Je ne sais pas pour vous, mais j’ai toujours pensé que les actes les plus difficiles à trouver étaient les actes de sépulture ou de décès.
En effet, les actes de naissances peuvent se trouver à partir du moment où on dispose de l’acte de mariage ou de décès de la personne car ces derniers indiquent souvent la paroisse ou la commune de naissance et l’âge approximatif.
Pour l’acte de mariage, on peut le déduire à partir de les actes de naissance des parents et des enfants du couple, en faisant l’hypothèse (très souvent bonne) que les enfants sont « légitimes ».
4 mariages et 1 enterrement ... |
Mais quand arrive l’acte de décès, c’est une autre histoire : les personnes ont pu déménager, aller vivre chez un de leurs enfants, mourir dans un hospice ou à la guerre. Et puis on dispose rarement d’indications portées sur les actes de naissance ou de mariage concernant le décès de la personne.
La recherche de l’acte de décès s’apparente donc souvent à une enquête minutieuse où chaque détail compte et où chaque pièce du puzzle est importante.
Le billet de cette semaine concerne l’acte de décès de Louise Ambroise Lenain, le sosa 373 de mes enfants, née le 24 mai 1750 à Martigné dans la Mayenne du mariage de Louis Lenain et de Jeanne Verger, eux-mêmes mariés audit Martigné le 31 juillet 1749. Elle est donc la première enfant du couple.
Les Lenain sont une famille de laboureur et Louise Ambroise n’échappe pas à la règle : lorsqu’elle épouse à 16 ans René Gaudinière le 17 juin 1766 à Martigné, on apprend que ce dernier est également laboureur …
A départ de mon enquête, je dispose de peu d’informations sur cette femme car la seule chose que je connais d’elle est qu’elle a eu au moins 8 enfants de son union avec René Gaudinière :
- René Jean, né le 24 mars 1768 à Martigné et décédé le 6 mai 1768 au même endroit
- René, né le 28 mars 1769 à Martigné (le sosa 186)
- Jean, né vers 1773
- Louis, né vers 1779
- Michel, né le 18 octobre 1780 à Martigné
- François, né le 30 avril 1784 à Martigné
- Jeanne, née également le 30 avril 1784 à Martigné
- Pierre, né le 19 mai 1789 à Martigné
Pour commencer, je sais donc qu’elle est décédée après 1789, c’est-à-dire à au moins 49 ans. Ce n’est pas vieux, mais les temps anciens nous montrent que mourir jeune n’était pas une exception. Aussi, décéder à 50 ans est parfaitement probable.
Seulement, trouver son acte de décès n’est pas aisé car les tables décennales ne commencent qu’en 1802 et une rapide lecture sur celles de Martigné ne donne rien …
Si j’ai intitulé ce billet du nom du célèbre film « 4 mariages et 1 enterrement », c’est bien qu’il m’a fallu ces 5 événements pour résoudre mon problème.
1) 1807 – Enterrement de René Gaudinière père
Le 4 juillet 1807, René Gaudinière son époux, décède à Martigné.
Cet acte m’apprend que Louise Ambroise Lenain est toujours en vie à cette époque et que deux de ses fils sont toujours vivants : René qui vit à Monflours et Jean qui vit à Martigné.
En 1807, Louise Ambroise Lenain a 57 ans. A cet âge trois options s’offrent à elle :
- se remarier pour disposer d’un toit et de revenus
- vivre seule de ses mains (son défunt mari était laboureur et sa famille travaillait la terre ; elle devait donc mettre la main à la pâte …)
- vivre chez un de ses enfants
Encore une fois, la lecture des Tables Décennales de Monflours ne donne rien : l’enquête continue.
2) 1810 – Mariage de sa fille Jeanne
Le 22 février 1810, Jeanne épouse Julien Leroy à Martigné.
Dans l’acte de mariage, il est indiqué que sa mère est toujours vivante et vit comme fermière à Martigné.
Il semble donc qu’elle ait choisi l’option 2, à savoir, être autonome et vivre de son travail … Mais pourquoi diable ne trouvais-je pas de trace d’elle à Martigné ?
3) 1813 – Mariage de son fils François
Le 13 janvier 1813, François épouse Françoise Gaudinière, sans doute une lointaine cousine car les deux sont de Martigné.
Là encore, Louise Ambroise est citée comme vivant à Martigné. Elle a alors 63 ans, ce qui est un âge avancé pour l’époque.
4) 1813 – Mariage de son fils Pierre
Le 10 février 1813, son fils Pierre épouse Marie Renée Noyer.
Ce mariage serait sans « intérêt » pour mon enquête (dans la mesure où je sais déjà que Louise Ambroise est toujours vivante en 1813) si l’officier d’état-civil n’avait eu la bonne idée d’y adjoindre l’acte par lequel Louise Ambroise Lenain consentait au mariage de son fils avec ladite Marie Renée Noyer.
Voici ce qu’il dit :
"Par devant M° Godefroy et son collègue, notaires impériaux à la résidence de la ville de Mayenne, soussignés
Est comparue Louis Lenain, veuve de René Gaudinière, fermière, demeurant au lieu métairie de Tesnières, commune de Martigné, département de la Mayenne
Laquelle a par ces présentes donné son consentement pur et simple au mariage que Pierre Gaudinière son fils majeur et légitime se propose et est sur le point de contracter avec Marie Renée Noyer, fille mineure et légitime de René Noyer fils et Marie Launay son épouse, demeurant en ladite commune de Martigné.
Consentant ladite comparante que son dit fils célèbre ledit mariage quand il jugera à propos et qu'il fasse pour ce tout ce qui sera nécessaire, approuvant tout ce qui sera fait en conséquence.
Dont acte, fait et passé au domicile et demeure de la comparante, l'an mil huit cent treize le sept février.
Après lecture faite, ladite comparante, les notaires ont signé, quant à elle, elle a déclaré savoir signer mais ne le pouvoir, attendu qu'elle a le bras et la main droite paralysés."
Détail intéressant : Louise Ambroise Lenain, plus toute jeune (selon les critères de l’époque), et sans doute usée par son travail (la notion de pénibilité n’existait pas encore …) souffrait d’une paralysie du membre supérieur droit. A quoi cela était-il dû ? Arthrose ? Suites d’un AVC ? Impossible de savoir en l’état, mais cette caractéristique permet d’enrichir la fiche de Louise Ambroise Lenain, à défaut de donner son acte de décès …
5) 1815 – Mariage de son fils Michel
Le 6 juin 1815, moins de 2 semaines avant la fin de l’Empire, Michel épouse Michelle Delière toujours à Martigné !
Encore une fois, l’acte de mariage donne Louise Ambroise Lenain vivante et demeurant à Martigné !
Encore une fois, l’acte de mariage donne Louise Ambroise Lenain vivante et demeurant à Martigné !
6) Un peu de chance et de réflexion …
Après 4 mariages et un enterrement, j’en suis au point où je sais qu’en 1815, alors âgée de 65 ans, Louise Ambroise Lenain, veuve depuis 8 ans, paralysée du bras droit, vit toujours à Martigné.
Selon toute vraisemblance, son décès ne doit être loin, mais les Tables Décennales de Martigné restent muettes …
Jusqu’à ce que je souvienne de mon enquête sur l’acte de décès d’Anne Françoise Levayer que j’avais fini par trouver sous celui d’Anne Françoise Vayer (relire "Les voyages forment la jeunesse"), le « le » ayant disparu lors de la rédaction de l’acte.
Je me suis alors dit que la même chose avait pu arriver à ma Louise Ambroise Lenain et qu’il faudrait peut-être chercher à « Nain ». Après tout, le « le » étant soit accroché au nom, soit détaché, pouvait très bien disparaître le temps d’un acte …
Les Tables Décennales de Martigné, relues une fois de plus, me donnent alors une Louise Nain, décédée à Martigné le 4 avril 1818.
La lecture de l’acte correspondant ne laisse aucun doute et c’est bien mon sosa 373 :
Selon toute vraisemblance, son décès ne doit être loin, mais les Tables Décennales de Martigné restent muettes …
Jusqu’à ce que je souvienne de mon enquête sur l’acte de décès d’Anne Françoise Levayer que j’avais fini par trouver sous celui d’Anne Françoise Vayer (relire "Les voyages forment la jeunesse"), le « le » ayant disparu lors de la rédaction de l’acte.
Je me suis alors dit que la même chose avait pu arriver à ma Louise Ambroise Lenain et qu’il faudrait peut-être chercher à « Nain ». Après tout, le « le » étant soit accroché au nom, soit détaché, pouvait très bien disparaître le temps d’un acte …
Les Tables Décennales de Martigné, relues une fois de plus, me donnent alors une Louise Nain, décédée à Martigné le 4 avril 1818.
La lecture de l’acte correspondant ne laisse aucun doute et c’est bien mon sosa 373 :
"L’an mil huit cent dix huit, le quatre avril à neuf heures du matin
Par devant nous Pouteau Pierre, Maire Officier Public de l’Etat-civil de la commune de Martigné, canton de Mayenne et département de la Mayenne, sont comparus
Gaudinière René, laboureur, âgé de quarante sept ans, demeurant commune de Monflours, canton d’Argentré, département de la Mayenne, fils de la décédée ci-après nommée, et Gaudinière François, laboureur, âgé de trente trois ans, fils de la décédée ci-après nommée, demeurant en cette commune de Martigné
Lesquels nous ont déclaré que le jour d’hier à deux heures du matin, Le Nain Louise, cultivatrice, âgée de soixante cinq ans, née à Martigné, en son vivant veuve de René Gaudinière et fille de feu Louis Le Nain et de défunte Jeanne Verger, ses père et mère, est décédée ledit jour d’hier à deux heures du matin ci-devant dit en son domicile au village des Bonière en cette commune de Martigné
Et ont les déclarants signé avec moi le présent acte de décès suivant la loi, après qu’il leur a été fait lecture."
On notera que bien que le nom inscrit dans la marge de l’acte soit « Louise Nain », c’est bien « Le Nain » qui figure dans l’acte …
Voilà donc une enquête qui s’achève et qui m’a permis de retrouver cet acte manquant. J’aurais certes pu chercher directement à « Nain », mais non seulement je n’y ai pas pensé sur le coup, mais les « 4 mariages et 1 enterrement » m’ont permis de restreindre le champ de mes recherches et de découvrir une information intéressante sur cette femme.
Moralité : il faut parcourir toutes les pistes possibles car elles peuvent permettre de trouver des éléments auxquels on ne pensait pas, à défaut de donner la réponse à la question qu’on se pose !
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Pour aller plus loin :
Merci Olivier.
RépondreSupprimerTu démontres, encore une fois, qu'en cas d'épine généalogique, il faut savoir prendre du recul et explorer toutes les possibilités.
Merci Sophie
SupprimerC'est effectivement ce qui rend cette discipline si enrichissante c'est qu'elle nous pousse à explorer toutes les routes possibles, avec, souvent, de belles surprises à la clef !
L'histoire n'est pas ingrate !
C'est sûr que ces actes de décès sont difficiles à trouver (parfois les plus récents dont les tables et registres ne sont pas en ligne mais trop anciens pour qu'ils ne soient pas références dans les marges des actes de naissance...).
RépondreSupprimerSi les actes de mariages sont les plus informatifs au niveau généalogique, je trouve que les actes de décès donnent de meilleures informations sur la "petite histoire", celle qu'on vient chercher quand on commence à faire de la généalogie.
Tout à fait d'accord !
SupprimerLes actes de décès permettent de savoir pas mal de choses sur la personne, surtout quand on peut mettre la main sur le testament qui lui, donne une foule d'informations sur les descendants du décédé !
Merci pour cet article qui se lit comme une enquête policière et qui explique de façon lumineuse les difficultés que nous rencontrons tous à un moment ou à un autre, et la façon de s'en sortir.
RépondreSupprimerHi thankks for sharing this
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