mardi 19 novembre 2013

18 août 1915 – « Pertes élevées … »


Le 18 août 1915, mon grand-oncle Maurice Albert Debuire décédait dans la région de Montdidier dans la Somme.
Il est très difficile de connaître les circonstances exactes de sa mort, même si la notice rendant compte du jugement lui « offrant » à titre posthume le statut de « Mort pour la France » donne un premier indice : il est mort tué à l’ennemi. Cela ne veut pas dire grand-chose, mais c’est une première piste.

Je me souviens par ailleurs de mes cours d’histoire où nous expliquait qu’après la célèbre bataille de la Marne où l’avancée des troupes allemandes fut stoppée nette, la guerre s’est muée en une guerre de tranchées. Je me souviens également qu’on nous apprenait que des ordres étaient donnés par l’Etat-major de lancer des attaques depuis sa tranchée pour prendre la tranchée ennemie, que ces attaques donnaient lieu à de véritables boucheries et qu’une fois la tranchée ennemie prise, il y avait généralement un repli …

Ca c’est ce qu’on apprend  à l’école, mais quid de la réalité de tous les jours pour ces jeunes soldats ?

Intoxiqués ! Source Histoire en Questions


C’est là qu’interviennent les journaux de guerre écrits par les officiers, dans lesquels sont relatés, jour après jour, avec plus ou moins de détails, les mouvements de leur bataillons ou de leur compagnie. Certains officiers, dont on sent une véritable proximité avec leurs hommes, consignaient également, chaque jour, les pertes dans leurs rangs, en indiquant les noms, les grades et le destin de ces hommes. Cela permet de quitter la statistique et les millions pour en arriver au concret et aux hommes.

Le site Mémoire des Hommes a mis en ligne tous ces journaux, et pour peu qu’on connaisse le régiment ou l’affectation de la personne dont on cherche des informations, on peut trouver beaucoup de choses intéressantes.

Voici donc la relation de ce qui s’est passé un certain 18 août 1915 à Montdidier, dans la 21ème Compagnie du 248ème Régiment d’Infanterie où était affecté Maurice Albert Debuire comme soldat de 2ème Classe.
   
« Le 18, la 21ème Compagnie de droite du Bataillon Ballay se trouve en liaison avec le 401ème. Ce Régiment a comme mission de flanc-garder une attaque de Chasseurs de la Division sur Beuvraignes.

Au petit jour, la 21ème Compagnie attaque de concert avec la 2ème Compagnie du 401ème, attaque très dure, comme la veille, pertes élevées.

Deux sections de la 21ème Compagnie parviennent néanmoins à la tranchée ennemie et s’y maintiennent toute la journée en liaison avec le 401. Le reste du Bataillon disposé en échelon refusé, assure la liaison avec le Régiment de gauche.

De l’ancienne première ligne française nos troupes appuient de tout leur pouvoir l’effort de nos camarades de droite.

Nos corvées leur portent des grenades, nos sections de mitrailleuses largement alimentées par leur échelon fournissent des munitions aux mitrailleuses du 401ème et exécutent toute la journée des feux efficaces de neutralisation.

En fin de journée une contre-attaque sur la gauche du 401ème est ainsi brisée net par les feux de nos sections de mitrailleuses.

Les deux sections de la 21ème Compagnie qui combattent depuis le matin pour appuyer l’action du 401 font une trentaine de prisonniers et prennent 12 mitrailleuses.
Leur évacuation se fait par le 401ème (témoignage du Capitaine Nonancourt, Commandant le Bataillon du 401ème).

L’ordre donné par le Lieutenant Colonel commandant le 248ème dès qu’il est arrivé de ce mouvement de repli, de renforcer par une Compagnie les sections amoindries de la 21ème Compagnie ne parvient qu’après l’abandon par le 401 de la première ligne allemande.

Les boches qui ont constaté très rapidement ce mouvement de repli pressent de plus en plus les éléments du 248 qui restent seuls et, menacés d’encerclement, sont contraints d’abandonner la première ligne allemande.

Une tentative faite par une Compagnie du Bataillon Bouzou vers deux heures du matin pour reprendre pied dans la première ligne allemande est arrêtée net par un violent tir de mitrailleuses. »
La relation de la journée se termine par un tableau donnant la liste nominative des pertes françaises. On note :
-          8 tués
-          21 blessés
-          2 intoxiqués
Parmi les tués, Maurice Albert Debuire.

Le journal illustre parfaitement deux aspects de la guerre.

Tout d’abord, ces mouvements de va-et-vient permanent entre lignes françaises et allemandes. Quand on regarde le bilan en fin de journée, on constate quoi ? Que les positions étaient revenues à celles de la veille. Dans l’écart, il y aura eu 8 morts et sans doute davantage car il faudrait suivre les destins des 21 blessés … Il serait d’ailleurs intéressant (note à moi-même …) de regarder d’où proviennent les 8 tués de la journée, car les régiments étaient généralement constitués de personnes provenant d’une même région. Peut-être se connaissaient-ils avant la guerre ?

Ensuite, et mon arrière-grand-père maternel en a été victime, les intoxications au gaz moutarde. L’armée allemande avait innovée dans cette guerre en utilisant pour la première fois des armes que nous qualifierions aujourd’hui de chimiques. L’envoi par ces troupes de gaz permettait d’éliminer un grand nombre d’hommes sans avoir à les affronter directement.

Quant à la façon dont Maurice Albert Debuire est mort, il y a, au vu de cette relation, deux hypothèses :
  • soit il est mort en chargeant la ligne allemande au petit jour
  • soit il est mort pendant le repli en fin de journée.
Dans tous les cas, il semble qu’il soit bien mort dans l’action. Il n’a sans doute pas réalisé qu’il venait d’être touché. C’est tout ce qu’on peut espérer. Toujours est-il qu’il est mort le lendemain de ses 21 ans, à l’âge où on est supposé fleureter dans les bals après les moissons …

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Pour aller plus loin :

           

1 commentaire:

  1. J'ai observé la même chose en m'intéressant aux morts pour la France de mon village : on prend les tranchées ennemies pour quelques heures seulement avant de se retrancher, au prix de nombreuses morts. Pour l'un des hommes, des morts uniquement parce que les soldats ne connaissaient pas le secteur où ils devaient aller : problème d'organisation donc.

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