A part quelques rares cas de familles princières, il existe forcément dans nos histoires familiales des ancêtres qui se situaient au plus bas de l'échelle sociale. Ces humbles, d'aucuns diraient ces sans-grades, n'ont généralement pas laissé de trace dans l'histoire de notre pays, sinon par la masse qu'ils représentaient.
Et pourtant, ce sont des personnes qui ont vécu, aimé, souffert, ri, pleuré comme nous et qui avaient peut-être parfois conscience de leur statut et qui voulaient mieux pour leurs enfants.
Mais la société d'ordres de l'Ancien Régime était assez bloquée pour ces petites gens. A part un fait d'armes particulier, un journalier restait un journalier !
Les actes des registres paroissiaux nous permettent toutefois de retrouver la trace de ces ancêtres car, l'Eglise de l'époque traitait avec une égalité parfaite ces petits avec les grands qu'ils cotoyaient de loin. Il n'est pas rare en effet de trouver un acte de baptême du fils du seigneur local coincé entre deux actes de mariage d'un journalier avec une fille de manouvrier et d'un cultivateur avec une fille ouvrière ...
La force de la généalogie est donc de redonner vie à ces êtres humains qui sinon auraient été oubliés à jamais.
Je souhaite donc rendre hommage à quelques uns d'entre eux dans cet article.
Il s'agit de mes ancêtres sur la branche paternelle de ma grand-mère paternelle.
C'est dans cette paroisse qu'ont vécu au moins 7 générations de Debuire. Je dis au moins 7 car à ce jour je ne suis remonté qu'à François Debuire, pauvre manouvrier de Vaucelles. Né vers 1650 en pleine Fronde, il épouse le 5 février 1674 à Béthisy-Saint-Martin Marie Landru.
La mariage a lieu à Béthisy-Saint-Martin et pas à Néry, probablement parce que le hameau de Vaucelles, se trouve à quelques centaines de mètres des Béthisy (Saint-Martin et Saint-Pierre) mais à près de 5 kilomètres de Néry.
De leur union naissent au moins 12 enfants dont Antoine Debuire qui naît vers 1684, toujours à Vaucelles.
Marie Landru, sa mère décède le 26 mai 1707, probablement épuisée par toutes ces grossesses ...
Comme son père, Antoine Debuire sera manouvrier, c'est-à-dire qu'il vendra ses "mains" pour gagner de quoi nourrir sa famille.
Il n'est à vrai dire pas étonnant que les garçons de cette famille aient ce métier, car sans instruction et sans terre en propre, ils n'avaient pas d'autre choix que de travailler les terres voisines pour subvenir aux besoins de la famille.
Antoine Debuire épouse le 16 novembre 1716, Marie Louise Herbet, fille d'un jardinier de Saintines. Il l'épouse d'ailleurs à Saintines, mais retourne habiter avec sa femme à Vaucelles.
Ils ont au moins 4 enfants, dont le petit dernier, Antoine Debuire, prénommé comme son père, qui naît le 14 mai 1734 à Vaucelles.
Mais Antoine Debuire fils ne connaîtra pas beaucoup son père qui mourra lorsqu'il aura à peine 7 ans. C'est d'ailleurs le premier qui aura un métier différent puisqu'il sera chanvrier, c'est-à-dire qu'il prépare le chanvre, matériau très en vogue à l'époque. Le 10 juin 1758, âgé de 24 ans, il épouse à Néry Marie Marguerite Delafosse, elle-même fille et petite-fille de chanvriers. On peut d'ailleurs se demander si Antoine Debuire fils est devenu chanvrier en fréquentant la famille de son épouse, ou s'il a rencontré son épouse car il était chanvrier ...
Toujours est-il que leur mariage donne au moins 3 enfants dont Antoine Victor Debuire, qui naît le 19 janvier 1761 à Vaucelles. A son stade, cela fait donc au moins 110 ans que la famille vit dans ce hameau !
On notera également que pour le moment, les épouse ne sont pas du village, mais des paroisses voisines. Les fêtes locales ainsi que, sans doute, une volonté de ne pas trop se mélanger entre cousins, expliquent probablement ce phénomène.
Antoine Victor Debuire exerce la profession de cultivateur à la fin du XVIIIème siècle. La différence fondamentale avec ses parents, grands-parents et arrière-grands-parents est qu'il possède sa terre ! Et cela change tout.
Le 17 février 1784, il épouse à Néry Marie Thérèse Véronique Monard, native de Vaucelles mais dont la famille tire ses origines en partie de Béthisy-Saint-Martin. Marie Thérèse descend d'ailleurs du fameux Berthaud Bergeron dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans un précédent article.
On peut imaginer que ce mariage a été rendu possible grâce au statut social d'Antoine Victor, mais évidemment, rien n'est certain.
Le mariage donne au moins 3 enfants, dont l'aîné, qui se prénomme comme son père Antoine Victor Debuire, qui naît le 25 octobre 1786 à Vaucelles.
Antoine Victor Debuire fils, étant l'aîné, hérite des terres de son père et est également cultivateur chanvrier. Il épouse le 23 novembre 1807, toujours à Néry, Marie Félicité Caron qui est d'origine assez modeste,ce qui peut laisser à penser à un mariage d'amour. En tout cas, elle lui donne pas moins de 11 enfants ! Dont le fils aîné Pierre Rieul Victor Debuire, naît le 1er juin 1810 à Vaucelles.
Pierre Rieul Victor Debuire est le fils aîné d'un fils aîné. En conséquence, il hérite également des terres, même si le récent Code Civil impose un héritage équilibré entre tous les héritiers, il semble qu'il y ait une préférence pour l'aîné car celui-ci devient propriétaire ! Il épouse Marguerite Augustine Huyart, fille de Béthisy-Saint-Martin mais dont la famille est originaire de Saint-Sauveur.
De ce mariage naîtront au moins 2 enfants dont Victor François Baptiste Debuire le 21 septembre 1833 à Néry.
Victor François Baptiste Debuire innove car il exerce d'abord la profession de palefrenier, avant de devenir cantonnier ! Que s'est-il passé pour qu'il ne vive pas de la terre comme ses ancêtres ? Est-ce un problème de brouille familiale ? C'est peu probable car il continue à vivre à Néry. Est-ce un choix délibéré ? Nous ne le saurons probablement jamais ...
Le 21 avril 1857, il épouse Rosine Arthémise Dubreuil, fille qui vient de loin car, quoique native de Vez, elle tire ses origines d'une dynastie de tisserands de Cuise-la-Motte alliés à des familles de la Marne !
Ensemble ils auront 5 enfants dont Henri Debuire, mon arrière-grand-père qui exercera la profession de jardinier au château de Vez jusqu'à sa mort en 1935.
Un autre point intéressant de cette étude est que les mariages se sont globalement faits dans le même milieu social. En d'autres termes, il n'y a pas eu de mariage permettant à l'époux d'acquérir un statut social plus élevé. C'est plutôt lorsque l'homme avait acquis un certain statut qu'il a pu épouser une femme d'un milieu plus élevé.
Mon hypothèse est donc que, dans la mesure où il n'y avait pas d'intérêt économique important au mariage et qu'on constate que les mariés étaient sensiblement du même âge, il y a dû y avoir majoritairement des mariages d'amour !
Pour conclure, on peut dire que grâce à l'étude des actes des registres paroissiaux puis d'état-civil, à la connaissance géographique des lieux et à la (re)découverte d'anciens métiers, on peut redonner vie à ces petites gens que l'Histoire omet souvent de citer.
Il ne faut en effet jamais oublier que c'est grâce à ces personnes que nous sommes là aujourd'hui.
Nous leur devons bien cette reconnaissance !
Et vous, avez-vous pu retracer des tranches de vie de vos ancêtres humbles ?
Pour aller plus loin :
Et pourtant, ce sont des personnes qui ont vécu, aimé, souffert, ri, pleuré comme nous et qui avaient peut-être parfois conscience de leur statut et qui voulaient mieux pour leurs enfants.
Mais la société d'ordres de l'Ancien Régime était assez bloquée pour ces petites gens. A part un fait d'armes particulier, un journalier restait un journalier !
Les actes des registres paroissiaux nous permettent toutefois de retrouver la trace de ces ancêtres car, l'Eglise de l'époque traitait avec une égalité parfaite ces petits avec les grands qu'ils cotoyaient de loin. Il n'est pas rare en effet de trouver un acte de baptême du fils du seigneur local coincé entre deux actes de mariage d'un journalier avec une fille de manouvrier et d'un cultivateur avec une fille ouvrière ...
La force de la généalogie est donc de redonner vie à ces êtres humains qui sinon auraient été oubliés à jamais.
Je souhaite donc rendre hommage à quelques uns d'entre eux dans cet article.
Il s'agit de mes ancêtres sur la branche paternelle de ma grand-mère paternelle.
1) Les Debuire, gens de Vaucelles
La paroisse de Néry est composée de plusieurs hameaux ou villages dont Vaucelles. Cette paroisse est au centre d'un triangle formé par Chantilly, Compiègne et Villers-Cotterêts. Quelques habitations, des champs à perte de vue et d'importantes zones boisées forment le paysage de cette région de l'Oise.Crédit : Chatsam via Wikipedia |
C'est dans cette paroisse qu'ont vécu au moins 7 générations de Debuire. Je dis au moins 7 car à ce jour je ne suis remonté qu'à François Debuire, pauvre manouvrier de Vaucelles. Né vers 1650 en pleine Fronde, il épouse le 5 février 1674 à Béthisy-Saint-Martin Marie Landru.
La mariage a lieu à Béthisy-Saint-Martin et pas à Néry, probablement parce que le hameau de Vaucelles, se trouve à quelques centaines de mètres des Béthisy (Saint-Martin et Saint-Pierre) mais à près de 5 kilomètres de Néry.
De leur union naissent au moins 12 enfants dont Antoine Debuire qui naît vers 1684, toujours à Vaucelles.
Marie Landru, sa mère décède le 26 mai 1707, probablement épuisée par toutes ces grossesses ...
Comme son père, Antoine Debuire sera manouvrier, c'est-à-dire qu'il vendra ses "mains" pour gagner de quoi nourrir sa famille.
Il n'est à vrai dire pas étonnant que les garçons de cette famille aient ce métier, car sans instruction et sans terre en propre, ils n'avaient pas d'autre choix que de travailler les terres voisines pour subvenir aux besoins de la famille.
Antoine Debuire épouse le 16 novembre 1716, Marie Louise Herbet, fille d'un jardinier de Saintines. Il l'épouse d'ailleurs à Saintines, mais retourne habiter avec sa femme à Vaucelles.
Ils ont au moins 4 enfants, dont le petit dernier, Antoine Debuire, prénommé comme son père, qui naît le 14 mai 1734 à Vaucelles.
Mais Antoine Debuire fils ne connaîtra pas beaucoup son père qui mourra lorsqu'il aura à peine 7 ans. C'est d'ailleurs le premier qui aura un métier différent puisqu'il sera chanvrier, c'est-à-dire qu'il prépare le chanvre, matériau très en vogue à l'époque. Le 10 juin 1758, âgé de 24 ans, il épouse à Néry Marie Marguerite Delafosse, elle-même fille et petite-fille de chanvriers. On peut d'ailleurs se demander si Antoine Debuire fils est devenu chanvrier en fréquentant la famille de son épouse, ou s'il a rencontré son épouse car il était chanvrier ...
Toujours est-il que leur mariage donne au moins 3 enfants dont Antoine Victor Debuire, qui naît le 19 janvier 1761 à Vaucelles. A son stade, cela fait donc au moins 110 ans que la famille vit dans ce hameau !
On notera également que pour le moment, les épouse ne sont pas du village, mais des paroisses voisines. Les fêtes locales ainsi que, sans doute, une volonté de ne pas trop se mélanger entre cousins, expliquent probablement ce phénomène.
Antoine Victor Debuire exerce la profession de cultivateur à la fin du XVIIIème siècle. La différence fondamentale avec ses parents, grands-parents et arrière-grands-parents est qu'il possède sa terre ! Et cela change tout.
Le 17 février 1784, il épouse à Néry Marie Thérèse Véronique Monard, native de Vaucelles mais dont la famille tire ses origines en partie de Béthisy-Saint-Martin. Marie Thérèse descend d'ailleurs du fameux Berthaud Bergeron dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans un précédent article.
On peut imaginer que ce mariage a été rendu possible grâce au statut social d'Antoine Victor, mais évidemment, rien n'est certain.
Le mariage donne au moins 3 enfants, dont l'aîné, qui se prénomme comme son père Antoine Victor Debuire, qui naît le 25 octobre 1786 à Vaucelles.
Antoine Victor Debuire fils, étant l'aîné, hérite des terres de son père et est également cultivateur chanvrier. Il épouse le 23 novembre 1807, toujours à Néry, Marie Félicité Caron qui est d'origine assez modeste,ce qui peut laisser à penser à un mariage d'amour. En tout cas, elle lui donne pas moins de 11 enfants ! Dont le fils aîné Pierre Rieul Victor Debuire, naît le 1er juin 1810 à Vaucelles.
Pierre Rieul Victor Debuire est le fils aîné d'un fils aîné. En conséquence, il hérite également des terres, même si le récent Code Civil impose un héritage équilibré entre tous les héritiers, il semble qu'il y ait une préférence pour l'aîné car celui-ci devient propriétaire ! Il épouse Marguerite Augustine Huyart, fille de Béthisy-Saint-Martin mais dont la famille est originaire de Saint-Sauveur.
De ce mariage naîtront au moins 2 enfants dont Victor François Baptiste Debuire le 21 septembre 1833 à Néry.
Victor François Baptiste Debuire innove car il exerce d'abord la profession de palefrenier, avant de devenir cantonnier ! Que s'est-il passé pour qu'il ne vive pas de la terre comme ses ancêtres ? Est-ce un problème de brouille familiale ? C'est peu probable car il continue à vivre à Néry. Est-ce un choix délibéré ? Nous ne le saurons probablement jamais ...
Le 21 avril 1857, il épouse Rosine Arthémise Dubreuil, fille qui vient de loin car, quoique native de Vez, elle tire ses origines d'une dynastie de tisserands de Cuise-la-Motte alliés à des familles de la Marne !
Ensemble ils auront 5 enfants dont Henri Debuire, mon arrière-grand-père qui exercera la profession de jardinier au château de Vez jusqu'à sa mort en 1935.
2) Petit tableau d'une évolution sociale
On l'a vu précédemment, deux faits ressortent de cette étude :- il y a eu une progression sociale environ toutes les 2 générations : manouvrier, puis chanvrier, puis cultivateur, puis propriétaire. Ensuite, il y a eu des métiers toujours ruraux, mais plus dans l'agriculture.
- le fait d'avoir eu une transmission au fils aîné de la propriété familiale a sans doute aidé à cette progression. Je n'ai cependant pas suivi les généalogies descendantes des autres frères et cousins.
Un autre point intéressant de cette étude est que les mariages se sont globalement faits dans le même milieu social. En d'autres termes, il n'y a pas eu de mariage permettant à l'époux d'acquérir un statut social plus élevé. C'est plutôt lorsque l'homme avait acquis un certain statut qu'il a pu épouser une femme d'un milieu plus élevé.
Mon hypothèse est donc que, dans la mesure où il n'y avait pas d'intérêt économique important au mariage et qu'on constate que les mariés étaient sensiblement du même âge, il y a dû y avoir majoritairement des mariages d'amour !
Pour conclure, on peut dire que grâce à l'étude des actes des registres paroissiaux puis d'état-civil, à la connaissance géographique des lieux et à la (re)découverte d'anciens métiers, on peut redonner vie à ces petites gens que l'Histoire omet souvent de citer.
Il ne faut en effet jamais oublier que c'est grâce à ces personnes que nous sommes là aujourd'hui.
Nous leur devons bien cette reconnaissance !
Et vous, avez-vous pu retracer des tranches de vie de vos ancêtres humbles ?
Pour aller plus loin :
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