mardi 22 juillet 2014

Actes anciens et nombres


En principe tout le monde a appris à l’école que les Romains utilisaient des lettres pour écrire leurs chiffres et ainsi composer des nombres avec un système qui n’est pas un système décimal. En effet, le système romain ne connaît que 7 signes qui sont :
  • I pour 1
  • V pour 5
  • X pour 10
  • L pour 50
  • C pour 100
  • D pour 500
  • M pour 1 000


Ensuite, en utilisant les formes additives ou soustractives on peut ainsi écrire tous les nombres entiers. Par exemple 2014 s’écrira MMXIV ou MMXIIII, même si la première forme est la plus courante.

Arche de Titus


Or il se trouve que dans beaucoup de régions, jusqu’au début du XVIIème siècle, le latin étant la langue utilisée par l’église dans ses documents officiels, les prêtres et curés officiant dans les paroisses de nos ancêtres utilisaient le latin pour leur liturgie mais également pour noter les baptêmes.
Pour les régions où j’ai des ancêtres, j’ai pu constater que l’usage des chiffres romains pour noter les dates a disparu à partir des années 1620, mais je sais qu’il existe des régions où cet usage a duré jusqu’au XVIIIème siècle.

Le problème sur ces actes anciens n’est donc pas de tomber sur des dates écrites en chiffres romains, mais bien de les déchiffrer car les curés avaient tendance à lier les lettres entre elles et à avoir des mouvements de plume déformant fortement ces chiffres !

Par ailleurs, pour noter le chiffre « 4 » la forme additive était plus souvent utilisée, c’est-à-dire que le curé écrivait « iiii » plutôt que « iv » tandis que pour 9, le curé écrivait presque toujours avec la forme soustractive, soit « ix » au lieu de « viiii ».

Le fait que les lettres étaient liées et assez déformées est dû à l’utilisation de la plume où il était plus simple de laisser cette dernière courir sur la feuille plutôt que de marquer un espace entre chaque lettre, ce qui aurait pu causer la chute d’une goutte d’encre. Un peu comme de nos jours où on écrit généralement en lettres liées plutôt qu’en écriture « bâton ».

Il ne faut donc pas être décontenancé par ces signes qui peuvent sembler incompréhensibles à première vue.

Un truc que j’utilise et qui marche bien est de créer dans un tableur un calendrier pour chaque année ancienne. Ainsi, je sais par exemple en un coup d’œil que le 22 août 1618 était un mercredi. Ceci est très utile si le curé écrit le jour de la semaine devant la date : cela permet de lever le doute quant au quantième du mois.

Pour celles et ceux qui tomberaient la première fois sur des textes anciens comportant des chiffres romains revus à la mode Grand Siècle, voici quelques exemples de graphie.


Le nombre 18, écrit xviii

On notera la déformation du « x » qui le fait ressemble à une sorte de petit T majuscule et le dernier « i » qui s’envole formant un V, mais il ne s’agit là que d’un effet artistique …


18 = xviii

Le nombre 13, écrit xiii

On notera les points sur les « i » qui permettent de distinguer la série des trois « i » avec les jambages d’un « m ».


13 = xiii

Le nombre 27, écrit xxvii

On notera l’usage de la forme additive conforme à la numérotation romaine et encore une fois des « x » déformés ainsi que l’envolée du dernier « i » qui le fait ressembler à un V.


27 = xxvii

Le nombre 4, écrit iiii

On notera l’usage de la forme additive et l’existence de points sur les « i » pour signifier qu’il s’agit d’une suite de 4 « i » et pas d’une sorte de « m » avec un jambage surnuméraire. Encore une fois, le  « i » final s’envole …


4 = iiii

Ces quelques exemples montrent que finalement il n’est pas trop difficile de déchiffrer ces nombres. Surtout si on parcourt les registres, ce qui permet de se familiariser avec cette forme d’écriture. L’autre avantage d’une lecture exhaustive des registres est qu’elle permet de situer un nombre entre celui de l’acte d’avant et celui d’après. Cela peut aider au déchiffrage …


En tout cas cet exercice montre qu’il n’y a pas si longtemps que cela (que sont 400 ans à l’échelle humaine …), nos ancêtres avaient encore devant eux des témoignages concrets de l’époque romaine. Ainsi l’influence de cette civilisation sur la nôtre a été beaucoup plus forte qu’on peut l’imaginer …

Et pour vous, jusqu’à quelle époque avez-vous des actes contenant des chiffres romains ?



Pour aller plus loin :




           

10 commentaires:

  1. Très intéressant ! Mais pour répondre à votre question, je n'ai jamais rencontré que des date en chiffres arabes ou bien des millésimes écrits en toutes lettres, dans les provinces de mes ancêtres (Nice, Languedoc, Franche-Comté, Alsace).

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    1. Ces nombres écrits sous forme romaine apparaissent dans mes recherches dans l'Oise et la Mayenne mais antérieurement aux années 1630. Cela dit c'est propre au curé car certains utilisaient les chiffres arabes même à la fin du XVIème siècle ... Peut-être une question de formation ?

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  2. Bonjour
    Instructif billet (comme les 2 précédents d'ailleurs) avec exemples à l'appui !
    Dans l'Aisne, je n'ai pas croisé de chiffres romains, même pour des actes pointés entre 1630-1660
    Nésida

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    1. Et avant 1630 ? Dans le cas de l'Oise c'est un changement de curé qui a fait passer l'écriture du mode romain au mode arabe. Encore une fois, sans doute le curé d'avant 1630 avait-il été formé à "l'ancienne école" ...

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    2. c'est que je suis tributaire des seuls registres en ligne ....!
      si vous ne dédaignez pas le latin, moi je ne suis pas capable de deviner un acte en latin en 1694 remarqué dans un registre dans l'Aisne au milieu d'actes basiques en français- le curé a du vouloir cacher qqc ....
      Nésida

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    3. C'est effectivement soit que le curé avait quelque chose de spécial à noter, soit qu'il s'agissait d'un acte officiel comme par exemple une dispense ou autre, soit tout simplement qu'un autre curé ait pris la main le temps d'un acte.
      Je penche plutôt pour un acte "officiel" car le latin était (et est encore dans une moindre mesure) la langue officielle de l'église catholique

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  3. Bravo pour cet article, on est souvent désemparé devant une telle numérotation. Petite précision : le x n'est pas déformé, c'est sa forme en gothique cursive ... plus ou moins bien réalisée. Le dernier i est en fait un j et il est suivi ici d'un e en exposant qui signifie "ième", soit pour le premier exemple xviije. Ce qui forme une V est donc la liaison entre le j et le e ;-)

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    1. Merci pour ces précisions qui m'avaient échappé !

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  4. Excellent article. J'ai la chance de ne pas mz trouver confronter (pour le moment) à de telle pratique

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    1. Merci ;-)
      On s'y fait à force ... C'est comme les registres en latin ...

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