mardi 7 octobre 2014

Une paternité douteuse ?


Le 22 novembre 1701, devant l’église Saint-Pierre de Béthisy, dans le Valois, le discret messire Jacques Potier, curé de la paroisse unit devant la foule rassemblée deux jeunes gens, Nicolas Baudequin, âgé de 21 ans et Louise Caron, âgée de 23 ans. Tous deux sont natifs de cette paroisse et d’ailleurs ils sont issus d’un milieu identique, celui des chanvriers et filassiers, et leurs familles demeurent dans ladite paroisse de Béthisy depuis plusieurs générations.
Il était donc assez logique qu’ils s’épousent car tous les ingrédients étaient réunis. Toute la famille est donc là en ce jour de novembre pour accompagner les jeunes mariés dans leur nouvelle vie.

Il faut croire que la nuit de noces a été efficace car 9 mois plus tard, le 25 août 1702 naît une petite fille qui sera nommée Louise par son parrain Jean Baudequin, son oncle paternel et par sa marraine Marguerite Legros, sa grand-mère maternelle. C’est la dernière fois que Jacques Potier intervient dans la vie de ce couple car peu de temps après il est remplacé par un dénommé Testelette.

Le baptême, Pietro Longhi, v. 1755, Pinacoteca Querini Stampalia


Dès son arrivée, ce nouveau curé ne fait pas l’unanimité parmi ses paroissiens car on relève dans les mois qui suivent son installation, plusieurs cas où le père n’a pas voulu être présent le jour du baptême …
Cependant, dans le cas de notre couple, les choses se passent normalement et la famille s’agrandit régulièrement puisque le 20 juin 1704 naît Marie Louise, le 19 novembre 1705 une autre Louise, le 4 février 1708 Nicolas, le 9 avril 1710 Marie Marguerite et le 8 mai 1712 Michel.

Arrêtons-nous au baptême de Michel.

Le curé nous indique qu’après la naissance, Nicolas Baudequin le père de l’enfant a refusé de lui parler et a même refusé de reconnaître l’enfant comme son fils ! Que s’est-il passé pour qu’une telle hypothèse soit venue à l’esprit du père de l’enfant ?

De nos jours, nous avons une connaissance assez bonne de la façon dont se passe une grossesse et en cas de doute, il existe toujours l’ADN … Mais à l’époque ? Peut-être que Nicolas Baudequin avait été absent à la période à laquelle sa femme était supposée être tombée enceinte ? Peut-être qu’il avait entendu des bruits sur la possible infidélité de sa femme ?

Toujours est-il que Nicolas Baudequin est persuadé que cet enfant n’est pas de lui …

C’est sans doute là qu’est intervenu le curé Testelette. Peut-être avait-il obtenu l’assurance de la part de Louise Caron, la femme de Nicolas Baudequin qu’elle n’avait pas fauté et que, sans dévoiler le secret de la confession, il avait entrepris d’expliquer audit Nicolas Baudequin que sa femme était honnête et que le petit Michel était bien de lui.
Peut-être au contraire que, sachant que l’enfant était illégitime, mais ne voulant pas que cela ait des répercussions sur la vie du couple et, indirectement, de la paroisse, il avait fait un pieux mensonge, expliquant à Nicolas Baudequin que l’enfant était bien légitime …

Toujours est-il qu’il semble s’être montré suffisamment convaincant car quelques temps plus tard, dans la marge de l’acte de baptême, le curé inscrit la mention suivante :


« Nicolas Baudequin est venu reconnaître l’enfant pour son fils, en foi de quoi il a fait sa marque. »


Tout semble s’être effectivement arrangé car deux ans plus tard, le 30 avril 1714, naît une petite Marguerite. Et cette fois, aucune contestation de paternité n’a eu lieu …
Avec du recul, je pense que les soupçons du père étaient sans doute fondés, mais qu’en l’absence de preuves formelles et grâce à l’intervention du curé tout est rentré dans l’ordre … Plusieurs questions restent en suspens comme la façon dont le père s’est comporté plus tard avec cet enfant …

Nicolas Baudequin décèdera le 6 septembre 1725 à l’âge de 45 ans et parmi les signataires il semble que ledit Michel ait été présent … Louise Caron, femme infidèle ou simplement victime de ragots, décèdera quelques années plus tard le 22 avril 1732 à l’âge de 54 ans, sans s’être remariée …


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