Le 13 janvier 1704, la petite église de la paroisse de Béthisy Saint Pierre est en effervescence. En effet, ce matin, Jacques Potier, le curé de la paroisse va procéder au baptême de la fille de Jean Choron, filassier et de Marie Anne Cadot son épouse. La petite fille est née dans la nuit, et à peine sa toilette de nourrisson faite, elle est emmaillotée et confiée à la jeune Marie Catherine Baudequin, qui va devenir sa marraine dans quelques heures et à Charles Thomas, le futur parrain.
Comme ils sont encore jeunes, ils sont accompagnés de leurs
parents. Ensemble, ils vont rejoindre l’église où les attend le père Potier. C’est
un homme dans la force de l’âge qui va bientôt fêter ses 44 ans. Il sourit en
voyant arriver les deux compères car il se souvient qu’il n’y a pas si
longtemps, c’était eux qui étaient portés sur les fonts baptismaux …
Les quelques proches entrent vite dans l’église car dehors
il fait un froid glacial. La cérémonie peut commencer et une heure après, le prénom
de Catherine est imposé à la petite fille par son parrain et sa marraine qui
font leur marque sur le registre, le clerc de la paroisse, Sébastien Loyauté,
ne les ayant pas encore vu dans son « école » si on se permet cet
anachronisme.
Le nourrisson est vite rendu à sa mère et la fête commence.
Le bébé a de bonnes joues. C’est le quatrième enfant du couple et sa mère sait,
en la regardant alors qu’elle tête goulument qu’elle vivra.
En revanche, alors que l’église s’est vidée, le père Potier
se sent soudainement mal. Un frisson glacial lui parcourt le dos, mais mettant
cela sur le coup du froid hivernal, il ne s’inquiète pas outre mesure. Il
rentre donc dans sa cure où un bon feu l’attend.
Les jours passent sans qu’aucun événement particulier ne vienne
troubler la vie de la paroisse. Pourtant l’état de santé de Jacques Potier se
dégrade. Il tremble de partout, il a de la fièvre et ni les saignées proposées
par Maître Lorain, le jeune chirurgien de la paroisse, ni les décoctions
préparées par la sage-femme n’arrangent les choses.
Le 21 janvier au petit matin, il y a exactement 310 ans
aujourd’hui, on appelle maître Chambellan, le curé de la paroisse voisine de
Béthisy Saint Martin, car on pense que le bon curé va passer et retrouver son
maître. La matinée se passe dans la prière, le père Chambellan ayant administré
à son ami le sacrement des malades.
La dernière image que Jacques Potier verra de ce monde sera
ce baptême fait une semaine auparavant. Quel ironie, il venait d’offrir une
nouvelle âme à Dieu et voilà qu’il doit rendre la sienne …
Avant midi, le père Potier n’est plus et on procède alors à
son inhumation.
Les pasteurs circonvoisins (entendre ici les curés) sont
venus pour assister à la mise en terre de leur ami et frère. Celui-ci aura le
privilège d’être enterré dans le chœur de cette église qu’il aimait tant.
La foule est nombreuse tant le père était apprécié. On
aperçoit même, au premier rang, les deux notables les plus importants de la
paroisse, maître Michel Carrier, procureur en la châtellenie de Béthisy Saint
Pierre et Verberie, accompagné de son épouse Damoiselle Anne Brulant, et maître
Jean Bergeron, notaire et greffier de la prévôté de Béthisy, également accompagné
de Damoiselle Elisabeth Agnès Pincemaille son épouse.
Mais il va maintenant falloir gérer la suite car il ne
serait question de laisser la cure vacante.
Alors on s’organise et dans un premier temps, c’est le
fidèle Chambellan qui s’occupe de la paroisse de Saint Pierre, en plus de celle
de Saint Martin, mais tout cela ne peut pas durer. C’est pourquoi 2 semaines
plus tard c’est un religieux de l’Ordre de la Sainte Trinité qui réalise un
baptême. Puis, le père Jean-Baptiste Brusset, religieux Franciscain prend le
relais, en attendant que l’évêché ait trouvé un remplaçant au curé décédé.
Il faudra attendre le 23 mars, soit près de 2 mois, pour qu’enfin,
le père Tesselette soit installé comme curé à Béthisy Saint Pierre.
Seulement voilà, ce nouveau et jeune curé le fait pas l’unanimité
et très vite, les incidents se multiplient. Ainsi, lors des baptêmes du mois de
juillet se feront sans les pères des enfants pour une raison pour le moins
étonnante : à chaque fois, le père a tout simplement refusé d’être présent
et de signer l’acte de baptême.
Mais le temps passe et il paraît que le temps de l’Eglise n’est
pas celui des Hommes, et les choses s’arrangent doucement.
Quelques années plus tard, le père Tesselette disparaîtra à
son tour et une grande foule viendra à ses obsèques, mais c’est une autre
histoire …
Epilogue : encore une fois, je me suis essayé à la
narration pour tenter de donner un peu de vie dans cette paroisse à la fin du
règne de Louis le Grand. Les personnages cités ainsi que les faits mentionnés
sont parfaitement réels et vérifiables sur les registres paroissiaux de Béthisy Saint Pierre (Oise), à l’année 1704
(côte EDT2/1E4, vue 73).
Si j’ai pu donner un peu de consistance aux personnages
cités, c’est en particulier grâce au dépouillement que j’effectue en ce moment
des registres de cette paroisse. Les personnages de Michel Carrier, procureur
et de Jean Bergeron, notaire sont très réels et semblent bien être les notables
de la ville à cette époque.
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Pour aller plus loin :
Passionnant votre récit ! On s'y croit vraiment ! Cela donne envie de dépouiller une commune pour avoir la vision globale de ceux qui y habitent...
RépondreSupprimerC'est vrai.
SupprimerMon but initial n'était pas cela quand j'ai entrepris le dépouillement des registres de Béthisy St Pierre, mais je commence à avoir une vraie vision globale de la vie de la paroisse avec les entrants, les sortants, les notables, les relations entre les familles.
C'est passionnant !
Excellente idée que ce récit bien vivant !
RépondreSupprimerMerci !
SupprimerCela me donne envie de continuer l'exercice en mettant en scène ces personnes bien vivantes qui sont nos ancêtres. Une manière de leur rendre hommage ...
Fort bien raconté, vivement la prochaine !
RépondreSupprimerMerci ;-)
SupprimerJ'ai déjà quelques idées ...