mardi 24 décembre 2013

Un mariage en 3 temps


Il est rarissime que nos ancêtres aient laissé des témoignages de leur vie. Ainsi, la façon dont ils se sont rencontrés et la raison pour laquelle ils se sont mariés reste souvent mystérieuse. Evidemment, dans la plupart des cas, les mariages étaient surtout des contrats passés entre familles et les mariés subissaient souvent leur conjoint plus qu’ils ne l’aimaient (au sens actuel de la façon dont nous sommes capables d’aimer notre conjoint).

Ainsi, lorsque Sébastien Lesueur et Marie Anne Loyauté se sont mariés le 25 octobre 1746, il semblait que ce mariage allait être comme les autres, à savoir une union entre deux personnes du même milieu, ne se connaissant pas plus que ça.


Eglise de Béthisy Saint Pierre - source Wikipedia

Or, l’étude poussée des registres paroissiaux de Béthisy Saint Pierre dans l’Oise m’ont permis d’apporter un éclairage très intéressant sur ce mariage.

Acte I – le Compérage

Le compérage est ce qui définit le lien unissant un enfant à ses parrain et marraine. J’ai remarqué que dans certaines régions comme la Picardie, le parrain et la marraine d’un enfant avait souvent un lien entre eux. Ils pouvaient par exemple être mari et femme.

En l’occurrence, le 14 juillet 1746, la petite Madeleine Esmery est baptisée en l’église de Béthisy Saint Pierre. Ses parents sont Etienne Esmery, marchand chanvrier et Marie Magdeleine Lesueur. Le parrain est un certain Sébastien Lesueur de la paroisse voisine de Béthisy Saint Martin et la marraine une certaine Marie Anne Loyauté.
La première remarque est que les parrain et marraine savent parfaitement bien écrire, surtout la marraine, ce qui est remarquable pour l’époque et dénote l’appartenance à un groupe social élevé.

Signature de Sébastien Lesueur et de Marie Anne Loyauté


Ensuite, il existe un lien familial entre les parents de la baptisée et les parrain et marraine. Je n’ai pas encore pu retracer tous ces liens, mais la mère de l’enfant porte le même nom de famille que le parrain et les familles Esmery et Loyauté sont alliées par plusieurs mariages.
On en déduit donc que le compère et la commère n’ont pas été choisis au hasard, mais proviennent bien de la famille proche.

La question qu’on peut se poser concerne alors la relation qui existe entre Sébastien Lesueur et Marie Anne Loyauté. En effet, au moment du baptême, Sébastien Lesueur est âgé de 23 ans et est issu d’une famille aisée de marchands filassiers, tandis que Marie Anne Loyauté est âgée de presque 19 ans et est issue d’une famille de marchands chanvriers et son père occupe également la fonction de Garde de la forêt de Compiègne.

On a donc affaire à des jeunes adultes de même milieu et dont les familles se connaissent depuis longtemps, ce qui conduit logiquement à leur union …

Acte II – L’annonce du mariage

Quelques jours avant le mariage, le curé de Béthisy Saint Pierre d’où est issue la future écrit que le mariage ne peut avoir lieu comme prévu dans l’église de Saint Pierre pour cause de fête de Saint Crespin.

Je n’ai pas retrouvé le détail de ces festivités, mais si j’en crois ce qui se passe de nos jours, on imagine aisément que l’église et tous les membres du clergé local devaient être très sollicités et ne pouvaient donc procéder au mariage de nos deux fiancés.

Il est toutefois étonnant que le curé prenne la peine de justifier cet événement, sans doute parce que les familles concernées étaient respectables et qu’il se sentait obligé de justifier un mariage d’une de ses paroissiennes dans une autre église que la sienne. Ce qui est plutôt agréable en revanche, est le fait qu’il indique que le mariage aura lieu dans la paroisse voisine de Saintines. Il donne d’ailleurs sa bénédiction pour cette union.

Il ne faut pas perdre de vue que nos ancêtres ne se déplaçaient pas aussi facilement que nous et que devoir déplacer toute la famille pour un mariage était sans doute vécu comme une contrainte. Il devait donc y avoir une nécessité impérieuse de faire le mariage à cette date.
On peut cependant éliminer le mariage en vue de régulariser une grossesse pré-maritale car le premier enfant du couple ne naîtra que le 19 novembre 1747, soit plus d’un an après le mariage.

Acte III – Le mariage à Saintines

Le mariage proprement dit a eu lieu à Saintines le 25 octobre 1746 et l’acte complète utilement l’annonce de la veille faite par le curé de Saint Pierre de Béthisy.

En effet, le premier document nous donne :


L’an 1746 le mardi 25 octobre jour de St Crespin, après avoir publié à trois dimanches le premier, le second, le troisième et dernier ban de mariage
Entre Sébastien Lesueur, fils de feu Hubert Lesueur, vivant marchand filassier et de Marie Bergeron son épouse, ses père et mère de la paroisse de St Martin de Béthisy d’une part
Et Marie Anne Loyauté, fille de feu Nicolas Sébastien Loyauté, vivant marchand chanvrier et garde de bois de la forêt de Compiègne et de Catherine Cadot son épouse, ses père et mère, de cette paroisse d’autre part
Sans qu’il y ait eu aucun empêchement civil ou canonique, j’ai curé dudit Béthisy donné aux parties mon consentement de recevoir la bénédiction nuptiale dans l’église de la paroisse de St Jean Saintines, diocèse de Senlis, attendu que la fête de St Crespin que nous célébrions audit jour et leur ai délégué pour faire les cérémonies de leur mariage, monsieur Louis Dantard, curé de la paroisse dudit Saintines, lequel suivant mon certificat et permission écrit sur papier timbré en date du lundi vingt quatre dudit octobre, a reçu d’eux la promesse et consentement de mariage et fait les cérémonies accoutumées et célébré ledit mariage dans l’église dudit Saintines en présence des parents et amis des deux parties, le tout conformément aux ordonnances et suivant l’extrait des registres dudit Saintines qui m’a été remis en mains par les parties en date dudit jour vingt cinq octobre, signé et paraphé par ledit Sr Dantard, curé dudit Saintines, en foi de quoi j’ai signé ce 30 octobre 1746.


Et le second :

Le 25 octobre 1746, après les fiançailles faites en la paroisse de St Pierre de Béthisy, selon l’usage du diocèse de Soissons, et la publication des bans faite tant en ladite paroisse de St Pierre qu’en celle de St Martin de Béthisy, furent solennellement mariés en cette paroisse avec le consentement et la permission de Mr le curé dudit St Pierre dudit Béthisy,

Sébastien Lesueur, fils de Hubert Lesueur et de Marie Bergeron, ses père et mère de ladite paroisse de St Martin de Béthisy d’une part

Et Marie Louise Loyauté, fille de feu Nicolas Sébastien Loyauté et de Catherine Cadot, ses père et mère, de ladite paroisse de St Pierre de Béthisy, de l’autre part,

Assistaient à la cérémonie de leur mariage Sébastien Lefebure, parrain du marié, Hubert Lesueur, frère dudit marié, Nicolas Loyauté, frère de la mariée, Jean Esmery, beau-frère de ladite mariée qui ont signé avec nous curé soussigné et autres.


Ainsi le premier texte nous donne des informations précieuses sur la profession des parents des mariés et nous indique en passant que les pères sont tous les deux décédés. En revanche, le second texte est beaucoup plus complet en ce qui concerne les témoins et les présents au mariage.
Les deux textes donnent donc une vision assez complète sur les familles des mariés.

Pour conclure, je dirais que le fait que des jeunes adultes qui vont se marier 3 mois après apparaissent en « couple » lors d’un baptême démontre, si cela était nécessaire, que les mariages étaient rarement le fruit du hasard et que les futurs se connaissaient souvent depuis leur plus tendre enfance.

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Pour aller plus loin :


           

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