mardi 12 novembre 2013

1914-1918 – Mémoire de mes hommes !


Hier on fêtait l’anniversaire de l’armistice qui mettait officiellement fin à la première guerre mondiale qui avait débuté 4 années plus tôt. Pendant ces 4 années, la France a changé profondément. Négativement car toute une classe d’âge a  disparu dans les tranchées boueuses du nord du pays, mais positivement car les femmes ont pu montrer qu’elles pouvaient tout aussi bien travailler que leur frères ou maris, et positivement encore car le français s’est enfin imposé partout sur le territoire, à force d’avoir vu se mêler des citoyens venus des 6 coins de l’hexagone !

14-18 c'était ça ... Vivre 4 ans dans la boue ...


Cependant, il ne faut pas oublier ces hommes qui se sont battus, pas nécessairement par idéal, mais par devoir envers la patrie.

Mes enfants ont 8 arrières-arrières-grands-pères qui ont vécu à cette période, et en replongeant dans mes archives, j’ai pu relever quelques informations intéressantes, que je tenais à partager, suivant en cela le thème du mois proposé par Sophie Boudarel.

Qui sont-ils ?

En les « triant » par sosas croissants, nous avons :

  • Pierre Joseph Sabot, 50 ans en 1914, marié à Marie Julie Fogeron et déjà père de 8 enfants (dont 6 sont encore vivants à cette date)
  • Henri Debuire, 52 ans en 1914, marié à Alice Victorine Ménerat et déjà père de 9 enfants (dont 6 sont encore vivants à cette date)
  • Juvénal Georges Jules Jacquesson, 30 ans en 1914, marié à Jeanne Françoise Jousserandot et déjà père de 3 enfants à cette date, tous vivants
  • Pierre Ernest Vautier, 22 ans en 1914, encore célibataire, mais fiancé à Marie Eugénie Mathilde Girault
  • Pierre Fargeas, 49 ans en 1914, marié à Elisabeth Autier et déjà père de 5 enfants, tous vivants
  • « Inconnu » Marsal, dont je ne sais pour le moment pas grand-chose, si ce n’est qu’il est sans doute déjà marié à cette date à Emilie Dulsou et qu’il a au moins un enfant
  • Pierre Louis Chaume, 33 ans en 1914, marié à Noëlie Chancel et père de 2 enfants, tous vivants
  • François Dalbert Chauvit, 28 ans en 1914, marié à Marie Hélénie Lascaud et père d’un enfant, vivant au début de la guerre

Juvénal Georges Jules Jacquesson qui a pu échapper à la guerre du fait de son âge



On note déjà une grande disparité puisque le plus jeune des trisaïeux n’a que 22 en 1914 alors que le plus âgé en a 52 et a déjà une famille largement constituée.

Par ailleurs, à part Pierre Ernest Vautier, ils sont tous mariés avec des enfants. Ce point est très important quand on pense à ce que peut être le déchirement de voir le père partir pour la guerre. Les seules références pour ces personnes étaient les guerres napoléoniennes et la défaite de Sedan en 1870. En d’autres termes : un carnage où les moins gradés étaient de la chair à canon. En un mot, des adieux qui durent être déchirants …

Les survivants

Sur les 8 trisaïeux de la guerre, 7 survivront à la boucherie, le seul mourant pour la patrie étant François Dalbert Chauvit qui mourra le 29 octobre 1915 des suites de ses blessures à Moreuil, dans un hôpital de campagne (voir l’article à ce sujet). Il avait quand même passé plus d’une année à se battre et apprendra sur le front la mort de son père et celle de son fils aîné, et, accessoirement, la naissance de sa fille qui, si on calcule rapidement, aura été conçue avant que la guerre n’éclate …

Mais il y a survivant et survivant.

En effet, si sur les 7 survivants, 6 le sont car ils n’ont tout simplement pas combattu, Pierre Ernest Vautier a le triste privilège d’avoir passé 4 années à se battre, à avoir été gazé et à revenir de temps à autres en arrière, temps qu’il a consacrés à se marier et à faire deux enfants, le troisième étant né en 1920.
Sur les photos que j’ai de lui, on voit que ces 4 années l’ont marquées et, je relisais il y a peu un texte qu’il avait rédigé en 1921 à l’occasion de la distribution des prix du collège dont il était le professeur de lettres et de grammaire. Il s’agit d’une « fête », et pourtant, ce discours dactylographié est d’une dureté terrible.

Pierre Ernest Vautier, un visage marqué par la guerre


En voici quelques extraits :

« (…) C’est donc avec confiance que je dirai à vos fils ce que tous nous pensions hier dans le fond de nos tranchées ou dans la pénombre de nos sapes (…) ».

« (…) Souvenons-nous donc de l’ennemi d’hier. Pensons à la conduite de l’armée allemande en campagne, et surtout aux ordres émanant de ses Etats-Majors. Là nous trouvons de quoi nous édifier pendant de trop longues années sur les résultats de la haine scientifiquement organisée. (…) »

« (…) Peut-être, dans quelques années lorsque vous incombera la responsabilité des destinées de la Nation, l’Allemand reviendra-t-il, refait, réorganisé, avec une puissance toute nouvelle, d’autant plus à craindre que sa haine aura été plus secrète et sa défaite plus grande. (…) »


Et il y a plusieurs pages sur ce ton. Première remarque, j’imagine que pendant ce discours, il ne devait pas y avoir un bruit. Seconde remarque, je suis surpris par la prescience de mon arrière-grand-père ! En tout cas, on peut dire que même survivant physiquement, le traumatisme psychologique durera et ne laissera personne indemne. Troisième remarque, ce discours devait être très parlant puisque certains enfants présents devaient avoir perdu leur père pendant la guerre …

La souffrance des familles

Un autre cas est celui des familles qui ont payées un lourd tribut à la guerre. C’est ainsi le cas de Henri Debuire qui, trop vieux pour combattre, perdra quand même deux fils à la guerre.

Léon Edgar Debuire, né le 22 mai 1892 à Vez dans l’Oise, qui étant de la classe 1912 servira la France comme soldat 2ème Classe dans le 9ème Régiment de Dragons. Il sera tué à l’ennemi le 29 septembre 1915 à Souan dans la Marne. Il avait 23 ans.

Maurice Albert Debuire son frère, né le 17 août 1897 à Vez, qui sera de la classe 1917. Il aura donc parfaitement connaissance de l’horreur du front par les récits de son frère et vivra sa mort. Malgré tout, il servira la France comme soldat de 2ème Classe dans le 248ème Régiment d’Infanterie et sera tué à l’ennemi à Montdidier dans la Somme le lendemain de ses 21 ans, le 18 août 1918 …

Ainsi, Henri Debuire ne se sera pas battu, mais étant dans l’Oise il sera aux premières loges et surtout il perdra deux fils dans cette guerre. Pour la petite histoire, son épouse, la mère de ses enfants est l’arrière-petite-fille de Joseph Menrad, soldat allemand fait prisonnier par l’Armée de la République en 1797 … Ainsi, Léon Edgar et Maurice Albert se sont-ils battus contre leurs cousins …  

Je remercie d’ailleurs le site Mémoire des Hommes qui m’a non seulement inspiré le titre de ce billet, mais qui a fourni un travail remarquable sur la mémoire de ces hommes qui ont servi leur pays.

Les morts

Ce billet ne serait pas complet si je ne citais François Dalbert Chauvit, mort pour la France le 29 octobre 1915 à Moreuil dans la Somme, mort des suites de ses blessures reçues lors du bombardement de sa tranchée.

François Dalbert Chauvit, mort pour la France en 1915


Je ne vais pas revenir sur les détails que les lecteurs le souhaitant pourront trouver dans l’article que je lui avais consacré, mais je résumerais le drame de cette guerre en quelques lignes.

François Dalbert est né le 8 février 1886 à Saint-Amand-Montmoreau en Charente. Il est donc de la classe 1906. Il est donc incorporé au début de la guerre et parcourra tout le nord de la France avec son Régiment avant de tomber à Moreuil, dans la Somme.

Il décède donc à 29 ans, laissant derrière lui une petite fille de 9 mois et une veuve de 23 ans. Son fils aîné mourra brûlé dans un accident domestique et son père apprendra sa mort alors qu’il était lui-même en train de mourir sur son lit d’hôpital.

Hommage de la Nation à FD Chauvit


Ce destin tragique résume à lui seul les drames qu’ont connus nos ancêtres pendant cette guerre terrible et je suis heureux qu’il existe encore des voix pour leur rendre hommage. Je finirai ce billet en citant une fois de plus mon arrière-grand-père dans son discours de 1921 :

« Pénétrez-vous donc, mes chers Amis, de ces pénibles souvenirs. Que pour vous ce passé soit toujours un présent. Et lorsque vous aurez concentré toute votre attention sur ce thème funèbre, vous comprendrez que tout n’est pas fini. La première partie du drame seule est terminée. La seconde sera ce que vous la ferez : ou bien vous vous monterez dignes de vos aînés, et votre gloire continuera la leur ; ou bien vous oublierez et tout sera à recommencer. »



Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le partager !



Pour aller plus loin : 


           

2 commentaires:

  1. Visionnaire et très lucide votre AGP. Ça fait presque froid dans le dos. Mais si au moins un de ses auditeurs a compris et appliqué son message, il aura contribué au bien de l'humanité

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  2. C'est vraiment bien de parler de cette guerre mais surtout des conséquences sur nos familles. On ne pourrait s'imaginer leur souffrance sans en parler.
    Belle description de tes arrière grands-pères. Toujours aussi bien raconté. Bon we :-)

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