jeudi 10 janvier 2013

La Révolution Française : Barrière de corail généalogique ...


Le principal risque auquel les généalogistes et les historiens sont confrontés est, qu'à force de travailler sur une période ou sur un lieu, ils acquièrent une véritable expertise dans leur domaine et ils oublient que les autres n'ont pas le même niveau de connaissance.

Je suis comme ça et j'ai remarqué que je considérais souvent comme acquises par mes interlocuteurs, des informations ou des notions qui en fait n'étaient connues que de moi et de quelques passionnés ou professionnels !

C'est ce qui se passe avec la Révolution Française. Je suis certain que tous ceux qui vont lire ce billet connaissent les grandes dates de cet événement qui a remis à plat tout le fonctionnement du pays, mais il y a également un nombre incroyablement élevé de personnes qui ignorent beaucoup de choses sur cette période et qui sont donc décontenancées lorsqu'elles arrivent à cette période de notre histoire dans leurs recherches généalogiques.

Le Serment du Jeu de Paume

Je ne suis pas professeur d'histoire et n'ai pas de compétences particulières en ce domaine (si ce n'est une passion qui m'a prise à l'adolescence ...), mais je souhaitais partager ici quelques informations qui me semblent importantes.

Alors en route pour la France de la fin du XVIIIème siècle.

1) Les dates

C'est sans doute l'aspect le plus connu de la Révolution Française, celui qui a consisté à imposer aux Français un calendrier commençant le 22 Septembre 1792 (1 Vendémiaire an I).
Les mois du ci-devant calendrier grégorien ont été remplacés par des mois de 30 jours chacun, et 5 ou 6 jours dits "complémentaires" venaient compléter le tout pour arriver à des années de 365 ou 366 jours.

Petit rappel, les mois se basaient sur des phénomènes socio-météorologiques car, et ce qui va servir de fil rouge à toutes les "innovations" de cette période, la raison devait triompher de tout !
On a donc :
  • vendémiaire : le temps des vendanges (septembre-octobre)
  • brumaire : le temps des brumes (octobre-novembre)
  • frimaire : le temps des frimas (novembre-décembre)
  • nivôse : le temps des neiges (décembre-janvier)
  • pluviôse : le temps des pluies (janvier-février)
  • ventôse : le temps des vents (février-mars)
  • germinal : le temps des germinations (mars-avril)
  • floréal : le temps des floraisons (avril-mai)
  • prairial : le temps des prairies (mai-juin)
  • messidor :  le temps des moissons (juin-juillet)
  • thermidor : le temps des thermies (juillet-août)
  • fructidor : le temps des fruits (août-septembre)
Le calendrier Républicain

Il existe de nombreux sites permettant de convertir aisément les dates du nouveau calendrier vers l'ancien. Personnellement j'utilise celui-ci, qui est très pratique ...

Mais les conséquences de ce nouveau calendrier vont plus loin. En effet les Tables Décennales regroupant, tous les 10 ans, l'ensemble des naissances, mariages et décès sur une commune, classés par ordre alphabétique ont également commencés en 1792. C'est donc la raison pour laquelle, elles sont en 1802, 1812, 1822, etc.. Et non pas 1800, 1810, 1820, comme on pourrait s'y attendre. Alors même que le calendrier dit révolutionnaire a cessé officiellement d'exister le 11 nivôse XIV, soit le 1er Janvier 1806.

Autre conséquence : si les officiers de l'état-civil ont fini par se faire à ce nouveau calendrier, les débuts ont été difficile et c'est la raison pour laquelle, au début, certains d'entre eux donnaient les deux dates. Mais la Convention a fini par interdire absolument (sous peine de mort) l'usage de l'ancien calendrier ...

2) Les mesures

C'est à la Révolution Française, ou plutôt aux scientifiques vivant à cette période que l'on doit l'unification de toutes les unités de mesure. Avant, c'était très compliqué de s'y retrouver car les unités pour mesurer les longueurs ou les volumes différaient d'une région à l'autre.

Il a donc été décidé de mettre en place un étalon mesurant 1 mètre.Ce mètre a été défini comme la dix millionième partie d'un quart de méridien terrestre (soit la distance reliant le Pôle Nord et l'Equateur).

Le Mètre Etalon

Pour la petite histoire, d'autres unités découlent de ce mètre. Pour les surfaces et les volumes, c'est évident, mais même le kilogramme est défini comme la masse d'un décimètre cube d'eau pure à 4°C ...

Encore une fois, l'adoption de ces unités se fera assez rapidement car la Convention jugeait comme anti-révolutionnaire le fait de rester sur l'ancien système. De plus, cette unification des unités permettait de collecter un impôt (souvent en nature) de manière identique quelque que soit l'endroit du territoire concerné.

3) Les lieux

Chose plus curieuse, et souvent troublante pour les généalogistes, la volonté presque maladive des révolutionnaires de faire table rase du passé. Ainsi, nombre de lieux, soit parce qu'ils contenaient un nom rappelant trop l'ancien régime (ou à connotation religieuse), soit parce qu'ils devenaient des endroits à forte symbolique pour la République, ont été rebaptisés.

Le problème est que si, dans quelques cas, les nouveaux noms donnés sont restés, dans la plupart des cas, ils ont disparu aussi rapidement qu'ils sont apparus. Cela peut donc provoquer une certaine confusion parmi les débutants en généalogie qui ne savent pas retrouver le lieu d'origine.

J'ai trouvé quelques exemples au cours de mes recherches qui montrent cette frénésie de changement :
  • l'Hospice des Pauvres de Beauvais a été rebaptisé "l'Hospice du Malheur" sous la Révolution. 
  • la ville de Lyon qui devient Commune-Affranchie
  • la ville de Marseille qui devient Ville-sans-Nom
  • Saint-Denis (célèbre pour abriter la nécropole royale) devient Franciade
  • Saint-Didier-la-Séauve en Haute-Loire devient Mont-Franc
  • Saint-Etienne est redécoupée en Armes-Ville, Canton-d'Armes, Commune-d'Armes, Libre-Ville

La liste est longue et le lecteur curieux pourra se reporter à la liste quasiment exhaustive présente sur Wikipedia ...

Il en a été de même pour les noms de rue et de place, la plus célèbre étant l'endroit où Louis XVI a été guillotiné, qui se nommait Place Louis XV sous l'Ancien Régime, qui est devenue la Place de la Révolution, puis Place de la Concorde, qui est le nom sous laquelle nous la connaissons aujourd'hui. A noter qu'elle fut renommée quelques temps Place Louis XVI sous la Restauration ...

Le plus grand changement cependant reste celui des Provinces qui furent supprimées et remplacées par les Départements. Même si nous sommes familiers avec les Régions auxquelles sont rattachés aujourd'hui les Départements, il n'y a pas une parfaite juxtaposition entre les Provinces d'Ancien Régime et nos Régions.
Par ailleurs, l'organisation d'Ancien Régime (Provinces, Paroisses, etc.) a été complètement remaniée ce qui peut parfois semer le trouble dans les recherches.

Heureusement, les Archives Départementales proposent des tables de correspondance qui permettent de s'y retrouver ...

4) La période révolutionnaire : une barrière de corail ?

Pourquoi ce titre ? Parce que l'état-civil me fait penser à un lagon :
  • Notre état-civil moderne (de l'Empire à nos jours) est ce lagon, calme, clair, transparent, bien organisé et complet.
  • L'état-civil période révolutionnaire est la barrière de corail : une zone agitée, troublée mais finalement assez brève et qui est une transition entre l'océan et la lagon
  • Les registres paroissiaux d'Ancien Régime sont l'océan : beaucoup plus vaste que le lagon, plus profond, plus sombre, moins accessible

Mais, et je m'adresse à ceux qui ont eu la chance de voir un lagon en vrai, une fois que l'on a franchi la barrière de corail et qu'on se retrouve dans l'océan, on fait parfois de belles découvertes !



Et vous, avez-vous eu des problèmes pendant vos recherches sur la période révolutionnaire ?

Pour aller plus loin : 

           

7 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. J'ai eu des soucis en Dordogne où les registres sont des torchons avant et après la Révolution. C'est vrai qu'il y a de vraies différences entre les deux types de registres. Je parle de mes préférences dans cet article : http://lenuagedeparis.tumblr.com/post/34159008635/registres-detat-civil-vs-registres-paroissiaux

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  3. Dans Heredis, le logiciel que j'utilise, il y a un convertisseur de dates que j'utilise souvent, et j'ai mis un moment avant de savoir dans quel ordre allait ce fichu calendrier quand je cherchais un acte. D'ailleurs, je continue à me tromper :)
    Encore bravo pour cet article

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  4. Très bonne introduction, on pourrait ajouter la modifixation profonde des structures juridiques avec la disparition des justices seigneuriales et la création des tribunaux d'instances, les préfectures, le code civil, le cadastre.
    Et enfin si les registres paroissiaux sont l'océan les registres notariés c'est le ciel et l'espace !

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    1. Tout à fait exact, la Révolution a été réellement "révolutionnaire" à bien des points de vue ! Et si on veut continuer dans la métaphore océanique, on pourrait dire qu'il existe des îles : terriers, procès, etc.
      Bref, beaucoup de travail en perspective !

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  5. Bonjour à tous,
    Toujours aussi agréable de lire vos (ou tes) articles.
    Je suis Brigitte, j'utilise le convertisseur de HeredisMac.
    Et je n'arrive toujours pas à me faire aux noms des mois donc le rappel fait était bien justifié!
    Ce qui m'a frappé le plus pour moi, outre ces aspects 'organisationnels", ce sont les nouvelles politiques de droits de la personne: droit au divorce, suppression des passeports internes, des corporations...J'ai un ancêtre qui a divorcé en 1796 et pour l'époque, c'est vraiment novateur.

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    1. Bonjour Benoît
      Mon épouse à un ancêtre qui a également divorcé pendent cette période mais il a attendu que son ex-femme décède pour se remarier. Est-ce un hasard ou la loi était-elle ainsi ?

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