mardi 14 mai 2013

La caverne d'Ali Baba


Il y a des moments dans une vie où on est suffisamment adulte pour réaliser pleinement ce qui se passe mais où on est encore suffisamment jeune pour se lancer à corps perdu dans une aventure nouvelle. Les trouvailles familiales font partie de ces instants.

Il y a quelques temps en effet, ses enfants ont décidé de placer leur mère, ma grand-mère, dans une maison de retraite car la vie dans sa maison devenait impossible. Je passe les détails, mais il y a deux mois elle s'est fait cambrioler de nuit car elle avait laissé la porte d'entrée ouverte ... Une des conséquences immédiates est qu'il a fallu faire l'inventaire de la maison pour répartir ce qui pouvait l'être entre ses (nombreux) descendants et jeter le reste.



Or je suis l'un des seuls (si ce n'est le seul) de ma génération à m'intéresser à l'histoire de la famille. Ou plus exactement à faire des recherches sur ma famille, car lorsque je présente des résultats, tout le monde est content que je m'y sois collé ! Et quand j'entends qu'on va entreprendre de vider la maison de ma grand-mère, je veux y mettre mon grain de sel.

Et il y a de quoi !

Je me souviens que ma grand-mère m'avait parlé de ce carnet que sa mère tenait pendant la première guerre mondiale où elle notait chaque jour les éléments marquants. Un ligne de quelques mots qui notait la réception d'une lettre de son mari depuis le front où il se battait, une ligne pour noter la naissance d'un enfant et, le plus terrible, ces lignes, par dizaines où elle notait "rien" d'une écriture ferme et droite. La guerre vue par les femmes de soldat : sobre et terrible à la fois.

Et bien, ce carnet fait partie de ces "vieilleries" entassées dans un tiroir plein à craquer, coincé entre une publicité et un vieux numéro de Paris Match daté d'août 1945. Un collector pour cette femme qui a vécu la guerre dans sa chair. Une seconde guerre mondiale où mon grand-père a failli mourir bêtement : appelé en urgence le 24 décembre 1944 par un voisin qui lui annonçait la naissance de son fils, mon oncle, il a quitté la messe de minuit en courant et s'est fait tiré dessus par une patrouille allemande ...

Ou encore ces mémoires écrites par mon grand-père, ancien professeur de lettres classiques, qui m'avait appris alors qu'il descendait d'un officier de la Gendarmerie Impériale qui muté de Champagne vers le Jura y avait fait souche, délaissant son ancienne famille dont les descendants produisent encore un champagne assez renommé ...

Tous ces souvenirs entassés et qui ne demandent qu'à être retrouvés, relus, commentés, triés, archivés ... Toujours cette idée de garder une trace pour mes enfants et mes descendants.

Et puis la chance d'avoir ma grand-mère toujours en vie pour boucher les trous : qui est sur cette photo, qui a écrit ça, etc ?

Je dois aller sur place en juin pour aider ma mère et mes oncle et tante à fouiller et surtout, éviter que tout ne parte à la benne ! Je sais déjà que je vais trouver de belles choses. Ma mère m'a parlé d'une photo de mon arrière-grand-mère enfant, à l'école. Apparemment une photo de 1900 ou 1902. Peut-être y en aura-t-il d'autres ?

On ne parle pas ici d'ancêtres lointains puisque ce sont des gens que j'ai connus, mais le lien est fort et tangible. Quand je pense que mon arrière-grand-mère que j'ai très bien connue puisqu'elle n'est décédée qu'à mes 25 ans avait son grand-père, je dis bien son grand-père qui était né en 1800, cela me donne le vertige : avec un seul intermédiaire, je me retrouve plongé en 1800 !

Parfois, le destin se charge de nous rappeler que nos ancêtres ne sont pas très loin et qu'en fouillant dans les vieux tiroirs on peut parfois faire des découvertes d'une richesse incroyable !


Et vous, avez-vous fait de telles découvertes ?

Pour aller plus loin :


           

8 commentaires:

  1. C'est génial comme expérience, même si c'est parfois dur émotionnellement. Je sens qu'il va y avoir beaucoup de belles trouvailles qui nous donneront plus d'articles sur le blog. Bon courage à vous tous, pour l'avoir dèjà fait moi même deux fois, je sais à quel point il est dur de vider et fermer une maison

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    1. Disons que ma grand-mère étant toujours en vie, cela va bien se passer. Ce qui est fou par exemple c'est qu'il semble que mon grand-père avait collectionné tous les numéros du "Petit Journal". Au-delà de la valeur "financière", cela doit être un véritable plaisir de relire ces vieux journaux.

      Je pense par ailleurs que quelques articles jailliront de ces découvertes. L'avantage que j'ai dans ma famille est qu'en gros je suis le seul qui va s'intéresser à ce qui n'intéresse personne ... Je vais donc venir avec des cartons vides pour les remplir. Le tri viendra plus tard !

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  2. Super article ! Tu as bien raison de "mettre ton grain de sel" car si tu ne le fais pas, il n'y aura pas grand monde pour le faire à ta place et le passé partira à la poubelle !
    J'ai moi-même tous les carnets (1 par année) de ma grand-mère décédée il y a quelques années à plus de 80 ans alors qu'elle avait commencé vers 25 ans ! cela prend un peu de place, mais ce n'est rien comparé au plaisir de voir son écriture commentée la naissance de l'un ou de l'autre et des petits évènements qui font une vie de famille !
    A toi de jouer !

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    1. Merci pour ces encouragements !
      Au sujet des carnets dont je parle dans l'article, je les ai feuilletés adolescent et avais été troublé par le fait que mon AGM pouvait résumer des faits aussi importants que son mariage ou la naissance de ses enfants en une ligne ...

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  3. Nous avions retrouvé dans les affaires de mon arrière-grand-mère une lettre écrite par une cousine qui était devenue religieuse. Chaque arrière petite-fille avait aussi eut une chemise de nuit et un mouchoir en souvenir. Aucune valeur si ce n'est sentimentale !

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    1. Je me souviens d'avoir vu dans les affaires de la grand-mère de mon épouse un courrier envoyé par la Croix Rouge et qui indiquait que son mari était vivant et prisonnier de guerre quelque part en Allemagne (il s'agissait de la Seconde Guerre Mondiale). Le document était troublant car il était pré-imprimé et la mention "vivant" était rajoutée à la main.
      J'ai alors imaginé les femmes qui ont reçu le même document mais sur lequel la mention manuscrite était "mort" ...

      Effectivement, toute la valeur de ces documents est sentimentale, mais quelle force !

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    2. Très chouettes, tous ces témoignages.

      Je vous rejoins totalement dans votre dernière phrase. Enfant et adolescente, j'ai passé des heures à écumer le grenier de mes grands-parents et j'y ai trouvé des tas de vieux papiers merveilleux : lettres, contrats ou livres du XIXe siècle, journaux...

      Mais aujourd'hui, c'est en repensant à un simple bout de papier que je ressens l'émotion la plus forte. Un simple bout de papier, qui ne donne aucune information généalogique ou historique. Juste une trace du quotidien, une écriture, une attention. Un bout de papier sur lequel ma grand-mère avait écrit, sans doute à l'intention de ses enfants : "La collation est prête".

      ça peut vous sembler bête, mais j'ai les larmes aux yeux à chaque fois que j'y pense !

      je vous souhaite de belles trouvailles et, surtout, de beaux échanges avec votre grand-mère.

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  4. C'est effectivement la caverne d'Ali Baba que vous allez explorer. Les "papiers de famille" sont toujours très émouvants. J'ai trouvé pour ma part la première lettre (en réalité, c'était une carte postale) que mon père a envoyé à sa future épouse, ma mère, quelques jours seulement après l'avoir rencontrée pour la première fois. C'était le début d'une longue histoire, qui allait durer plus de cinquante ans !

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