trouvailles étonnantes

On peut aussi lire des notes écrites par le curé ou par une autre personne qui donne un instantané de la vie de cette paroisse.

J'ai deux exemples sur les registres de Sainte-Croix-de-Mareuil sur lesquels je suis en train de travailler :

Le premier concerne la mort du curé en 1784 et a été rédigé par son successeur :
Notes sur le susdit article et les deux suivants sont du règne de Monsieur Banizette, curé de la présente paroisse, quoiqu’il ne les ait pas écrits, les présents registres n’ayant été remis qu’après sa mort, qui arriva le vingt huit mars de la même année que dessus.
Cet exemple permet de montrer que les registres n'étaient pas toujours rédigés en temps réel par le curé, surtout si les présents ne savaient pas signer, ce qui permettait au curé de s'organiser ...

Le second concerne une étrange découverte faite par deux femmes en 1787 :
Le vingt deux février mille sept cent quatre vingt sept, Marie Brandy et Marguerite Charles, habitantes au village de Verdinas, aperçurent un panier attaché à une branche de noyer sur le bord du grand chemin où était déposé un enfant garçon dont on ignore les auteurs, qu’elles détachèrent et dont visite et procès-verbal furent fait par Mr Pichon l’aîné, juge de la présente paroisse, après lesquelles je, soussigné curé de la présente paroisse l’ai baptisé sous le nom de Pierre, ayant eu pour parrain Pierre Roumaliac et pour marraine Marie Brandi, tous deux de cette paroisse qui n’ont signé, ni les témoins Pierre Merlaud et Pierre Duverneix, pour ne savoir de ce enquis.

                                               Raynaud, Curé de Ste Croix
L'enfant semble avoir survécu car il n'y a pas d'acte de décès le mentionnant dans les vingt années qui ont suivi ... Mais le moins que l'on puisse dire c'est que destin de ce Pierre tenait à un fil car on donnerait peu cher de sa vie si ces deux femmes n'étaient pas passées par là !

Une aide à la paléographie et à l'orthographe

Le fait de lire les actes rédigés par un curé sur plusieurs dizaines de pages permet de s'habituer assez rapidement à sa façon d'écrire. Que ce soit sur la graphie à proprement parler ou à ses abréviations, mais aussi à la forme des actes : les curés avaient leurs manies et la comparaison de plusieurs dizaines d'actes permet souvent de décrypter celui qui nous intéresse.

Mais cela permet aussi de se familiariser avec les patronymes en usage dans la région. Ainsi qu'aux diverses variations de leur orthographes. Seule, selon moi, la lecture exhaustive de tous les actes permet de faire le lien entre des personnes qui semblent différentes mais qui ne sont en réalité qu'une seule et même personne.

Toujours sur la paroisse que je cite en exemple dans cet article, il y a le cas de Pierre Duverneuil. Selon les actes, il est nommé :
  • Pierre Duverneuil
  • Pierre Deverneuil
  • Pierre Duverneix
  • Pierre Deverneix
  • Pierre Verneuil
Comment voulez-vous vous y retrouver sans avoir lu l'ensemble des actes du registre car il peut apparaître tantôt comme fils, comme mari, comme père, comme parrain, comme témoin. Seul les recoupements permettent de garantir l'unicité de la personne



Voilà donc un aperçu de l'intérêt, selon moi, de la lecture intégrale des registres qui a l'inconvénient d'être assez longue mais, comme je le disais plus haut, parfois le fait d'emprunter les petites routes est plus agréable que de prendre l'autoroute ...

Et vous, quelle méthode préférez-vous dans la lecture des registres paroissiaux ? Appliquez-vous aussi cette méthode à d'autres documents (archives notariales, recensements, matricules, etc.) ?

Pour aller plus loin :
           

10 commentaires:

  1. Il faut reconnaitre que c est long et fastidieux mais ca peut aider ;-) Moi je suis pour :-)

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    1. Et moi aussi !

      Mais le problème est que je fais face à un dilemme auquel j'étais confronté lorsque j'étais en Math Sup : dois-je dormir ? dois-je manger ? Quelle perte de temps ! Et pourtant, si je ne mange ni ne dors, je ne vais pas tenir longtemps, alors, j'ai pris le parti de prendre le temps et d'accepter que je ne pourrai pas (jamais) tout faire ... Dieu que la généalogie est une école d'humilité ;o)

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  2. J'ai entrepris également de lire systématiquement les registres de certaines paroisses clefs, mais la plupart du temps je suis obligée de recommencer plusieurs fois, parce qu'un acte me permet de remonter sur une nouvelle famille qui peut avoir de l'importance et que je n'avais pas noté .... Neanmoins, je confirme que c'est une méthode productive

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    1. Bonjour Brigitte,

      Exactement, pour certains registres, je fais beaucoup d'allers et retours mais cela me permets au moins de redécouvrir de nouvelles choses et de parfaire ma capacité à lire certains curés qui soit étaient très âgés, soit avaient naturellement une écriture compliquée ...
      J'ai d'ailleurs noté des "modes" d'écriture. Mais les paléographes doivent savoir ça !

      A bientôt

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  3. Bonjour,
    Oui sur les petites paroisses, moins sur les grandes ! En fait tout dépend aussi de ce que l'on veut faire, des objectifs. Mais il faut être très rigoureux avec cette méthode car elle génère beaucoup de "bruit" et l'on peut vite être noyé dans le lot d'informations et ... d'ancêtres potentiels.
    Par contre un "oui" franc et massif pour une lecture du registre, sans prise de note mais pour se familiariser avec les noms, les tournures, l'écriture ...

    J'aime beaucop votre façon d'écrire !

    Isabelle

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    1. Bonjour Isabelle,

      Merci pour vos compliments ! Si mon prof de français de 5ème me voyait, il ne comprendrait plus rien : il avait réussi à me fâcher avec la grammaire mais heureusement, mon grand-père maternelle m'a redonné le goût de notre belle langue ! Et la généalogie, avec les tournures de phrases découvertes au fils des ans m'a donné cette envie d'écrire encore et toujours !

      A bientôt pour d'autres découvertes sur ce blog !

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  4. Je le fais pour la branche de ma femme (souvent des petites paroisses du 91 : Buno, Gironville, Boigneville...). Et j'intègre systématiquement dans mon logiciel les données des personnes qui ne sont que des latéraux ou des familles alliées (mêmes lointaines alliées).
    Ce sont des petites communes, donc j'ai de fortes chances de retrouver ces personnes plus tard, et au final, au XVIIIè, j'intègre grosso modo plus de 75% des actes.
    C'est fastidieux, certes, mais très souvent payant.
    Et effectivement, il est toujours intéressant de lire les annotations du curé (sur un acte de décès à rallonge par ex d'une de ses domestiques, dans lequel il parle de toutes ses qualités).
    Cyril

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    1. Bonjour Cyril,

      Dans le cas du curé assez loquace que la domestique, on peut légitimement se demander si elle n'était pas un peu plus que la bonne ...

      J'ai vu dans un cimetière de Dordogne, trois tombes :
      - deux tombes de deux frères ayant vécu célibataires
      - au centre, la tombe (plus petite) de leur bonne

      Etonnant ;o)

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  5. Je le fais systématiquement pour le petit village des mes ancêtres (en utilisant un logiciel portant le nom d'un traité célèbre entre la France et les Provinces Unies).
    Cette méthode permet effectivement de retrouver des familles entières mais aussi d'avoir une vision de l'histoire locale en étudiant les professions des habitants, les noms des maires, des curés...

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  6. Bonjour Agnès,

    A chaque fois que je fouille dans les registres des paroisses d'où sont issus mes ancêtres, je me dis que je devrais noter, comme vous, les professions, les noms des curés et autres, mais je passe à autre chose. Hélas :o(
    Mais je remarque de temps en temps des choses amusantes comme j'ai dans mes ancêtres une véritable "dynastie" de marguilliers et de sacristains ...
    La généalogie m'étonnera toujours par sa richesse !

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