En principe tout le monde a appris à l’école que les Romains utilisaient des lettres pour écrire leurs chiffres et ainsi composer des nombres avec un système qui n’est pas un système décimal. En effet, le système romain ne connaît que 7 signes qui sont :
- I pour 1
- V pour 5
- X pour 10
- L pour 50
- C pour 100
- D pour 500
- M pour 1 000
Ensuite, en utilisant les formes additives ou soustractives
on peut ainsi écrire tous les nombres entiers. Par exemple 2014 s’écrira MMXIV
ou MMXIIII, même si la première forme est la plus courante.
Arche de Titus |
Or il se trouve que dans beaucoup de régions, jusqu’au début
du XVIIème siècle, le latin étant la langue utilisée par l’église dans ses
documents officiels, les prêtres et curés officiant dans les paroisses de nos
ancêtres utilisaient le latin pour leur liturgie mais également pour noter les
baptêmes.
Pour les régions où j’ai des ancêtres, j’ai pu constater que
l’usage des chiffres romains pour noter les dates a disparu à partir des années
1620, mais je sais qu’il existe des régions où cet usage a duré jusqu’au
XVIIIème siècle.
Le problème sur ces actes anciens n’est donc pas de tomber
sur des dates écrites en chiffres romains, mais bien de les déchiffrer car les
curés avaient tendance à lier les lettres entre elles et à avoir des mouvements
de plume déformant fortement ces chiffres !
Par ailleurs, pour noter le chiffre « 4 » la forme
additive était plus souvent utilisée, c’est-à-dire que le curé écrivait « iiii »
plutôt que « iv » tandis que pour 9, le curé écrivait presque
toujours avec la forme soustractive, soit « ix » au lieu de « viiii ».
Le fait que les lettres étaient liées et assez déformées est
dû à l’utilisation de la plume où il était plus simple de laisser cette
dernière courir sur la feuille plutôt que de marquer un espace entre chaque
lettre, ce qui aurait pu causer la chute d’une goutte d’encre. Un peu comme de
nos jours où on écrit généralement en lettres liées plutôt qu’en écriture « bâton ».
Il ne faut donc pas être décontenancé par ces signes qui
peuvent sembler incompréhensibles à première vue.
Un truc que j’utilise et qui marche bien est de créer dans
un tableur un calendrier pour chaque année ancienne. Ainsi, je sais par exemple
en un coup d’œil que le 22 août 1618 était un mercredi. Ceci est très utile si
le curé écrit le jour de la semaine devant la date : cela permet de lever
le doute quant au quantième du mois.
Pour celles et ceux qui tomberaient la première fois sur des
textes anciens comportant des chiffres romains revus à la mode Grand Siècle,
voici quelques exemples de graphie.
Le nombre 18, écrit xviii
On notera la déformation du « x » qui le fait ressemble
à une sorte de petit T majuscule et le dernier « i » qui s’envole
formant un V, mais il ne s’agit là que d’un effet artistique …
18 = xviii |
Le nombre 13, écrit xiii
On notera les points sur les « i » qui permettent
de distinguer la série des trois « i » avec les jambages d’un « m ».
13 = xiii |
Le nombre 27, écrit xxvii
On notera l’usage de la forme additive conforme à la
numérotation romaine et encore une fois des « x » déformés ainsi que
l’envolée du dernier « i » qui le fait ressembler à un V.
27 = xxvii |
Le nombre 4, écrit iiii
On notera l’usage de la forme additive et l’existence de
points sur les « i » pour signifier qu’il s’agit d’une suite de 4 « i »
et pas d’une sorte de « m » avec un jambage surnuméraire. Encore une
fois, le « i » final s’envole …
4 = iiii |
Ces quelques exemples montrent que finalement il n’est pas
trop difficile de déchiffrer ces nombres. Surtout si on parcourt les registres,
ce qui permet de se familiariser avec cette forme d’écriture. L’autre avantage
d’une lecture exhaustive des registres est qu’elle permet de situer un nombre
entre celui de l’acte d’avant et celui d’après. Cela peut aider au déchiffrage …
En tout cas cet exercice montre qu’il n’y a pas si longtemps
que cela (que sont 400 ans à l’échelle humaine …), nos ancêtres avaient encore
devant eux des témoignages concrets de l’époque romaine. Ainsi l’influence de
cette civilisation sur la nôtre a été beaucoup plus forte qu’on peut l’imaginer
…
Et pour vous, jusqu’à quelle époque avez-vous des actes
contenant des chiffres romains ?
Pour aller plus loin :
Très intéressant ! Mais pour répondre à votre question, je n'ai jamais rencontré que des date en chiffres arabes ou bien des millésimes écrits en toutes lettres, dans les provinces de mes ancêtres (Nice, Languedoc, Franche-Comté, Alsace).
RépondreSupprimerCes nombres écrits sous forme romaine apparaissent dans mes recherches dans l'Oise et la Mayenne mais antérieurement aux années 1630. Cela dit c'est propre au curé car certains utilisaient les chiffres arabes même à la fin du XVIème siècle ... Peut-être une question de formation ?
SupprimerBonjour
RépondreSupprimerInstructif billet (comme les 2 précédents d'ailleurs) avec exemples à l'appui !
Dans l'Aisne, je n'ai pas croisé de chiffres romains, même pour des actes pointés entre 1630-1660
Nésida
Et avant 1630 ? Dans le cas de l'Oise c'est un changement de curé qui a fait passer l'écriture du mode romain au mode arabe. Encore une fois, sans doute le curé d'avant 1630 avait-il été formé à "l'ancienne école" ...
Supprimerc'est que je suis tributaire des seuls registres en ligne ....!
Supprimersi vous ne dédaignez pas le latin, moi je ne suis pas capable de deviner un acte en latin en 1694 remarqué dans un registre dans l'Aisne au milieu d'actes basiques en français- le curé a du vouloir cacher qqc ....
Nésida
C'est effectivement soit que le curé avait quelque chose de spécial à noter, soit qu'il s'agissait d'un acte officiel comme par exemple une dispense ou autre, soit tout simplement qu'un autre curé ait pris la main le temps d'un acte.
SupprimerJe penche plutôt pour un acte "officiel" car le latin était (et est encore dans une moindre mesure) la langue officielle de l'église catholique
Bravo pour cet article, on est souvent désemparé devant une telle numérotation. Petite précision : le x n'est pas déformé, c'est sa forme en gothique cursive ... plus ou moins bien réalisée. Le dernier i est en fait un j et il est suivi ici d'un e en exposant qui signifie "ième", soit pour le premier exemple xviije. Ce qui forme une V est donc la liaison entre le j et le e ;-)
RépondreSupprimerMerci pour ces précisions qui m'avaient échappé !
SupprimerExcellent article. J'ai la chance de ne pas mz trouver confronter (pour le moment) à de telle pratique
RépondreSupprimerMerci ;-)
SupprimerOn s'y fait à force ... C'est comme les registres en latin ...