Un des commentaires publié sur mon article précédent a soulevé un point intéressant car il disait en substance que dans la mesure où nos ancêtres ne nous appartenaient pas, nous ne pouvions pas considérer notre généalogie comme notre propriété. En conséquence, tout le monde pouvait utiliser les informations qu’elle contient.
Ma réponse a été qu’en l’espèce le problème tenait plus au respect
du travail accompli pour réaliser la généalogie qu’à la généalogie en tant que
telle. Mais c’est un autre débat …
Pour revenir au point soulevé par ce commentateur, voici
quelques réflexions que j’ai eues.
Un ancêtre et beaucoup de descendants ...
Le premier point qui me semble important est qu’un ancêtre
est a priori partagé par beaucoup de personnes, à part le cas où sur plusieurs
générations chaque descendant n’a eu qu’un seul enfant (ce qui est très rare).
Et cela peut aller très vite … En effet, prenons le cas d’un ancêtre vivant à
la sixième génération (la première étant la vôtre). Si cette personne a 3
enfants et que chacun de ses enfants a à son tour 3 enfants, et ainsi de suite,
alors à la première génération, il y a donc théoriquement 243 personnes (dont
vous) qui peuvent se targuer d’avoir cet individu comme ancêtre.
Cela fait donc beaucoup de monde …
Si on fait fi du droit d’aînesse, cela signifie donc que
chacune de ces 243 personnes peut se prévaloir d’avoir la personne de référence
comme ancêtre. Il ne vous « appartient » donc pas, mais « appartient »
à ces 243 personnes. En effet, pourquoi auriez-vous plus de « droits »
sur lui que les autres ?
Un ancêtre est un être humain ...
L’autre point est qu’on parle ici de personnes et non pas d’objets
matériels. Alors, de la même façon qu’on juge aujourd’hui complètement
inconcevable de « posséder » une personne, nous ne devrions jamais
envisager de posséder un ancêtre, même si celui-ci est décédé il y a 200 ans …
Au mieux peut-on posséder des écrits de sa part ou des bijoux !
Il faut donc être très vigilant dans le vocabulaire employé
lorsqu’on parle des personnes qui nous ont précédés sur cette planète. Même si dans
le langage courant on parle volontiers de « son » grand-père ou de « sa »
cousine au huitième degré (et je suis le premier à le faire …), il faut être
clair que cela ne signifie en rien la possession en propre de cette personne.
Les généalogistes avantagés ?
Un troisième point est qu’il faut distinguer, au sein d’une
famille, les personnes qui font la généalogie de leur famille et les autres.
Pourquoi ? Parce que les généalogistes ont cet avantage par rapport aux
autres qu’ils retrouvent les traces des ancêtres de la famille. Les autres au
mieux vont saluer ce travail, au pire vont s’en désintéresser !
Mais pour autant, le généalogiste familial ne peut pas s’approprier
ses ancêtres car ils sont les ascendants de toute la famille, pas que de lui.
Cet avantage de re-découvrir les ancêtres ne lui donne donc pas de droits
supplémentaires, juste la satisfaction du travail accompli ;..
Un ancêtre est un exemple
Personnellement, je préfère inverser les rôles en me disant
que la connaissance de mes ancêtres m’impose un devoir, celui de partager avec
les autres personnes de ma famille (famille au sens des descendants de cet
ancêtre) les découvertes que j’ai faites à son sujet.
Ainsi, si la vie de cette personne a été remarquable sur
certains aspects, parce qu’elle a quitté son village pour aller trouver du
travail à 200 kilomètres, qu’elle a été témoin d’un événement historique fort,
qu’elle a eu une vie dure ou au contraire épanouie, je me dois de le rapporter
le plus fidèlement possible pour qu’elle joue son rôle d’ancêtre, c’est-à-dire
de patriarche servant de modèle.
Donc nos ancêtres ne nous appartiennent pas, ils sont seulement
une part de nous. Cette part est réelle lorsqu’il s’agit de patrimoine
génétique, mais elle peut également être une part de notre personnalité si nous
acceptons de comprendre les valeurs qu’ils portaient et que nous voulons faire
nôtres.
Ainsi, avoir un ancêtre qui n’a pas hésité à quitter la France
pour aller d’établir au Québec au XVIIème siècle doit nous faire réfléchir
lorsque nous avons une décision importante dans la vie : nous pouvons
alors nous souvenir que cette personne de qui nous descendons a sauté le pas.
A l’inverse, avoir un ancêtre qui a abjuré sa foi
protestante pour « rentrer dans le rang » après la Révocation de l’Edit
de Nantes peut nous permettre de mieux accepter certaines de nos décisions qui
ne semblent pas courageuses de prime abord mais que nous avons prises en notre
âme et conscience, peut-être pour le bien-être de nos enfants.
Nos ancêtres ne nous appartiennent pas, mais ils peuvent
être des guides dans nos vies actuelles. Notre « devoir » de
généalogiste étant de partager ces leçons de vie avec nos contemporains, a
fortiori s’il s’agit de personnes de nos familles.
Et pour vous, vos ancêtres vous appartiennent-ils ?
Pour aller plus loin :
Clairement, non. Je ne suis pas la seule personne à descendre de ces individus, il ne m'appartient de dire qu'ils sont miens. Tout comme toi, mes ancêtres sont mes guides, ils m'aident à prendre du recul.
RépondreSupprimerSi leur histoire fait partie de moi, elle ne m'appartient pas, mais j'en fais part volontiers à qui veut l'entendre et la partager avec moi.
Nous sommes parfaitement en phase ;-)
SupprimerC'est vrai que l'expression "*mes* ancêtres" est trompeuse ...