mardi 18 février 2014

De l’insouciance à l’horreur


Voici venu le temps de répondre au thème du mois de Sophie Boudarel  « mettre en avant un document de votre collection ou un coup de cœur rencontré pendant vos recherches ». Je vais donc délaisser quelques instants mes recherches sur Béthisy-Saint-Pierre pour plonger plus au sud, en Charente, à la frontière de la Dordogne.

François Dalbert CHAUVIT naît le lundi 8 février 1886 à Saint-Amand-Montmoreau en Charente. Il est le fils de Jean CHAUVIT et de Jeanne Antoinette BITOUT, tous deux issus de riches familles propriétaires de nombreuses terres en Charente.

Notre François Dalbert a donc une belle vie qui s’annonce et c’est donc sans appréhension particulière qu’il quitte le domicile familial en 1906 pour rejoindre son régiment pour son service militaire. En effet, depuis 1905 et la loi Berteaux, non seulement le service devient obligatoire pour tout le monde (le tirage au sort est terminé), mais le service dure 2 ans.
A priori il va donc effectuer son service militaire jusqu’en 1908. 

Camp de la Braconne - 1908


François Dalbert Chauvit (1886-1915)

La première photo de ma collection le représente en 1908 avec quelques camarades. Un petit sourire se devine sous la moustache qu’il porte fièrement. Le texte qui vient au dos de cette carte postale dénote une joie de vivre certaine :

« Angoulême, 28 …
Chers parents,
Marcel m’a écrit qu’il irait vous voir dimanche prochain 31 courant.
J’ai demandé une permission mais en cas qu’elle me soit refusée, ne vous dérangez pas ; quand j’arriverai vous direz : le voilà !
Je vous embrasse tous de cœur
                                                                                              Dalbert Chauvit »


Une carte identique est envoyée quelques temps plus tard à son grand-père, soit François BITOUT, soit Jean CHAUVIT, car les deux sont encore vivants en 1908 :

« Camp de la Braconne, 22/5 1908
Cher grand-père,
Je t’envoie un petit souvenir de mon séjour à la Braconne.
On vit au grand air ce qui me plaît beaucoup.
Je me porte bien, ne m’ennuie pas et t’embrasse bien fort.
Ton petit-fils
                                                                                              D Chauvit »

Note : la Braconne est une forêt à proximité d’Angoulême qui sert de camp militaire depuis 1878.


Mais à peine a-t-il eu le temps de se marier le 18 décembre 1911 avec Marie Hélénie LASCAUD et d’avoir un petit Georges en 1912, que la guerre éclate, le rappelant sous les drapeaux.


Quelques mois passent et le temps de l’insouciance se transforme lentement mais sûrement le temps de la souffrance.

1914 - La Guerre


Cette photo n’est pas datée, mais elle a été vraisemblablement prise entre fin 1914 et début 1915. Le sourire a disparu derrière une longue barbe noire épaisse. Le regard est pensif et la pipe donne un air faussement détendu. Je ne sais pas qui est l’homme à côté de lui mais cela doit être également un militaire.


Quelques mois avant sa mort, François Dalbert CHAUVIT a beaucoup voyagé, parcourant la Somme et l’Aisne avec son Régiment. Il a vu des camarades tomber.
Sur cette troisième photo, le regard est figé. Le visage encore jeune commence par être marqué. L’insouciance a complètement disparu et a fait place à l’horreur des tranchées.

1915 - La mort



Le 29 octobre 1915, il s’éteindra des suites d’une mauvaise blessure reçue dans sa tranchée. Il avait 29 ans et un bel avenir devant lui.


J’ai retrouvé les deux premières photos dans des tiroirs de la maison de la grand-mère de mon épouse car François Dalbert était son arrière-grand-père maternel. Quant à la troisième photo, elle trône depuis toujours dans la chambre que nous occupons dans cette maison. C’est mon premier contact photographique avec les ancêtres de mon épouse et elle m’a toujours intrigué car au tout début je ne savais pas vraiment qui était cet homme au visage jeune mais sévère.

Depuis, et surtout grâces aux autres photographies et à mes recherches, je sais qui il est et, à mon tour, j’explique à mes enfants que cet homme au regard pensif et dur est leur bisaïeul et qu’il est mort il y a bientôt 100 ans dans la fleur de l’âge.



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Pour aller plus loin :
           

6 commentaires:

  1. Quel article émouvant, un bel hommage à l'ancêtre de votre épouse.

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    1. Merci beaucoup.
      Je suis assez fier de pouvoir donner tous les détails que j'ai pu trouver sur cet homme à mes enfants, surtout en cette année du centenaire de la Grande Guerre !

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  2. Excellent article sur la tragédie qui a frappé tant d'Européens.

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    1. Une tragédie qui a en plus duré 4 ans pour ceux qui, comme un de mes arrières-grands-pères, ont survécu à cette boucherie !

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  3. Bel et émouvant article ! Des regards qui en disent long...
    Amitiés

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    1. Merci ;-)
      C'est vrai que je suis vraiment surpris par l'intensité des regards.
      Et pour l'anecdote, lorsque mon dernier fils a été en âge de parler, il a dit avoir peur du "monsieur avec la barbe" dans la chambre que nous occupons lorsque nous allons dans la maison de feue la grand-mère de mon épouse !:
      Il y a en effet de quoi effrayer un petit enfant !

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