Dans mon article précédent "La vie continue ..." j'évoquais le destin de ces couples de prisonniers de guerre qui vivaient leur captivité "presque" normalement en ayant des enfants et en les faisant baptiser.
Cette situation avait été l'occasion de rappeler une guerre complètement oubliée des gens aujourd'hui, la guerre dite de succession d'Autriche entre 1740 et 1748, sous le règne de Louis XV.
Cette guerre, même si a été à l'origine d'un grand nombre de morts, n'est pas au même niveau que celles qui ont eu lieu pendant le Premier Empire, ce pour deux raisons :
- la conscription nationale n'existe pas encore avec la forme que l'Empire lui donnera
- les guerres sont généralement plus locales et nécessitent moins d'hommes
Un naissance au XVIIIème siècle |
Il reste quand même que cette armée (même si ce terme est relativement anachronique) n'est pas seulement constituée de nobles comme on peut parfois le penser mais bien d'hommes du peuple, sujets du roi; les gentilhommes présents n'étant qu'aux rangs d'officiers. Ces hommes simples constituant la troupe partaient souvent pendant de longs mois à l'occasion des campagnes militaires menées par leur régiment.
Mais voilà, pendant ce temps leurs épouses restaient seules au foyer. Si dans la très grande majorité des cas, elles attendaient patiemment le retour de leur mari, parfois, il arrivait qu'elles cèdent au charme d'un fringant jeune homme ou qu'elles soient victime d'une relation non consentie ...
Le problème est qu'à cette époque, il n'y avait pas de contraception et les avortements étaient punis de mort.
En effet, depuis l'édit promulgué par Henri II en 1556, elles avaient obligation de déclarer leur grossesse, si celle-ci était survenue hors mariage, car le pouvoir voulait au maximum éviter les infanticides.
Et puis l'adultère était un pêché très sérieux ...
Qu'elle ne fût donc pas ma surprise lorsque j'ai trouvé ça :
On constate plusieurs choses dans cet acte :Le dix-neuvième jour du mois de mars de l'année mil sept cent quarante neuf, Catherine Gaclin, sage-femme jurée nous a présenté au baptême un enfant qui nous a déclaré être venu aujourd'hui au monde et être fille de Catherine Thiot, femme de Nicolas Minaut, qui est depuis plusieurs années dans les troupes de sa Majesté et provenir du fait d'un homme contre lequel elle n'a fourni aucune plainte en justice à l'instant.
Ledit enfant a été baptisé et nommé Marie Madeleine par Etienne David et Marie Madeleine Cantrel.
Les parrain et marraine qui ont fait leurs marques ayant déclaré ne savoir écrire ni signer de ce interpellé suivant l'ordonnance et ladite sage-femme a signé avec nous.
Tout d'abord la femme a accouché d'un enfant né alors qu'elle est mariée, mais qui est le fruit d'une relation adultère !
Ensuite, son mari n'est pas disparu ou mort, mais bien vivant (a priori), et seulement absent du domicile car servant dans les troupes royales ...
Militaire des troupes royales sous Louis XV |
Le dicton dit "loin des yeux, loin du coeur", d'où le titre de cet article. Or, il semble à première vue qu'il s'agisse du fruit d'une relation consentie car la femme, Catherine Thiot n'a pas porté plainte. On peut également imaginer qu'elle a eu peur de son éventuel agresseur s'il s'est agi d'un viol, mais l'édit d'Henri II pouvait la protéger d'autant qu'elle est mariée et son agresseur aurait donc eu de sérieux ennuis ...
Enfin, bien qu'il s'agisse d'un enfant issu d'un adultère, il est quand même baptisé et a un parrain et une marraine. Je n'ai pas poussé mes investigations pour savoir la nature des relations liant la mère de l'enfant et les parrain et marraine : ont-il été désignés d'office ? Sont-ils des amis ou des proches de la mère ?
On note toutefois que la réaction du curé (et donc de l'église catholique, l'acte de baptême étant un acte officiel) est finalement assez logique :
- l'enfant n'est pas responsable de la "faute" de sa mère, il n'a donc pas à être puni
- si l'enfant meurt sans être baptisé, son âme errera éternellement dans les limbes et le prêtre (et donc l'église) portera cette responsabilité
Petite remarque en passant, l'enfant est baptisé sous le nom de Marie Madeleine. Or, selon la tradition, Marie Madeleine était une femme de mauvaise vie qui est devenue une des plus fidèles suivantes du Christ après sa rencontre avec ce dernier. Peut-être qu'en nommant la petite fille ainsi, le curé (ou les parrain et marraine) ont-il voulu signifier à la mère que son comportement était pécheur mais que le baptême avait racheté sa faute ?
Par manque de temps, je n'ai pas pu rechercher les suites de cette affaire : qu'est devenue la petite Marie Madeleine ? Le mari est-il rentré de la guerre vivant ? Catherine Thiot a-t-elle eu d'autres enfants illégitimes (en tout cas je n'en ai pas trouvé la trace dans les années qui ont suivi dans la paroisse Saint-Etienne de Beauvais) ? La mère a-t-elle quitté les lieux ?
Beaucoup de questions, mais je laisse le soin à mes "collègues" étudiant la généalogie de Catherine Thiot d'y apporter des réponses ...
Et vous, avez-vous trouvé de tels cas avérés d'adultères ?
Pour aller plus loin :
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