La méthode décrite ci-dessous est très bien connue des généalogistes car elle permet de retrouver des informations sur un personnage de son ascendance par des liens indirects.
Je parle ici d’élastique car on part de la personne dont on
recherche les informations, on s’en éloigne parfois fortement,
géographiquement, dans ses collatéraux ou ses branches, on remonte parfois d’une
ou deux générations, pour revenir au final à la personne concernée, avec les
informations cherchées ! Car ce qui est important est bien de revenir au sujet initial de la recherche et ne pas se laisser tenter de partir sur les nouvelles pistes découvertes ... C'est là où l'élastique joue son rôle !
Cette recherche dans le temps, l’espace et les alliances
permet en outre de glaner un grand nombre d’informations qui seront utiles pour
mieux comprendre le contexte dans lequel la personne vivait.
Pour illustrer cette méthode, voici comment j’ai résolu l’énigme
de la naissance d’une de mes ancêtres, Marie Magdeleine Collas. Cette Marie
Magdeleine se trouve dans la branche maternelle de mon père et est le sosa 147
de mes enfants.
Point de départ
Marie Magdeleine Collas est née quelque part dans l’Oise, au
vu du patronyme qu’elle porte, vers 1745. Je ne connais pas ses parents et les
seules choses dont je dispose au départ de mes recherches sont :
- elle est mariée à Nicolas Sébastien Lesueur, au plus tard depuis 1777
- elle a au moins une fille, Marie Madeleine Lesueur, née le 16 octobre 1777 à Béthisy-Saint-Pierre dans l’Oise
- elle est décédée le 27 mai 1808 à Béthisy-Saint-Martin à l’âge approximatif de 63 ans
C’est d’ailleurs par le mariage de Marie Madeleine Lesueur
avec Jacques Huyart le 21 juin 1803 à Béthisy-Saint-Martin, commune voisine de
celle de la naissance de Marie Madeleine Lesueur, que j’ai eu le nom de ses
parents.
Tendre l’élastique
L’acte de décès de Marie Madeleine Collas ne m’indiquant pas
sa paroisse de naissance, et ne disposant pas de son acte de mariage, je
pourrais appliquer la méthode de l’escargot et rechercher un acte de naissance
dans les paroisses avoisinantes sur une période allant de 1740 à 1750, ce qui
est long et fastidieux.
Par ailleurs, il faut savoir que le patronyme Collas étant
très courant dans la région, la probabilité de trouver deux filles nées dans
cette période dans les paroisses concernées est non nulle …
Il faut donc tendre l’élastique dans tous les sens :
-
vers les parents de Marie Madeleine Collas ? Impossible car je ne les connais pas
-
vers son conjoint ? L’étude de son cas ne
donne rien si ce n’est qu’il est de Béthisy-Saint-Martin
-
vers ses enfants ? La seule piste dont je
dispose est celle de sa fille Marie Madeleine Lesueur, qui est née le 16
octobre 1677 à Béthisy-Saint-Pierre
Première remarque : le père est de Béthisy-Saint-Martin,
la fille est née à Béthisy-Saint-Pierre. Cela signifie que la famille s’y est
établie quelques temps mais qu’ils sont revenus à Béthisy-Saint-Martin à la fin
de leur vie puisqu’ils y sont morts.
Cela signifie-t-il pour autant que Marie Madeleine Collas est
née à Béthisy-Saint-Pierre ? Pas sûr car l’analyse de mon dépouillement de
cette paroisse sur la période concernée me donne 12 naissances, dont 6 filles,
mais aucune se prénommant Marie Madeleine …
Une piste à suivre : la fille
Marie Madeleine Lesueur a épousé Jacques Huyart le 21 juin
1803 à Béthisy-Saint-Martin.
Son acte de mariage donne une piste intéressante car au
niveau des personnes présentes on trouve :
« (...) Lesdits époux présents ont déclaré prendre en mariage l’un Jacques Huyart, l’autre Marie Magdeleine Lesueur, en présence de Joseph Huyart, cultivateur, âgé de trente quatre ans, frère dudit futur, de Ambroise Huyart, mannelier, âgé de trente un ans, aussi frère dudit futur et de Denis Huyart l’aîné, vannier, âgé de soixante cinq ans, oncle dudit futur, tous trois témoins du côté paternel domiciliés à St Martin Béthisy, et aussi en présence de Nicolas Sébastien Lesueur, cultivateur, âgé de père de ladite future, de Jean Basile Lesueur, chanvrier, âgé de cinquante ans, oncle et parrain de ladite future, domiciliés à St Martin Béthisy et de Henry Collas, fermier, âgé de cinquante huit ans, domicilié à Moyguevre, commune de Séry, arrondissement de Senlis, oncle de ladite future du côté maternel. »
Ainsi, Marie Magdeleine Collas a un frère nommé Henry et qui
vit en 1803 dans la commune de Séry.
Nouvelle tension élastique, vers Séry
Cette fois-ci l’élastique se tend géographiquement vers la
paroisse de Séry-Magneval.
La chance est au rendez-vous car Henry Collas est vivant en
1803, cela signifie que la recherche de son éventuel acte de décès pourra se
faire grâce aux tables décennales, ce qui est plus rapide.
En effet, quelques minutes après avoir débuté la recherche,
je trouve un Henry Collas décédé à Séry-Magneval le 14 août 1831 … Et son acte
de décès me donne une information très importante :
« L'an mil huit cent trente un, le quatorzième jour du mois d'août à cinq heures du soir, par devant nous Antoine Auguste Thiva, maire et officier de l'état-civil de la commune de Séry-Magneval, canton de Crépy, département de l'Oise, sont comparus les sieursPraquin Louis Henry, âgé de trente six ans, cultivateur, domicilié à la Domivalle, commune d'Orrouyet de Niquet Louis Marie, âgé de quarante trois ans, propriétaire, domicilié à CompiègneLesquels nous ont déclaré que le sieur Collas Henry, né à Vaucelles, commune de Néry, était décédé en sa demeure à Magneval, ce soir à deux heures et demi, âgé de quatre vingt sept ans, cultivateur, époux de Marie Josèphe Niquet.Les père et mère du défunt sont Collas Henry et Marie Madeleine Caron, tous deux décédés.Le premier déclarant est gendre et le second neveu du défunt, lesquels ont signé avec nous le présent acte après que lecture leur en a été faite à Séry-Magneval, même jour, heure, mois et an que dessus. »
Ainsi, non seulement nous apprenons que Henry Collas est
natif du village de Vaucelles dans la paroisse de Néry (située au Sud-Ouest de
Béthisy-Saint-Pierre), mais en plus l’acte de décès est filiatif !
Ainsi, en un claquement de doigt, je reviens à Marie Magdeleine
Collas que je sais être la fille de Henry Collas et de Marie Madeleine Caron.
Il y a par ailleurs de grandes chances pour qu’elle soit née à Néry.
Epilogue
L’exploration des registres paroissiaux de Néry, qui est une
petite paroisse, ce qui rend la lecture des registres très rapide me permet en
quelques dizaines de minutes de découvrir que :
- Henry Collas et Marie Madeleine Caron se sont mariés à Néry le 16 juillet 1743
- leur fils aîné, Henry Collas est né le 13 avril 1744 à Néry, au village de Vaucelles
- leur fille puînée Marie Magdeleine Collas est née le 3 mai 1746, à Néry, au même village de Vaucelles
Cette découverte permet également d’éclairer un coin de la
généalogie de Marie Madeleine Lesueur, la fille de Marie Magdeleine Collas. En
effet, celle-ci a pour marraine une certaine Geneviève Collas qui était décrite
dans son acte de baptême comme étant la fille mineure de défunt Henry Collas et
de Marie Magdeleine Caron, demeurant aux Eluas, dans la paroisse de Champlieu.
Le curé aurait tout simplement pu dire que la marraine aurait été la tante de l’enfant
…
Conclusion
Un élastique est très utile en recherche généalogique. Il
faut parfois simplement savoir l’utiliser en partant du point qu’on veut
découvrir et rayonner sur les 3 axes que sont l’axe géographique, l’axe
temporel et l’axe des alliances.
En d’autres termes, il faut parfois chercher dans le mariage
de la fille pour trouver la naissance de la mère en passant par la mort de son
oncle !
Si cet article vous a été utile, n’hésitez pas à le partager !
Pour aller plus loin :
J'aime beaucoup cette méthode. Qui présente ses limites quand il y a un certain nombre d'homonymie sur une période courte.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'elle a ses limites, mais en a combinant avec d'autres méthodes comme celle de l'"escargot" ou tout simplement en prenant comme point de départ d'autres personnes en lien avec celle dont on recherche les informations, cela peut bien aider !
SupprimerTres bonne methode que j utilise souvent mais comme tu dis le danger est de s eparpiller et de s eloigner de la recherche de depart en faisant des decouvertes inattendues (,
RépondreSupprimerD'où l'effet très utile de l'élastique qui est de nous faire revenir à notre point de départ ;-)
Supprimerbonjour,
RépondreSupprimerje l'utilisais "à l'insu de mon plein grée"
effectivement c'est en allant chercher des informations sur les collatéraux ou descendants que l'on peux faire un lien.
Je tache de trouver tous les actes de mariage de personnes nés ou mariés dans le même village et sur des décennies identiques.
il arrive ainsi qu'a travers un parrain ou une marraine, on trouve de l'information. épouse de ...., ou tante etc...
en tout cas votre article est fort inintéressant et me conforte dans ma méthodologie, sans oublier celle de l'escargot ou les recherches sur les militaires et le recensement.
bon pont du 8 mai.
crdlt
veronique lloret
Merci beaucoup.
SupprimerEffectivement tous les indices qu'on trouve au fur et à mesure de ses recherches sont à collecter soigneusement pour qu'un jour peut-être ils soient la clef permettant de déboucler une énigme ...
Comme Monsieur JOURDAIN qui fait de la prose sans le savoir, j'ai déjà pratiqué ainsi plus d'une fois sans connaître l'expression de "méthode de l'élastique"...
RépondreSupprimerJe viens de la partager sur les listes de discussion du Loiret Généalogique (45), de l'Union Généalogique du Centre et auprès de qq collègues encore.
Bravo pour votre démonstration très claire.
Xavier GUYOT
Orléans (45)
Merci !
SupprimerEn fait, c'est moi qui ai baptisé ainsi cette méthode qui est, je crois, très utilisée par les généalogistes. Elle a le mérite d'être très explicite !
Ce qui est important en fait dans cette "méthode" c'est de toujours garder en tête son objectif initial et ne pas se disperser. Si en chemin, on rencontre des choses intéressantes, il faut le noter et y revenir une fois que l'objectif de départ est atteint.
En tout cas c'est la façon dont je procède ;-)
Merci d'avoir partagé ce billet avec vos collègues dans tous les cas :-)
Super article, et très joli nom de baptême pour cette méthode que j'ai utilisée à plusieurs reprises et qui est, quand elle fonctionne, particulièrement jouissive ! J'ai retrouvé les parents d'un de mes ancêtres grâce aux prénoms de ses frères, dont l'un était prêtre, lors de son inhumation, puis en retrouvant le mariage du frère où mon aïeul et le frère prêtre étaient présents, mais où les parents n'étaient pas nommés; heureusement, le nom de la première épouse du frère était indiqué, et en retrouvant ce premier mariage, j'ai enfin trouvé le nom des parents.
RépondreSupprimerC'est vrai que parfois on se demande si les curés n'étaient pas taquins et ne faisaient pas exprès de jouer avec nos nerfs en brouillant les pistes menant à nos ancêtres ;-)
SupprimerComme beaucoup d'autres l'ont déjà dit, j'étais comme M. Jourdain. Pratiquer cette méthode me paraît tellement évident que je n'aurais pas pensé lui donner un nom si significatif ! Et comme d'autres, elle m'a déjà permis de dénicher des ancêtres que je n'aurais pas trouvés sinon.
RépondreSupprimerQuoiqu'il en soit, merci et félicitations pour cette belle démonstration posée noire sur blanc !
Merci pour ce commentaire qui va m'encourager à débusquer d'autres méthodes utilisées par les généalogistes et leur donner un nom pas nécessairement orthodoxe mais suffisamment original pour qu'on le retienne ;-)
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