mardi 29 janvier 2013

AD Charente : accès payant ou non ?


Les débats récents qui ont animés la blogosphère ainsi que les milieux généalogiques au sujet de la mise en ligne des archives disponibles en Charente moyennant le paiement par les internautes d'une contribution, m'ont amenés à quelques réflexions.

En effet, mon activité professionnelle me fait en permanence travailler sur cette notion de monétisation d'une activité, en d'autres termes, quel est le meilleur Business Model pour une entreprise. En fait, même s'il s'agit d'un thème cher à l'entreprise, au sens de société, il peut s'appliquer à toute sorte d'association pour peu qu'elle souhaite tirer des revenus de son activité.

Je ne suis pas juriste ni spécialiste en fiscalité, mais voici ma compréhension du problème. Nous avons un Département, en l'occurrence celui de la Charente qui dispose de produits (des actes, des registres, des plans, etc.). La loi dit que ces documents sont libres d'accès. Le site physique des Archives Départementales de la Charente propose déjà à tout un chacun de venir se rendre dans ses locaux pour y consulter les documents cités plus hauts (avec j'imagine quelques restrictions pour les documents les plus fragiles).
La technologie évoluant, le département de la Charente a décidé de mettre en ligne ces documents pour que leur diffusion soit plus facile et sans limite d'horaires, suivant ainsi le mouvement lancé par plusieurs départements il y a quelques années déjà.
Là où la polémique arrive c'est que le Département souhaite faire payer aux internautes l'accès à ces documents en ligne par le principe d'abonnements offrant un accès pendant une certaine durée, le montant de l'abonnement étant fonction de la durée choisie.

Site des AD Charente - crédit www.cg16.fr

Pour mémoire, et sauf erreur de ma part, seul le département du Calvados procède ainsi, les autres département ayant opté pour la gratuité de la consultation.

J'espère avoir bien résumé la situation ...

Voici donc mes remarques, qui n'engagent que moi, et qui sont quand même fortement teintées de ma culture entrepreneuriale.

1) Thèse ...

Premièrement, si je ne m'abuse, la loi parle du libre accès, pas nécessairement de la gratuité. Même si nous sommes en France et que nous parlons français, je retrouve là l'ambiguïté de la traduction du mot anglais "free" qui veut dire "libre" mais aussi "gratuit". Les connaisseurs de l'industrie du logiciel savent de quoi je parle car ce n'est pas parce que certains logiciels sont "libres" qu'ils peuvent et doivent automatiquement être "gratuits".

Ensuite, les AD indiquent que le paiement d'un abonnement ne concerne que l'accès des archives via internet. L'accès de ces mêmes archives en salle de lecture est toujours gratuit (j'en sais quelque chose, ayant traîné mes guêtres en ces lieux à de très nombreuses reprises). L'argument se complète en indiquant que le montant de l'abonnement est sans commune mesure avec le coût engendré par un déplacement physique aux dites archives à Angoulême.

Enfin, la raison mise en avant pour justifier du paiement d'un tel abonnement est le coût auquel le département a dû faire face pour le mise en ligne. Il est certain que même si le travail de numérisation a dû être fait gratuitement pour partie par les Mormons, il n'en reste pas moins que la mise en place de toute l'infrastructure (serveurs, bases de données, locaux, informaticiens, logiciels d'interface, etc.) n'est pas gratuite et que cela représente une certaine somme.

On a donc,a priori, plusieurs éléments qui convergent et qui justifient l'opération des AD de la Charente.

2) Antithèse ...

Mais, car il y a toujours un (voire des) mais ...

Sur les quelques dizaines de départements français ayant déjà mis en ligne leurs archives, seul le Calvados (et maintenant la Charente) proposent un accès payant. Pourquoi se singulariser ? Certes, le Business Model de l'abonnement est un des meilleurs car il garantit des revenus réguliers et permet donc de bâtir un Business Plan avec des données stables. D'autant que, par nature, il ne s'agit pas d'une activité disposant d'une concurrence élevée (il y a peut-être ici et là quelques initiatives émanant de cercles généalogiques, mais peut-on parler de concurrence ?).

Cela suppose donc que le but du département est de monétiser son site pour générer des revenus. Ces revenus venant en compensation des dépenses dont j'ai parlé plus haut. Mais il existe d'autres moyens de monétiser un site : on peut y mettre de la publicité, on peut proposer des services particuliers payants (envoi de copies d'actes, éditions de plans en couleur et à l'échelle, etc.), etc.. . Et, rappelons-le, le but de la monétisation d'une activité est la création de revenus. Est-ce le but d'un entité publique comme l'est un département ? D'autant qu'il semble que les revenus générés par cette méthode soit, au final, assez faibles en regard des dépenses et des frais engagés ...

Enfin, même si les montants demandés sont relativement modestes, ils peuvent être jugés discriminatoires : certaines personnes ne pourront pas accéder au site en ligne car elles ne disposeront pas des moyens suffisants. On peut également ajouter que la mise en place d'une plateforme gérant les paiements coûte de l'argent, ce qui contribue à augmenter les besoins financiers du département.

3) Synthèse !

Au regard de ces différents éléments, je pense donc que, si la mise en place d'un abonnement payant a un sens économique car c'est sans doute un Business Model efficace, il n'en reste pas moins que les AD de la Charente ne sont pas une entreprise comme les autres et qu'elles n'ont sans doute pas une nécessité vitale à procéder de la sorte.

Par ailleurs, l'argument qui consiste à dire que le montant de l'abonnement est très sensiblement inférieur à celui qui serait engendré par un déplacement en salle de lecture n'a, à mon avis, pas de sens, dans la mesure où on compare deux choses qui ne sont pas comparables : d'un côté on a une fonction de base (l'accès à la salle de lecture avec potentiellement toutes les archives du département à disposition), de l'autre côté on a un service permettant d'accéder à n'importe quel moment de la nuit ou du jour à certaines archives (en l'occurrence les registres paroissiaux et d'état-civil). 

Pour conclure, je pense donc que la mise en place d'un accès payant à ces archives est une mauvaise idée et même si je comprends cette action sur un plan strictement entrepreneurial, je ne l'approuve pas venant d'un service public.


Et vous, quel est votre point de vue sur la question ?

Quelques lectures utiles :



      

1 commentaire:

  1. Soyons clair!
    Il y a des paramètres exhibés par le département qui sont fallacieux!
    La restauration des documents! Désolé mais cela est une dépense normale qui ne peut EN AUCUN cas être mis dans le cadre de la numérisation! C'est une action régalienne des AD.

    Frais de numérisation? Le département soit disant fauché a choisi une option commerciale au lieu de faire appel aux tissu associatif local qui lui aurait fait faire pas mal d'économie. Une subvention un peu plus conséquente.

    Frais de fonctionnement du site? Soyons sérieux ramené au coût du clic cela est dérisoire de l'ordre du centime!

    Le procédé est discriminatoire car seuls les documents les plus consultés en salle de lecture physique sont concernés. Il y a donc bien une discrimination entre les citoyens.

    Il y a un autre aspect à regarder car les documents n'appartiennent PAS aux conseil général il ne pouvait donc en disposer financièrement! En effet les archives font partie des biens communs non aliénables.

    La technologie a évoluée et la notion de mise à disposition se devait d'évoluer aussi tout en restant dans le cadre de gratuité d'accès fixée par la loi.

    Amitiés

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