mercredi 31 décembre 2014

Quelques bonnes résolutions 2015


Le moment est venu de formuler quelques résolutions pour cette année qui sera là dans quelques heures.

Bien entendu, je vais commencer par tenter de finir ce que j’ai initié car, même si la généalogie est une activité qui peut nous amener par monts et par vaux, il faut essayer de disposer, de temps en temps, de bases solides pour partir à la recherche d’une génération de plus.

J’ai donc pris cinq résolutions cette année que je vais tenter de suivre (nous verrons bien fin 2015 ce qu’il en aura été …).


1/ Finir mon relevé de Béthisy Saint Pierre

J’ai parfaitement conscience d’avoir été assez pénible avec mon relevé de Béthisy Saint Pierre dans l’Oise, mais le nombre de découvertes que j’y ai fait et le sentiment d’avoir une vision d’ensemble sur une paroisse entière me donnent vraiment l’envie de continuer.

J’ai d’autant envie de continuer que je sais que les actes de 1747 à 1782 sont très bien écrits et remplis d’informations très utiles. De plus, en ayant les relevés de 1587 à 1782, je disposerai de l’histoire de familles sur près de 200 ans, c’est-à-dire environ 8 à 9 générations !


2/ Finir mon relevé de l’Hospice des Pauvres de Beauvais

C’est un peu mon leitmotiv annuel mais cette année, il faut vraiment que je m’y colle !

Ce sujet est très riche d’enseignement car outre le coup de projecteur donné sur les destins tragiques de ces pauvres enfants abandonnés, on y découvre un grand nombre d’informations intéressantes sur la façon dont les enfants étaient habillés à l’époque ainsi que, parfois, quelques descriptions physiques toujours enrichissantes.


3/ Participer au Challenge 2015

Non, je ne dispose d’aucune information à ce sujet, mais je ne doute pas un instant que Sophie voudra renouveler les expériences de 2013 et 2014.

Donc, au cas où ce challenge se ferait, sachez que je dispose déjà de ma thématique …


4/ Continuer mes recherches sur ma belle-famille

En faisant des recherches sur la branche maternelle du père de mon épouse, j’ai mis le doigt dans un engrenage. Cela m’a entraîné dans des régions que je ne connaissais pas auparavant, à savoir le Languedoc-Roussillon et la région PACA.

J’ai découvert d’autres lieux, d’autres patronymes, d’autres métiers (ou en tout cas d’autres appellations de métiers). Bref, j’ai découvert tout un environnement que j’ai envie de continuer à explorer.

Par chance, les sources sont en assez bon état et je devrais pouvoir arriver jusqu’aux années 1650 pour la plupart des branches …


5/ Ecrire

Bien que de formation scientifique, j’ai quelques gènes littéraires qui traînent dans mon patrimoine génétique. Du coup, j’aime écrire.

Le blog que j’ai ouvert en août 2012 compte aujourd’hui un peu plus de 210 articles. J’étais loin d’imaginer au commencement de cette aventure que j’allais autant écrire.

Avec le recul, je constate que les articles qui ont eu le plus de lecteurs sont ceux qui traitent de techniques ou de méthodes pour résoudre quelques énigmes. Alors, je me dis que si les astuces que j’ai trouvées pour mes recherches peuvent intéresser, pourquoi ne pas les compiler en les enrichissant d’exemples concrets …

Je vais donc travailler à un petit ouvrage que j’espère pouvoir publier en cours d’année 2015. Dans un premier temps sous la forme d’un e-book puis, en fonction du « succès » de cette aventure, sur un support plus traditionnel.


Voilà pour ma mission 2015 !



En tout cas, je vous souhaite à toutes et tous une excellente année 2015, avec plein d’énigmes résolues et d’ancêtres retrouvés !



mardi 23 décembre 2014

Un bilan 2014


La fin du mois de décembre 2014 sonne l’heure des bilans et je ne dérogerai donc pas à cette tradition. Il faut dire que, une fois de plus, durant cette année, j’ai effectué beaucoup de recherches à des endroits que je n’imaginais pas en début d’année et que, en conséquence, une partie des objectifs que je m’étais fixés en janvier n’ont pas été atteints.



Petit retour en arrière sur ce que j’aurais dû faire …


1/ Effectuer le relevé des registres paroissiaux de la paroisse de Béthisy Saint-Pierre

Même si je n’ai pas terminé de relever les actes sur la période que j’avais visée, j’ai quand même bien avancé sur ce point. Pour mémoire, j’avais décidé de relever tous les actes de baptême, mariage et sépulture de 1617 à 1782, mais c’était sans compter avec la découverte d’un registre allant de 1587 à 1616.

De ce fait, mes recherches m’ont conduit à ce jour à relever ces actes :

  • de 1587 à 1597 et de 1617 à 1747 pour les baptêmes
  • de 1617 à 1747 pour les mariages
  • de 1617 à 1747 pour les sépultures


Il me reste encore pas mal de travail d’autant que les actes de 1587 à 1616 ont une écriture parfois difficile à déchiffrer, surtout pour les patronymes. Le problème étant qu’il semble qu’à cette période un grand nombre de personnes sont arrivées dans la paroisse de Béthisy Saint Pierre, ce qui fait des patronymes à déchiffrer lettre par lettre.

Cependant, cette analyse m’a permis de découvrir un grand nombre de mes ancêtres et surtout d’identifier beaucoup de collatéraux à ces derniers. Je me suis même amusé à reconstruire les généalogies descendantes de quelques familles, ce qui constitue les prémisses à l’étude que je souhaite faire sur cette paroisse.


2/ Participer au challenge AZ de Sophie cru 2014

Mission accomplie.

Cette année, j’avais opté pour un ensemble d’articles dont le thème était les premières lettres des prénoms de certains de mes ancêtres.

Je me suis pris à écrire des petites biographies de ces personnes, soit en simulant des mémoires, soit en simulant des échanges épistolaires, soit en usant de différents artifices pour rendre ces histoires plus vivantes que la simple juxtaposition de patronymes, de dates et de lieux.

L’exercice m’a donné envie de continuer pour d’autres ancêtres, mais c’est un travail long et je manque de temps. Alors, je le repousse à plus tard …


3/ Effectuer le relevé des enfants abandonnés sous l’Empire de l’Hospice des Pauvres de Beauvais

Cette tâche est sans cesse repoussée car je crois bien n’avoir fait aucun relevé cette année ! Ce n’est pas que je me suis désintéressé de ce sujet, mais non seulement mon activité professionnelle a été très chronophage cette année (ce qui explique d’ailleurs ma faible présence sur les réseaux sociaux en 2014), mais en plus la découverte d’informations concernant la branche paternelle de mon épouse m’a pris le peu de temps qui me restait !


4/ Les surprises

Je ne m’attendais pas cette année à pouvoir autant progresser sur la branche maternelle du père de mon épouse.

Il a suffit de quelques livrets de familles pour faire le lien entre les données dont je disposais et qui se limitaient au nom de famille des parents de la grand-mère paternelle de mon épouse, et les archives en ligne de l’Aude qui débutent vers 1865 (pour remonter vers le milieu du XVIIème siècle).

Les découvertes que j’ai faites sont vraiment intéressantes puisque j’ai pu (entre autres) confirmer une légende familiale qui disait que cette famille descendait d’un Bouzinac de la Bastide. Mais il me reste à prouver que du sang espagnol coule dans les veines de mon épouse, ce qui semble bien engagé au vu de certains indices.

Par ailleurs, j’ai découvert un ancêtre protestant dans ma belle-famille ce qui est assez amusant mais finalement pas si étonnant dans la mesure où le Languedoc est une province où la Religion Prétendue Réformée a essaimé.

La dernière découverte de cette année est l’exhumation de dizaines de lettres envoyées du front par l’arrière-grand-père maternel de mon épouse à sa femme entre 1914 et 1915, puisqu’il est mort des suites de ses blessures le 29 octobre 1915.

D’ailleurs, pour la petite histoire, mon épouse m’a confié qu’il y a quelques années, elle avait prêté certaines de ces lettres à un ami de France Inter et que voyant cela, ce dernier aurait souhaité les regrouper avec d’autres et les publier … Et c’est ce journaliste qui est à l’initiative de l’ouvrage « Paroles de Poilus » … Ainsi, c’est grâce à la correspondance de cet ancêtre pas si lointain qu’un tel ouvrage a vu le jour !


Une année 2014 riche en découvertes donc mais qui aurait être encore plus riche si j’en avais eu le temps … Mais le temps est une donnée que nous ne pouvons pas ralentir alors il nous faut accepter le fait que nous ne pouvons pas tout faire … D’autant qu’il reste l’année prochaine pour tout faire !



Alors, bonnes fêtes de fin d’année à toutes et tous et à très bientôt.  


mercredi 17 décembre 2014

La technique des aires


Comme tout généalogiste amateur qui se respecte, j’essaie en permanence de trouver des techniques qui me permettent d’optimiser mes recherches. En effet, la recherche d’ancêtres est suffisamment longue pour que tout ce qui peut être mis en œuvre pour gagner du temps soit le bienvenu.

Après avoir exploré différentes régions de France et avoir retrouvé un grand nombre de mes ancêtres, j’ai constaté que, à part certains cas, la plupart d’entre eux étaient issus de couples natifs de la même paroisse ou de paroisses voisines. 

Ceci s’explique principalement par le fait qu’ils étaient dans leur grande majorité des agriculteurs ou des artisans et que par conséquent ils perpétuaient la lignée en restant dans la paroisse qui les avait vus naître. Cela a d’ailleurs permis à certains d’entre eux d’occuper des charges ou des fonctions au sein de la paroisse, comme procureur du Roi, marguillier, huissier, etc.. Tout cela n’aurait sans doute pas été possible s’ils avaient été des nouveaux venus.


Pourquoi la méthode des aires ?

Partant de ce constat, je me suis dit que pour rechercher un ancêtre sans connaître a priori sa paroisse d’origine, il fallait circonscrire au maximum les recherches à quelques paroisses, quitte ensuite à élargir le cercle des recherches en cas d’échec. C’est ce que j’avais baptisé à l’époque la méthode de l’escargot.

Pour l’avoir utilisé un grand nombre de fois, je me suis rendu compte qu’elle était efficace mais parfois un peu longue, surtout en cas de recherche dans une zone où la densité de paroisses est importante.

L’idée m’est donc venue de limiter le nombre de paroisses cibles et de n’appliquer la méthode de l’escargot que sur un certain nombre d’entre elles. C’est ainsi que la méthode des aires est née.


Un principe simple

Le principe est simple : réduire au maximum le nombre de paroisses sur lesquelles effectuer les recherches. Pour cela il faut définir des critères d’éligibilité permettant de ne garder que certaines paroisses.

Application à la commune d'Ornaisons - Source Google maps


Or nous avons tous remarqué au cours de nos recherches que dans les actes de baptêmes, de mariage ou de sépulture (mais c’est également vrai pour les actes de naissances, mariages et décès post-révolutionnaires) certaines personnes présentes ont deux caractéristiques intéressantes : elles ont un patronyme identique à celui de la personne ou des personnes concernées par l’acte (par exemple un parrain, une marraine, un témoin, etc.) et elles sont signalées comme vivant dans une autre paroisse ou commune que celle du registre où se situe l’acte.

Cette caractéristique sert généralement à orienter les recherches vers ce lieu en cas de blocage.

Si on identifie toutes ces paroisses ou communes où vivent des proches des personnes concernées par nos recherches, on peut alors les disposer sur une carte et les relier de sorte à former un polygone irrégulier.

L’aire ainsi constituée peut alors être considérée comme la surface qui fixe les limites de la recherche et dans laquelle on peut appliquer la méthode de l’escargot de façon beaucoup plus optimale.

Aire définie par les communes citées dans les registres - Source Google maps


Pour améliorer la méthode

Si on veut perfectionner le système, il est ensuite possible de procéder à un sondage dans chaque commune ou paroisse constituant un sommet de ce polygone sur une période significative, disons 5 à 10 ans avant la date figurant sur l’acte où est mentionnée la personne et 5 à 10 ans après.

Il faut ensuite relever le nombre de porteurs du patronyme considéré. S’il n’y en a aucun, cela signifie que la personne citée n’est pas originaire de la paroisse, et donc qu’on a peu de chance de lui trouver des ancêtres ici. A l’inverse, si la densité de personnes portant le même nom est élevé, on risque d’avoir trouvé un foyer d’où est sans doute issue la personne.

Ensuite, on peut modifier le polygone obtenu initialement en ne gardant que les sommets correspondant à des paroisses ou communes à forte densité de porteurs du nom.

Si toutefois les recherches dans les paroisses ou communes présentes dans cette aire ne donnent rien, il est alors possible de l’agrandir, mais cette fois-ci artificiellement, en traçant l’aire de second rang, c’est-à-dire une aire dont les sommets de la frontière sont les paroisses ou communes situées juste au-delà des premiers sommets.

Extension aux communes environnantes - source Google maps

Cela revient à partir d’un cercle et de définir des cercles concentriques de rayons de plus en plus grands, mais au lieu d’avoir des cercles on utilise des polygones qui ont le mérite de définir une aire où la probabilité de trouver l’ancêtre recherché est plus grande, ce qui a pour conséquence immédiate de passer moins de temps à le chercher.



La méthode des aires est donc un moyen efficace pour retrouver un ancêtre mais ne fonctionne qu’à une condition : que l’ancêtre recherché ne soit pas originaire d’une paroisse trop éloignée de la paroisse où il s’est ensuite établi. Cette méthode permet également de visualiser ce que je nommerais la zone d’influence de la famille et de ses alliés, c’est-à-dire la zone au sein de laquelle ils ont vécu et évolué.





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mardi 9 décembre 2014

Comment trouver la bonne paroisse


Lorsqu’on commence l’exploration d’une région qui ne nous est pas familière, une des premières difficultés auxquelles on est confronté est la localisation des paroisses ou autres lieux. En effet, pour les habitants du lieu et à l’époque à laquelle ils vivaient, il n’y avait aucune ambiguïté sur les noms de village. Ainsi un « Saint André » suffisait à définir le lieu concerné alors que de nos jours, ledit « Saint André » est peut-être devenu autre chose, a peut-être disparu ou a fait l’objet d’une fusion avec une autre commune.

Par ailleurs, les sources de l’époque sont généralement manuscrites, ce qui signifie que l’orthographe de ces lieux est laissée à l’appréciation de son rédacteur. Alors, pour peu qu’une des personnes citées vienne de loin, le nom du lieu sera transcrit de manière phonétique, avec tout ce que cela signifie en termes de précision ... Je me rappelle ainsi avoir cherché pendant des heures la ville d’Eslingue », située, selon l’acte en question dans « l’Electorat de Trèves ». Il s’est avéré que la commune recherchée était celle d’Äslingen …



Pourtant, il existe quelques astuces simples à mettre en œuvre pour retrouver ces lieux mystérieux.

1/ Les sites des archives départementales

La première source est le site des archives sur lequel vous vous trouvez. En effet, à moins que cela ne soit précisé dans l’acte, les personnes figurant sur les registres sont généralement du coin. J’en veux pour preuve que lorsque la paroisse est différente de celle d’où le curé rédacteur est issu, celui-ci précise généralement à quel diocèse elle appartient, voire dans quelle province elle se situe.

Dans le cas où il s’agit d’une paroisse locale ou située dans les environs, il suffit donc d’aller sur la liste des communes du département qui figure sur le site des archives pour trouver son bonheur.

Bien entendu, il peut y avoir plusieurs candidats, surtout si le nom figurant sur l’acte est « commun », comme « Saint Pierre » ou « Saint André ». Et puis le nom peut avoir évolué ou tout simplement, être tronqué dans l’acte car pour le rédacteur, le nom raccourci est suffisamment implicite. Ainsi, dans l’Aude, Saint André de Roquelongue est souvent cité comme « Saint André ». Mais cette façon de procéder donne généralement de bons résultats.

Cette façon de faire permet également de lever les doutes sur la graphie des noms, par exemple un « n » pouvant être écrit comme un « u » …

2/ Google maps

L’autre possibilité, mais qui n’exclut pas la première, est d’aller sur des cartes en ligne, comme celle de Google maps. En entrant le nom de la paroisse sur laquelle on se trouve, on peut visualiser très simplement toutes les communes environnantes.

En appliquant le même raisonnement que précédemment qui consiste à faire le pari que les personnes citées dans un acte vivent dans la paroisse concernée ou à proximité, il est alors facile de visualiser sur la carte les noms des communes avoisinantes. Car même si les noms ont changé ou ont évolué, on retrouve généralement la trace de la paroisse recherchée et on obtient du coup sa bonne orthographe.


3/ Les moteurs de recherche

Une fois la paroisse recherchée identifiée et correctement orthographiée, il est alors possible d’en savoir plus sur elle en effectuant une recherche via un moteur de recherche sur le web. Personnellement j’utilise Google ou Qwant, ce dernier étant totalement neutre, c’est-à-dire ne tenant pas compte des recherches effectuées précédemment pour la demande en cours.

Cela permet d’avoir des informations précieuses qui mènent à des sites d’archives comme Gallica ou des sites d’érudits, voire de passionnés ayant écrit des monographies sur la commune.

Les informations recueillies permettent alors de découvrir les moments clefs de l’histoire de la commune, les personnages principaux et les noms des villages qui y sont rattachés. C’est ainsi par exemple que j’ai découvert des informations sur un de mes ancêtres à la fin du XVIème siècle dans une paroisse du Valois car son nom figurait sur une stèle funéraire encore présente dans l’église de la commune …


Ces quelques astuces permettent de retrouver les noms des lieux qui sont présents dans les registres ou les actes anciens, qui y sont mal orthographiés ou suffisamment mal écrits pour qu’on ne puisse pas les déchiffrer facilement. Elles permettent ensuite d’aller plus loin et parfois de découvrir des informations très intéressantes sur nos ancêtres !


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mardi 2 décembre 2014

Il faut se méfier des conclusions hâtives …


Même si nous sommes vigilants, nous pouvons nous faire piéger par des a priori. Par exemple, bien des choses ont changé depuis le XVIIIème siècle et des mots ou des comportements qui étaient clairs et sans ambigüité à l’époque ont évolué et ont parfois pris une autre connotation.

Le problème est que si nous n’y prenons gare, nous pouvons nous perdre dans des conclusions erronées.

Voici trois exemples trouvés lors de mes recherches sur la branche de la grand-mère paternelle de mon épouse dans la région des Corbières, aux confins du Languedoc.


1/ Un pasteur bien catholique

Pour celles et ceux qui l’ignorent, chez les protestants, le ministre du culte se nomme un pasteur. Ce nom tire son origine dans le fait que cette personne est censée guider le troupeau des âmes humaines à l’instar d’un pasteur qui guide les brebis et évite qu’elles s’égarent.

Autre information importante, les Corbières ont été une région où le catholicisme a eu du mal à s’implanter uniformément car de grands mouvements hérétiques ont existé dans le passé, les Cathares étant les plus connus. Ainsi, trouver des protestants dans cette région n’est pas absurde en soi.

Passons à Jean Baptiste Marsal.

Il est né à Villerouge-Termenès, une petite paroisse des Corbières à quelques lieues de Lézignan. Il est le fils d’Etienne Marsal et d’Anne Ville.
Lorsque le 1er octobre 1776 il épouse Marie Pla, fille de Jean François Pla et de Marie Pech, on apprend que Jean Baptiste Marsal est un pasteur résidant depuis longtemps dans la paroisse de Ribaute, celle où a lieu ce mariage et d’où est originaire la future.

Spontanément, je me suis alors dit que mon épouse avait un ancêtre de plus protestant (car j’en avais découvert un autre quelques temps auparavant …). Rien d’étonnant à cela pour les raisons évoquées plus haut.
Au moment où je transcrivais l’acte de mariage, je me prenais déjà à imaginer un billet exaltant la grande tolérance de l’église catholique envers leurs « frères » protestants, mettant cela sur le compte de siècles de cohabitation.

Seulement voilà. Arrivé à la fin de l’acte je lis la mention suivante


« Présents à ce mariage, Mr Mas, bourgeois, et le sieur Baptiste Pla, oncle paternel de la mariée et Vincent, qui ont signé avec nous, et non Baptiste Marsal et Marie Pla, de ce requis ont dit ne savoir (…) »


Quoi donc ? Un pasteur ne sachant pas écrire ? Pas possible ! Quand on sait l’importance que portaient les protestants à l’étude des écritures, je me suis dit que cela ne collait pas ! Et puis, je me suis souvenu que jadis un pasteur était aussi un berger …

Ainsi, cet ancêtre n’était point ministre du culte protestant, mais bien un simple berger …


2/ Un ancêtre Premier Consul

Toujours dans cette branche, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que Arnaud Pla, le sosa 1668 de mes enfants (et accessoirement le grand-père paternel de la Marie Pla citée plus haut) était Premier Consul !

Oui, mais Premier Consul … de Félines-Termenès ! Tout de suite, cela rompt un peu le charme …

Cela montre qu’il faut bien tout lire dans un acte pour éviter de se faire des illusions !

En fait Arnaud Pla, né le 2 juin 1680 à Félines-Termenès, fils de Raymond Pla et de Marie Cumond, et décédé le 3 mai 1746 au même Félines-Termenès, était un notable de cette petite paroisse. Celle-ci était administrée par des consuls et le premier d’entre eux était en quelque sorte le Maire, si on peut tenter un parallèle qui frise l’anachronisme.

La déception (relative) est alors vite remplacée par une découverte historique qui est que sous Louis XV, les paroisses étaient relativement autonomes et étaient pour certaines auto-administrées. On est loin de l’image montrant des paroisses composées de paysans incultes écrasés par un seigneur impitoyable …


3/ Un ménager qui ne fait pas le ménage

A plusieurs reprises, au début du XVIIIème siècle, j’ai rencontré des ménagers dans les ancêtres de mon épouse.

Le plus surprenant est sans doute le cas de François Bouzinac de la Bastide, huissier de son état et fils de Joseph Dominique Bouzinac de la Bastide, vice-chancelier au consulat d’Espagne et des Deux-Siciles, et de demoiselle Marie Prévot.

Cet homme qui est né à Marseille vers 1748 et qui est mort à Ferrals-les-Corbières, dans l’actuelle Aude, le 29 septembre 1796 (le 8 vendémiaire an V pour les puristes) a épousé Marie Thérèse Estieu le 24 novembre 1773 à Luc sur Orbieu, petite paroisse du Languedoc, rattachée au diocèse de Narbonne.

Au vu de l’ascendance du marié, on peut imaginer le mieux pour celle de la mariée.

Or qu’apprend-on ? Le père de Marie Thérèse Estieu, feu François Estieu était … ménager !

Spontanément, je me suis dit que soit ladite Marie Thérèse Estieu était incroyablement belle, soit notre Bouzinac de la Bastide avait fauté avant le mariage et il s’agissait de réparer quelque déshonneur. Mais un fils de vice-chancelier auprès d’un consulat ne pouvait épouse une fille de ménager, tellement ce terme est connoté négativement !

Pourtant, en regardant les ressources disponibles sur le web, j’ai découvert qu’en Languedoc, à cette période, un ménager était en fait un propriétaire terrien possédant une terre pouvant aller jusqu’à une vingtaine d’hectares …

Ainsi, loin de la connotation négative qu’un tel mot peut représenter aujourd’hui, un ménager pouvait être relativement aisé et surtout, posséder une terre et ne pas en être seulement l’exploitant pour le compte d’un seigneur ou d’un propriétaire. Du coup, ce mariage se comprenait mieux, ce qui n’annulait pas les autres causes possibles (Marie Thérèse pouvait très bien être belle et François pouvait en être amoureux …)



Les apparences sont parfois trompeuses et il faut bien lire les actes et ne pas hésiter à scruter les ressources disponibles sur le web car cela permet de lever bien des doutes et même si la réalité est moins « sexy » que ce qu’on avait pu imaginer un instant, cela n’est pas grave car la généalogie est aussi là pour tordre le coup aux légendes infondées …



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mardi 25 novembre 2014

Solidarité pastorale

Mes recherches m’ont entraîné depuis quelques temps dans le Languedoc, aux confins du Rouergue, dans un groupe de paroisses autour d’Ornaisons et de Lézignan. De ces paroisses sont en effet issus une bonne partie des ancêtres de mon épouse du côté de sa grand-mère paternelle.

Ces recherches sont passionnantes pour moi car non seulement c’est une région que je n’avais encore jamais explorée généalogiquement parlant, mais encore j’ai découvert des ramifications de cette branche à Marseille et vers Rodez, ce qui démontre, une fois de plus, que certains de nos ancêtres pouvaient être amenés à se déplacer sur de longues distances.

Lors de l’épluchage des registres paroissiaux de Ribaute, petite paroisse située à une douzaine de kilomètres au sud-ouest de Lézignan, je suis tombé sur un document assez étonnant. Il s’agit d’un courrier adressé par monsieur Bréjal, curé de Fabrezan à son collègue le curé de Ribaute.

Ribaute - Camplong - Fabrezan (source Google Maps)


En voici la teneur.



"A Fabrezan ce 20° Xbre 1763

Monsieur,

Paul Labadié, jardinier de Camplong vint me trouver hier dix-neuf du courant pour me prier de lui baptiser un enfant disant que la rivière ne pouvait pas se passer.
Je fus voir la rivière et je vis effectivement qu’il y avait du danger et étant surtout embarrassé d’un enfant. En conséquence je lui dis que j’étais votre bon ami et que tout ce que je pouvais faire pour vous rendre service je le faisais de nuit et de jour et qu’il n’avait qu’à m’apporter l’enfant et que je le baptiserais et que j’espérais bien que vous ne désapprouveriez pas ma conduite faisant pour vous ce que je voudrais qu’on fît pour moi.
En effet on m’a apporté ce matin l’enfant en question et je l’ai baptisé, vous pouvez être tranquille là-dessus et quand il y aura occasion de vous être utile vous pouvez croire que je serai toujours prêt à le faire.
Il m’a même dit qu’il avait deux enfants dans la maison malades d’une maladie qui se communique et dont plusieurs en meurent.
A la vérité, j’avais samedi dernier donné un certificat à ceux qui devaient être parrain et marraine comme ils avaient satisfait à leur devoir pascal, mais ils sont revenus disant qu’ils n’avaient osé passer l’eau de sorte que ledit Paul Labadié a été obligé d’en nommer de nouveaux, ceux qu’il avait choisis ne se trouvant pas quand il est arrivé dans la paroisse.
J’ai l’honneur d’être avec un parfait attachement
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Lebrejal, curé"



Ce courrier, outre son caractère anecdotique nous apprend plusieurs choses intéressantes.

Premièrement, il existait une solidarité entre prêtres, même si on peut imaginer une certaine rivalité du fait des revenus générés par leur cure. En l’espèce, la paroisse de Fabrezan est beaucoup plus importante que celle de Ribaute ce qui signifie donc qu’a priori le curé de Fabrezan était plus riche que son collègue de Ribaute. Pourtant, il lui a « pris » un baptême ce qui pourrait être à l’origine d’un manque à gagner pour ce dernier. Certains diront que je fais du mauvais esprit, mais la nature humaine étant ce qu’elle est, on peut tout imaginer …

Ensuite, si on regarde l’histoire racontée dans ce courrier et qu’on observe la géographie, on comprend ce qui s’est passé. Nous sommes en décembre, l’Orbieu, la rivière qui serpente dans la vallée et qui traverse Ribaute, Camplong et Fabrezan est fortement alimentée par les dizaines de rivières qui coulent depuis les monts environnant. On imagine donc qu’en hiver, l’Orbieu devait être en crue et Ribaute se situant rive droite, tandis que Camplong et Fabrezan se trouvaient rive gauche, Ribaute devait être coupée du monde pendant plusieurs semaines par an.

Si on s’intéresse à la famille de Paul Labadié sur la paroisse de Ribaute, on trouve que celui-ci, avant la naissance de son petit enfant, a déjà eu au trois enfants de son union avec Elisabeth Espardeille :
  • Catherine, née le 14 avril 1759
  • Marie Thérèse, née le 6 janvier 1761
  • Jeanne Anne, née le 25 juillet 1762

Effectivement, Paul Labadié est bien jardinier, mais tous ces baptêmes précédents ont eu lieu à Ribaute, ce qui signifie que soit il a déménagé dans la commune de Camplong entre 1762 et 1763, soit qu’il s’y trouvait au moment de la naissance de son nouvel enfant. A ce stade, l’énigme reste entière, même si quelques éléments décrits plus loin nous apportent quelques éclaircissements.

Ce document décrit également une tranche de vie de nos ancêtres : les conditions de vie dépendant de la nature, la précarité de la vie avec les deux enfants malades, les conditions à réunir pour être parrain ou marraine avec le poids de la religion dans la vie de tous les jours.

Pour finir sur la famille Labadié/Espardeille, on peut dire que le destin s’est acharné sur elle dans la mesure où sur la paroisse de Ribaute, on relève les décès suivants :
  • Marie, décédée le 26 janvier 1759 à l’âge de 14 mois
  • Paul, décédé le 19 septembre 1759 à l’âge de 4 ans
  • Raymond, décédé le 2 août 1760 à l’âge de 7 ans
  • Marie Thérèse, décédée le 9 octobre 1762 à l’âge de 21 mois
  • Jeanne Anne Rosalie, décédée le 9 août 1763 à l’âge de 2 ans

Il est par ailleurs indiqué que Paul et Raymond sont nés à Fabrezan où leur père était jardinier et sur l’acte de décès de Marie, on apprend que Paul Labadié, originaire de Fabrezan est à Ribaute depuis 4 mois.  Quant à l’acte de décès de Jeanne Anne Rosalie, il nous apprend que les parents sont de Camplong.

Ces informations nous permettent de déterminer le trajet de Paul Labadié et de son épouse puisqu’ils étaient d’abord à Fabrezan jusqu’au printemps 1759, date à laquelle ils ont migré à Ribaute, où sont nées leurs trois filles Catherine, Marie Thérèse et Jeanne Anne Rosalie. Mais ils ne sont restés dans cette paroisse que jusqu’en 1763 puisque Jeanne Anne Rosalie  est décédée à Camplong et que l’enfant dont le courrier cité plus haut est le sujet y est né.

Reste à savoir pourquoi le curé de Fabrezan a averti son collègue de Ribaute de ce baptême puisque d’après ce qu’on comprend, les parents n’y habitaient plus …

Pour finir sur une note plus positive, je n’ai pas retrouvé d’actes de décès de Catherine Labadié ni d’un autre enfant de la famille dans les années qui ont suivi 1763. Cela signifie soit que la famille a encore déménagé, soit que ces enfants ont survécu.


Quoiqu’il en soit, cela montre qu’un document a priori anodin peut se révéler riche d’informations car il apporte un éclairage précis sur la vie de nos paroisses. On peut donc compléter une généalogie avec ces éléments et même trouver des indices pour découvrir où un de nos ancêtres habitait et le suivre « à la trace ».

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mardi 18 novembre 2014

Principe de causalité et généalogie


Il y a bien longtemps, lorsque j’étais étudiant, je me suis découvert deux passions, presque en même temps : celle de la physique quantique et celle de la généalogie. Evidemment, il est compliqué de lier les deux car les domaines d’application de ces deux activités sont nettement distincts.

C’est pourquoi, les années passant, j’ai développé mes compétences en généalogie et ai pu avancer assez significativement sur l’histoire de ma famille et sur celle de mon épouse. Parallèlement, j’ai tenté de mieux appréhender les principes de la physique quantique, ce qui n’est pas une sinécure, même si aujourd’hui j’ai quelques connaissances en ce domaine.

Alors, quel est le lien avec le titre de ce billet ?

Max Planck 1858-1947 - un des pères de la physique quantique


Il y a quelques semaines, je regardais une conférence donnée par l’excellent Etienne Klein, qui abordait un de ses sujets favoris, le temps. Pour faire simple, il expliquait qu’il y a deux façons de concevoir le temps : soit de manière cyclique, soit de manière linéaire. Or les principes fondamentaux de la physique démontrent que le temps ne peut qu’être linéaire, ce qu’on peut traduire par le fait qu’il existe un principe de causalité : toute chose a pour origine une cause qui l’a précédée.

Appliqué à la généalogie, cela signifie que si nous sommes là c’est parce que nous avons des parents et ainsi de suite, à chaque génération. Bien sûr, les choses se compliquent dans le cas des mariages entre cousins puisque nous pouvons avoir des ancêtres en double. De même, dans le cas où les êtres humains sont créés à partir de cellules fécondées in vitro, ces cellules ne provenant pas nécessairement des parents dits d’adoption, la notion même de filiation perd son sens traditionnel.

Pourtant, même dans le cas d’une adoption, d’une fécondation in vitro, chaque être humain a une origine, un événement qui est la cause de son existence. Le principe de causalité s’applique donc bien, précisément parce que le temps est linéaire. Dit autrement, nous ne pouvons pas être les parents de nos parents …

La physique quantique va encore plus loin, faisant monter le principe de causalité d’un cran dans l’abstrait. L’exemple est donné par une tasse de café qu’on casse un jour. On peut effacer toutes les traces de ces dégâts, nettoyer le café qui est tombé, ramasser les éclats de porcelaine, les recoller parfaitement pour faire en sorte que personne ne puisse savoir que la tasse a été cassé, voire même mentir en disant que la tasse ne s’est jamais cassée. Pourtant, ce que dit la physique quantique c’est que, quoiqu’il arrive dans le futur, quoiqu’on observe dans le futur, l’événement qui est survenu a existé. En d’autres termes, une fois qu’un événement a existé, il est impossible de revenir en arrière et de faire en sorte qu’il n’existe pas.

Je sens bien que la majorité des lecteurs de ce billet a jeté l’éponge car elle se demande où je veux en venir …

Pourtant le lien avec la recherche généalogique est évident : ce principe montre que même si toutes les traces ont disparu, même si des témoignages altèrent la réalité, même si la mémoire des faits peut nous tromper, l’existence de nos ancêtres est un fait qui ne peut être remis en cause.

Mieux encore, nous pouvons affirmer que nous avons des ancêtres qui ont existé et qui ont donné naissance à une descendance dont nous sommes issus.

Alors, pourquoi faire un détour par la physique quantique pour en arriver à cette conclusion somme toute triviale ? Tout simplement pour rendre espoir à celles et ceux qui, à un moment de leur recherche, sont face à un mur. Ainsi, si je n’arrive pas à trouver la trace d’un de mes ancêtres car il semble être apparu spontanément à une époque, ce que me démontre ce principe de causalité c’est qu’il est certain qu’il a existé un jour et que tous les événements qui ont marqué sa vie ont existé.

Cette façon de penser peut redonner espoir à ceux, dont je fais partie, qui ont dans leur généalogie, un ancêtre né d’un père inconnu. Ce n’est pas parce que ce père est inconnu qu’il n’existe pas. Il suffirait, dans l’absolu, de recenser tous les hommes en âge de procréer, vivant dans l’environnement de la jeune fille séduite pour y retrouver le père recherché. Puis, grâce à certains indices, on pourrait ne garder dans la liste que quelques candidats possibles. On pourrait même, par des recherches génétiques sur leurs descendants, identifier ce père.
Il est stupide de faire des recherches aussi poussées pour compléter une branche de son arbre, mais ce que nous montre ce qui a été dit plus haut, c’est que ce père existe, même si nous ne l’avons pas (encore) identifié …

Par rapport à d’autres domaines de la recherche, c’est une chance considérable de savoir que cet ancêtre a existé (les chercheurs savent bien que parfois ils cherchent des années des choses qui, au final, n’existent pas …).

Partant de ce principe, il faut alors s’armer de courage et reprendre un à un tous les indices en se disant, une fois encore, que si ceux-ci existent, ce n’est pas par hasard et qu’ils sont la conséquence d’événements antérieurs qui ont conduit à leur existence. Il faut donc continuer à chercher et ne jamais abandonner !


Le principe de causalité appliqué à la généalogie permet d’affirmer que les ancêtres dont nous ne trouvons pas la trace ont pourtant bel et bien existé. Tout le travail du généalogiste est donc de rechercher patiemment les faits qui permettent de retrouver leur trace. Cette démarche historique, au sens d’Hérodote (« historiè » signifie « enquête » en grec) est sans doute la plus passionnante des aventures !


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mardi 11 novembre 2014

Les légendes sont parfois vraies …


Il y a quelques temps de cela, je montrais que dans la plupart des cas, les légendes familiales étaient non fondées et que certains faits historiques, déformés par les années finissaient par transformer un modeste artisan en un compagnon d’un Roi ou d’une Reine …

Pourtant, parfois, les faits donnent raison aux rumeurs et on ressent alors une joie intense : celle de disposer des documents qui attestent de la véracité de la légende familiale. C’est d’ailleurs, je pense, le véritable bonheur, plus que celui de trouver un ancêtre « prestigieux » ou à la vie incroyable.

Dans le cas qui m’intéresse, il s’agit de la branche maternelle de mes enfants. Dans cette branche, il y a en gros des ancêtres dans quatre régions de France : le Limousin, le Poitou-Charente, l’Aquitaine et le Languedoc-Roussillon.

Marseille - Notre-Dame des Accoules


Il y avait déjà pas mal d’années que je voulais combler les lacunes de la branche du Languedoc-Roussillon mais les archives départementales de l’Aude n’étaient pas en ligne jusqu’à un passé récent et lorsque je suis allé visiter leur site, j’ai constaté qu’elles débutaient tard, c’est-à-dire avant 1870 … Or, je n’avais pas de document reliant la grand-mère paternelle de mon épouse à cette époque.

Un premier coup de pouce du destin m’a fait retrouver il y a peu les livrets de famille de cette grand-mère et de ses parents et grands-parents. J’ai donc pu trouver les noms, prénoms et dates de naissance, mariage et décès de ses grands-parents, ce qui, pour un généalogiste, est un bon début.

Cette famille est issue de la commune d’Ornaisons, dans l’Aude, en plein dans les Corbières (les amateurs de vin apprécieront). Mais très rapidement, je me suis retrouvé dans la commune voisine de Luc-sur-Orbieu où Pierre Martial Dulsou, maréchal de forge, a épousé en 1857 Honorine Lucie Marie Bouzinac.

Si le mariage a eu lieu dans cette commune de Luc-sur-Orbieu c’est parce que l’épouse en était originaire. Elle y est en effet née le 12 décembre 1836, de l’union de Joseph Bouzinac avec Marianne Pech. La famille était assez aisée semble-t-il car Joseph Bouzinac était propriétaire.  Ce dernier avait épousé Marianne Pech le 25 septembre 1835, toujours à Luc-sur-Orbieu.

Joseph Bouzinac, né le 12 mars 1812, était le fils de François Bouzinac et de Rose Bertrand. François Bouzinac était un modeste agriculteur. Jusque là donc, pas de quoi s’affoler car cette généalogie s’annonçait classique et très « linéaire ». La méthode la plus simple consistant à remonter dans le temps et à chercher l’acte de mariage de ses parents.

Après un peu de temps passé sur les registres de la commune, j’ai trouvé que François Bouzinac avait épousé Rose Bertrand le 19 brumaire de l’an V, c’est-à-dire le 9 novembre 1796. Dans son acte de mariage, on aprend que François Bouzinac est sans parents, ceux-ci étant décédés. Son père se nommait François Bouzinac et sa mère Marie Thérèse Estieu. Imaginant que ceux-ci sont décédés sur la commune, j’ai donc remonté le temps en scrutant attentivement les différents actes, car comme souvent, l’officier d’état-civil de cette période révolutionnaire n’était pas vraiment un artiste …

Effectivement les deux parents de François Bouzinac, époux de Rose Bertrand, étaient décédés respectivement le 8 vendémiaire an V, dans la commune voisine de Ferrals, pour son père, tandis que sa mère était décédée à Luc-sur-Orbieu le 31 juillet 1792. Rien dans ces actes ne donnant d’éléments particuliers, si ce n’est l’âge du père (46 ans) et celui de la mère (34 ans).

Ayant une estimation de leur date de naissance et connaissant la date estimée de naissance de leur fils François, je me suis donc mis à rechercher leur acte de mariage. Après quelques heures, j’ai trouvé ce qui s’apparente au Graal de tout généalogiste, à savoir leur acte de mariage, en date du 24 novembre 1773, dont voici la transcription :


« L’an mil sept cent soixante treize et le vingt quatrième jour du mois de novembre, après la publication de trois bans ou annonces faites au prône de notre messe de paroisse pendant trois dimanches consécutifs dont le dernier a été le sept de ce mois vingt troisième dimanche après pentecôte, nous avons conjoint en légitime mariage

le Sr François Bouzinac de la Bastide, huissier, fils de feu Sr J… D… Bouzinac de la Bastide, Vice-chancelier du Consulat d’Espagne et de Naples et de Dlle Marie ? Peirot, mariés, de la ville de Marseille, d’une part, habitant depuis environ quatre ans dans cette paroisse, âgé d’environ vingt huit ans

Et dlle Marie Thérèse Estieu, fille de feu François Estieu, ménager et de Marie Gouset, mariés, de cette paroisse, âgée d’environ dix sept ans, d’autre part,

Du consentement de la mère de l’époux, comme il conste par sa procuration en faveur de maître Théodore Jean Maragon, avocat au parlement retenue par le Sr …, notaire royal de Toulouse, en date du troisième du même mois, contrôlé le même jour par défaut dûment légalisé par messire de Lartigue, juge mage en la Sénéchaussée de Toulouse et du consentement du Sr Jean Pierre Faby, maître en chirurgie au lieu de Lézignan, curateur de ladite demoiselle Marie Thérèse Estieu, comme il conste par le contrat de mariage retenu le jour d’hier par le St Cassan, notaire du lieu de Lézignan

Sans qu’il soit venu en notre connaissance aucun empêchement canonique ni civil et toutes les formalités en tel cas requises dûment observées, nous avons célébré la Sainte Messe et leur avons départi la bénédiction nuptiale.

Présents les Sr Maître Jean Théodore Maragon, avocat en parlement, procureur fondé de la mère de l’époux, Jean Pierre Faly, curateur de ladite épouse, Joseph Farale Philibert Maragon, Bruno Maragon, François Aspergès, ménager, Jacques Guillaumon, signés avec nous vicaire, le procureur fondé de l’époux,le curateur de l’épouse, l’époux et non l’épouse pour ne savoir de ce requise. »


Pour le lecteur, cet acte ne signifie rien de particulier, si ce n’est le fait que François Bouzinac, époux de Rose Bertrand est le fils de François Bouzinac de la Bastide, huissier et fils de J. D.,  Vice-Chancelier du Consul d’Espagne et de Naples et de Marie Peirot.

En réalité, cela démontrait qu’une légende familiale, colportée par la grand-mère paternelle de mon épouse disait vraie lorsqu’elle disait descendre de « Bouzinat de la Bastide ». Je me souviens que je prenais ces assertions à la rigolade, certain qu’une fois de plus, le temps avait déformé les faits … Or je me trouvais là face à cette preuve irréfutable !

Mais, trouvant ces preuves, une autre légende se rappelait à ma mémoire, celle d’ancêtres Espagnols dont ma femme ne cessait de me parler. Or pour le moment, la seule information donc je disposais était l’origine Marseillaise de cette famille, ce qui était déjà surprenant en soi !

Poussé par la curiosité, j’ai donc continué à remonter dans le temps à la recherche d’informations sur J.D Bouzinac de la Bastide et Marie Peirot. Le problème avec Marseille est que la ville est immense, même sous Louis XV, et qu’elle compte un nombre incalculable de paroisses ! C’est là où Généanet m’a aidé car un seul arbre a été fait sur cette famille et faisait état d’un mariage en 1746.

Jai donc épluché tous les registres des paroisses marseillaises pour l’année 1746 jusqu’à trouver ce que je recherchais, dans la paroisse de Notre-Dame des Accoules, le 11 avril 1746 :


« Du onzième avril
Après une publication dans notre paroisse sans empêchement, avec dispense de deux autres contrôlé le second du courant, avec la dispense du temps prohibé, les mortuaires des père et mère de l’époux, icelui du père de l’épouse, les certificats de catholicité, état libre de tout lien et engagement des parties et leur domicile en cette ville, le tout même attesté par les témoins sous-nommés,
Nous avons marié par parole de présent
Sr Joseph Dominique Bouzinac dit de la Bastide, âgé de vingt sept ans, Secrétaire du Sr Consul d’Espagne et des Deux-Siciles, résidant rue du Coin de Reboul dans notre paroisse, fils de feu Jacques, vivant Bourgeois et de feue Ursule Catherine Dachoritegai, de Madrid, résidant dans notre paroisse à la rue du Coin du Reboul depuis sept ans d’une part
Et Dlle Suzane Peirot, âgée de seize ans, fille de feu Pierre, vivant maître boulanger et de Honnorade Bergier, de cette ville, résidant à la susdite rue du Coin de Reboul, dans notre dite paroisse d’autre part
Le tout en présence du Sr Louis Bremond, maître maçon, risidant à la Porte d’Aix, curatur nommé à la minorité de l’épouse par Mr le Lieutenant en ce siège le six du courant, contrôlé ledit jour, de la mère de l’épouse et les témoins requis, savoir Jean Baptiste Beillon, maître tailleur, résidant au Coin de Reboul, Antoine Roche, Bourgeois rue des Calus, Jean Baptiste Camoin, boulanger, rue d’Aubagne et Adrien Roman, cordonnier, rue de Nègre, tous signés, excepté la mère de l’épouse qui a dit ne savoir écrire, de ce enquise par nous vic. soussigné. »


Cet acte est fondamental à mes yeux car il donne trois informations très importantes :
-          Joseph Dominique Bouzinac dit de la Bastide n’était pas un aristocrate, mais un bourgeois dont le nom était en train de se contruire (le « dit de la Bastide » se transformant à la génération suivante en « de la Bastide »)
-          La famille était en train de gravir les échelons de la hiérarchie sociale et la Révolution Française a tout stoppé !
-          La mère de Joseph Dominique, une certaine Ursule Catherine Dachoritegai est dite « de Madrid », serait-ce la preuve de son origine espagnole ?

On remarque que si, effectivement, la mère de Joseph Dominique était Espagnole, celui-ci a pu être « embauché » par le Consul d’Espagne et des Deux-Siciles à cause de ses origines et de maîtrise supposée de l’espagnol ?

En tout cas, ces quelques jours de recherche ont ouvert des horizons immenses sur cette branche car, partant d’un « simple » propriétaire terrien d’un petit bourg de l’Aude, je suis arrivé à une famille bourgeoise en pleine ascension sociale sous le règne de Louis XV, qui avait probablement des origines partiellement espagnoles et qui était établie à Marseille, évoluant dans le milieu de la diplomatie !

Les deux légendes familiales parlant d’ancêtres « nommés » de la Bastide et ayant des origines Espagnoles sont donc avérées !

Mon seul regret est que la grand-mère de mon épouse ne soit plus de ce monde, je suis certain qu’elle aurait été ravie de toutes ces découvertes, même si la réaction de mon épouse, lorsque je lui ai montré mes trouvailles a été simple et lapidaire : « Je savais bien que c’était vrai … »


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mardi 4 novembre 2014

Nouvelles du front


Il y a des vacances plus enrichissantes que d’autres et il y a des vacances qui réservent des surprises inattendues. Dans les deux cas, on ne regrette pas d’avoir dû quitter le confort de son bureau pour aller passer quelques temps en d’autres lieux où les conditions pour la recherche généalogique sont moins bonnes.

Dans le cas présent, les dernières vacances ont été extrêmement profitables puisque j’ai eu l’occasion de découvrir une mallette dans laquelle étaient stockées depuis près d’un siècle, les courriers qu’un des arrières-grands-pères de mon épouse a envoyé à sa femme, depuis sa mobilisation jusqu’à quelques semaines de sa mort le 29 octobre 1915.

François Dalbert Chauvit 1886-1915


J’ai déjà longuement parlé de cet homme, François Dalbert Chauvit, fauché à 29 ans par cette guerre terrible. Il se trouve qu’il est resté dans la mémoire familiale comme une sorte de héros car son décès est la conséquence d’une blessure qu’il aurait reçue en protégeant les hommes dont il avait la responsabilité. Ce dernier point est incertain dans la mesure où je ne dispose d’aucun document sur les circonstances exactes dans lesquelles il a été blessé.
En revanche, en fouillant les archives familiales, je découvre un homme de son époque, avec ses convictions et son caractère, et tout cela est d’une richesse infinie.

D’ailleurs, j’envisage, aux prochaines vacances, de scanner méthodiquement tous les courriers mentionnés plus haut, pour les classer chronologiquement et les transcrire afin de proposer aux descendants de François Dalbert Chauvit une sorte de témoignage de la guerre vu depuis un caporal de l’Armée Française …

Pour donner un aperçu de la teneur de ses courriers, en voici deux qui se suivent dans le temps puisqu’ils sont datés respectivement  du 13 et du 15 février 1915. Pour situer ces courriers dans leur contexte, François Dalbert vient de vivre deux événements importants :

  • Le décès de son père qui est survenu le 20 janvier
  • La naissance de sa fille Alice qui est survenue le 28 janvier


Les transcriptions sont faites en respectant l’orthographe et la syntaxe des courriers originaux …



« Le Tremblay 13/2 1915
Ma chère Hélénie,
Je viens à l’instant de recevoir par l’intermédiaire de Roger ta lettre du 6. Je suis bien heureux que tu aime bien notre pauvre petite mais aussi je l’aime déjà autant que mon petit Georges et il me tarde bien de la voir, apprends-le lui aussi à bien aimer sa petite « nixe » (Note : elle se nomme Alice et j’imagine que son frère âgé de 2 ans et demi la nomme ainsi).
Bien qu’elle n’ai pas été (désirée) pour nous ils seront toujours égaux, ce n’ai point sa faute pauvre petite si elle ne nous était pas indispensable. Elle n’a point demandé à venir, et, si elle ne nous était pas indispensable pour vivre elle ne nous empêchera pas non plus ! Le plus ennuyeux c’est de l’élever, c’est sa peine et sa santé qui s’altèrent à ton profit ! Tu fais bien de ne pas la faire baptiser avant mon retour, car Louis et Rosa sont tous désignés pour la tenir, eux s’intéressent à nous et ça leur revient de droit.
Quand bien même il faudrait attendre longtemps, attend, elle n’en voudra pas et ne te laisse pas intimider par de faux préjugés ! J’espère qu’avec les bons soins de ta mère tu n’as pas fait d’imprudence et que tu ai a peu près remise c’est-à-dire en aussi bonne santé que possible. Fais tout ton possible pour te bien soigner que ce soit ta plus grande occupation tout le reste doit passer après. Aussitôt que tu seras capable de supporter l’air de dehors ainsi que la petite chérie faite vous photographier. SI cette demoiselle ne pouvait pas chez moi, pouvaient en trouver à Montmoreau.
Je m’étais fait photographier ici mais ça n’avait pas resté assez longtemps dans le bain, c’était moche pour que je te l’envoie. J’écris à Gayou et je luis dis de monter te payer, faites lui donner tout ce que vous pouvez, regardez sur le livre rien que l’an dernier ça doit se monter à 182 F 50.
Il fait un temps de chien et je suis heureux d’être là près du feu avec mes gros sabots et ma couchette de paille.
Hier il avait neigé et aujourd’hui il pleut à torrent.
Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que mes deux petits et tes parents.

Chauvit »

 Et la seconde :


« 15 février 1915

Ma très chère Hélénie,
Je suis toujours au Tremblay et bien heureux, je n’y resterai jamais assez nous voudrions bien tous y finir la guerre ! Nous trouvons tous en avoir fait notre part mais mois je n’exagère pas en le disant. J’ai pour amis 2 braves garçons, l’un prpr (Note : lire « propriétaire ») vers La Rochefoucauld est venu à nos foires, l’autre boulanger est de vers Tarbes, nous faisons la partie ensemble dans un petit bourg qui est situé à un km environ d’ici derrière un grand bois.
Nous faisons une bourre, prenons quelques consommations, juste pour passer le temps et calmer la soif ! Je ne fais point d’excès, j’économise tant que je peux mais quand nous en avons l’occasion nous oblige de nous distraire pour oublier le mauvais temps et les périls.
Hier soir nous y avons retrouvé trois jeunes messieurs qui parlaient Allemand et bien avec la patronne, nous y revenons ce soir pour qu’elle nous renseigne sur ce qu’ils sont ! J’étais excité et les surveillais le moindre geste la moindre parole contre nous c’en était fait de leur vie ! Mais comme ils ne disaient rien nous ne pouvions les attaquer sans savoir ce qu’ils étaient.
Les gens sont assez gentils envers nous, mais il y a tellement d’espions parmi nous que nous n’avons confiance en aucun des habitants.
Des bruits ont couru que notre Division allait être relevée et renvoyée ou en Alsace ou a Paris, est-ce vrai je l’ignore encore ? Il est certain qu’il y a un grand mouvement de troupes et que quelque chose se prépare.
Je reçois bien tes lettres mais je n’ai point reçu celle de Mme Moineau. Tant qu’aux colis, je ne pourrais pas les recevoir car j’ai dit à Roger de les garder.
Il faudra aussitôt qu’il ne fera plus de froid que je t’expédie les effets que j’ai en trop.
Si je vois Antoine je lui donnerai le colis, tu ne peux te faire idée de ce que je suis content de le voir ! Depuis si longtemps si exposé et ne voir personne de ma famille, ici à 600 km ça me rapporte là-bas vers vous tous. Que ton père ne se casse pas la tête pour le travail et surtout ne se fatigue pas et risque de prendre du mal c’est assez bien que tu sois malade toi. Et pendant qu’il n’y seront pas fais bien attention à toi et à notre petite Alice.
Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que mes deux pauvres petits et ton père et ta mère.
Ton mari qui pense à toi bien souvent

Chauvit »


Ces deux exemples illustrent trois choses intéressantes.

Premièrement, le temps est long sur le front et l’ennui est redoutable. Cela laisse d’ailleurs le temps à François Dalbert pour gérer sa maison à distance. L’exemple du baptême à décaler est un exemple édifiant !

Ensuite, il pense beaucoup à sa femme, espère qu’elle va bien, lui demande de se maintenir en bonne santé. Est-ce pas amour pour elle ? est-ce parce qu’il craint que ses enfants en pâtissent ? Difficile de savoir mais je pencherais quand même pour de l’amour mêlé de tendresse. Il faut dire que marié en 1911, il n’a pas pu profiter de sa vie en couple très longtemps …

Enfin, ce rapport aux Allemands est assez fort. J’ai du mal à croire que des soldats Allemands puissent prendre un verre dans un café situé manifestement à l’intérieur des lignes françaises … Peut-être s’agit-il d’Alsaciens ? En tout cas la réaction de cet ancêtre, pourtant bien éduqué peut surprendre …

Dans tous les cas, plonger dans cette correspondance vieille d’un siècle est une chance car cela permet de découvrir vraiment la personnalité d’un ancêtre, même s’il n’est pas très ancien. C’est une chose rare en généalogie de pouvoir disposer d’un tel corpus. Et je compte bien en profiter !


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mardi 21 octobre 2014

Un matin d’octobre


J’ai déjà eu l’occasion de relater au moins par deux fois la fin dramatique de la vie de François Dalbert Chauvit, un jeune homme de 29 ans, arrière-grand-père maternel de mon épouse, et mort pour la France le 29 octobre 1915 à Moreuil dans la Somme.

Cependant, certaines rencontres familiales sont pleines de surprises et j’ai eu l’occasion de mettre récemment la main sur plusieurs documents concernant cette période terrible. Ces documents manuscrits sont émouvants car ils permettent de mesurer à quel point la Grande Guerre a été la somme de millions de destin uniques. En effet, l’histoire telle que nous l’apprenons à l’école, nous donne une vision globale des faits, alors qu’en réalité, il s’agissait bien de drames personnels et familiaux.

Carte postale pour les Infirmières de la Croix Rouge en 1914-1918


Avant d’aller plus loin, il faut préciser que pour François Dalbert Chauvit, l’année avait relativement bien commencée puisque sa femme avait mis au monde une petite Alice le 28 janvier, offrant ainsi une petite sœur à Georges, son aîné de 2 ans et quelques mois. Cette naissance a eu lieu 8 jours après le décès de Jean Chauvit, le père de François Dalbert. Elle venait en quelque sorte compenser la perte d’un père.

Cependant, le 6 octobre 1915, le petit Georges meurt des suites d’un accident domestique (sa chemise de nuit a pris feu alors qu’il s’était trop approché de la cheminée). Cette information arrive au père qui est sur le front, ou plutôt qui est dans l’ambulance 1 du secteur 86 à Moreuil, dans la Somme, car il a été blessé quelques jours plus tôt.

La suite des événements est décrite ici …

Octobre 1915, jour indéterminé, mais probablement vers le 20 du mois



Courrier écrit par A. Louis, infirmière de la Croix à Rouge à Hélénie Lascaud, épouse de François Dalbert Chauvit


« Madame,
Tout à l’heure, en donnant à boire à votre mari, je trouve sur son lit votre lettre où vous lui annoncez la mort de votre cher petit.
Mais cette lettre il n’a pas dû la comprendre car il est bien faible en ce moment.
Il vient d’avoir une crise de rhumatisme aigüe et cela l’a bien abattu.
Que je vous plains chère Madame de passer par une si dure épreuve, perdre votre cher petit et savoir votre mari blessé  et malade.
Mais je vois que vous avez du courage, et comme vous le dîtes, il vous reste votre petite fille pour vous soutenir dans votre affreux malheur.
J’ai fait prévenir le frère de votre mari qui est tout près d’ici, j’espère qu’il viendra demain.
J’espère aussi que votre mari va reprendre le dessus  et alors qu’il pourra vous écrire.
Courage chère Madame et croyez à mes sentiments les meilleurs.
A. Louis
Infirmière de la Croix Rouge »



30 octobre 1915

Courrier écrit par Roger Chauvit, frère de François Dalbert à sa belle-sœur


« Ma très chère Hélénie,
J’ai la grande douleur de vous annoncer la mort de mon pauvre frère décédé hier à 7h du matin 29 octobre à l’Ambulance du secteur 86 (Moreuil, Somme).
Que de peines, que de malheur il faut avoir.
La semaine dernière j’avais été le voir, jamais, jamais j’aurais cru le voir ainsi.
J’ai parlé à Mrs les Majors, ils m’ont bien dit eux aussi, je ne croyais pas votre frère à ce point là.
Le 28, aussitôt que j’ai vu qu’il allait plus mal, j’ai été le voir. A mon arrivée il m’a reconnu. Le 29 aussitôt j’ai demandé la permission de faire faire une caisse en chêne, ce qui a été accordé.
Le soir même il a été mis en bière, passé à la chapelle du château, ensuite en terre au cimetière militaire.
Malgré tous ces malheurs chère Hélénie encore heureux qu’il est été accompagné par moi jusqu’à sa dernière demeure.
Malgré tout chère Hélénie, il faut prendre courage, nous en avons bien besoin dans ces circonstances.
Hier j’ai trouvé Mr Pichon, je lui ai prié de vous écrire ou à mes parents car moi demandez pas si j’ai eu des fatigues et des peines.
Dans tous ces malheurs qui viennent nous frapper chère Hélénie, recevez tous nos amitiés et plus grands regrets.
Votre beau-frère qui vous embrasse de cœur.

Chauvit

PS : Prévenez vos parents je vous prie, si vous avez besoin de me demander quelques renseignements je suis à votre entière disposition.
                               R C »



5 novembre 1915

Courrier écrit par Jean Boin, époux d’Adeline Lascaud,  la sœur d’Hélénie Lascaud, épouse de François Dalbert


« Ma bien chère Hélénie,
Reçu hier au soir ta carte de Mareuil et ta lettre de Bove.
J’étais au courant du grand malheur qui te frappe et nous aussi par une lettre de Roger me donnant détails. Je suis avec toi dans ton immense douleur et tu ne peux croire ce que je le regrette et ce que je te plains à toi depuis avant-hier que j’ai appris cette funeste nouvelle je suis tout autre et j’ai pleuré comme un enfant.
Mon Dieu que cette guerre est cruelle et que de pleurs se versent depuis cette maudite déclaration des hostilités.
Je te le répète encore ma chère belle-sœur, si je puis être utile de n’importe quoi et n’importe quand tu n’auras qu’à me faire signe, je serai absolument à ton service pour ce qui sera en mon pouvoir et crois bien que si je peux t’être utile et agréable ce sera pour moi d’abord un impérieux devoir et ensemble un réel plaisir.
Je m’arrête ma chère Hélénie parce que j’ai trop mal au cœur et t’embrasse ainsi que tes parents et fillette de tout mon cœur.
Ton beau-frère qui t’affectionne bien.
J Boin. »



Je crois que ces courriers se passent de commentaires …

Ils montrent toutefois que pour chaque homme mort, une sorte de solidarité affective s’est mise en place pour aider la veuve du mieux possible. Bien sûr, avec le temps tout ceci s’est estompé, mais ces trois lettres montrent que chacun a essayé d’apporter un peu de réconfort à ceux qui en avaient besoin, que cela soit la famille ou des inconnus, comme cette infirmière qui a tenté de réconforter non seulement le blessé dont elle avait la charge, mais également ses proches.

Ces courriers montrent aussi des différences dans la façon de vivre un événement. Roger Chauvit, le frère de la victime est assez distant et est plutôt satisfait de ce qu’il a fait pour son défunt frère (à sa décharge, il était aussi sur le front et sans doute assez troublé par ce qu’il vivait). Jean Boin, l’autre beau-frère, semble plus proche de sa belle-sœur, ne cessant de lui répéter qu’il peut compter sur lui en cas de besoin …

J’ai transcris littéralement les courriers, avec leur syntaxe parfois … étonnante. Nul doute que l’émotion des rédacteurs de ces courriers lorsqu’ils les ont écrits y est pour beaucoup …


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