Quand on a la chance d'avoir des ancêtres qui ont vécu dans la même paroisse pendant plusieurs générations, c'est déjà une très bonne nouvelle. Quand en plus un érudit du XIXème siècle a eu l'idée de faire une étude complète sur la paroisse en question, c'est le bonheur. Et quand, en plus, les registres paroissiaux sont tenus presque sans interruption entre 1583 et nos jours, on frôle l'extase.
Cependant, tout n'étant jamais parfait, il se peut qu'il existe certains lacunes dans les registres. Et, fait du hasard, de la malchance ou de loi de Murphy, c'est précisément dans ces zones lacunaires que doit se trouver l'acte qu'on recherche.
Si la famille est là depuis plusieurs générations et qu'elle est bien établie au point d'occuper les postes importants de la paroisse (fermier, procureur, marguillier, etc.) il est peu probable que la personne dont on cherche l'acte soit née, se soit mariée ou ait été enterrée ailleurs. Il faut donc se faire une raison, on ne disposera jamais de son acte. S'il s'agit d'un acte de naissance, on ne connaîtra jamais avec certitude le nom de ses parents, s'il s'agit de son acte de mariage, même chose, etc.
Pourtant, il existe une technique simple, celle de l'encerclement.
Elle consiste "tout simplement" à encercler l'ancêtre par ses enfants, sa fratrie et ses parents. Une fois entourée par ces trois générations, on pourra se faire une idée assez bonne de la personne concernée, même si on ne dispose pas de tous les actes.
Cas pratique
En partant de mon arrière-grand-mère maternelle, Marie Eugénie Mathilde Girault, née le 29 août 1894 à Chailland dans la Mayenne du mariage de Eugène François Girault et Euphrasie Zoé Alexandrine Trochon, je suis remonté sans aucune difficulté à François Levêque, né le 2 octobre 1663 à Changé-lès-Laval du mariage de Michel Levêque, marchand tissier et de Françoise Beuscher.Ledit François Levêque est cité dans l'ouvrage de Louis-Marie-François Guiller "Recherches sur Changé-lès-Laval" paru en 1882, ce qui donne quelques informations utiles sur sa vie. Issu d'une famille aisée de marchands tissiers, il sera élu procureur de la fabrique et gèrera donc les comptes de la paroisse pendant plusieurs années.
Si, concernant François Levêque on dispose de toutes les informations de base (naissance le 2 octobre 1663, mariage avec Françoise Cordier le 18 février 1692 et décès le 18 février 1711), on a moins d'informations concernant ses parents et surtout sa mère, Françoise Beuscher.
Là aussi on tombe sur une famille ancienne de Changé-lès-Laval puisqu'un François Beuscher y était prêtre de 1630 à 1668. Seulement, sur Françoise Beuscher on ne trouve pas grand chose car son acte de mariage se trouve précisément (en théorie) dans la période lacunaire allant de 1614 à 1675.
Alors comment faire ? L'encercler !
Comme je dispose des registres de naissance dans leur intégralité et qu'une bonne âme a eu l'excellente idée de réaliser des tables annuelles des baptêmes, mariages et sépultures, je commence par chercher tous les enfants du couple Michel Lévêque - Françoise Beuscher.François Levêque leur fils étant né en 1663, je commence par chercher autour de cette date en me fixant un premier périmètre de recherche de 1650 à 1663.
Je trouve :
- Françoise, née le 10 mars 1658
- Michel, né le 22 décembre 1659
- Jean, né le 30 septembre 1661
- François, né le 2 octobre 1663
Quand je regarde les parrains et marraines des enfants, je trouve aussi des choses intéressantes :
- Françoise a pour parrain Maître François Beuscher, prêtre et pour marraine Perrine Juppin
- Michel a pour parrain Honorable Homme Thomas ... et pour marraine Guyonne Beuscher
- Jean a pour parrain Jacques Beuscher et pour marraine Jeanne Brillet
- François a pour parrain François Levêque et pour marraine Catherine Beuscher
Chaque enfant a un parrain ou une marraine issue de la famille Beuscher, qui tous semblent par ailleurs être de la paroisse car le curé n'a pas indiqué qu'ils venaient d'ailleurs.
On peut donc imaginer que Françoise Beuscher s'est mariée avant 1658, mais pas tellement avant.
Si je prends maintenant l'hypothèse qu'elle avait au moins 15 ans le jour de son mariage, cela la fait naître avant 1643.
Etape 2 : la fratrie
Je passe donc à la seconde étape de l'encerclement et je recherche, dans la paroisse, la liste des Beuscher nés entre 1625 et 1643 (dans un premier temps), pour trouver des fratries contenant une Françoise dans leur rang.Je trouve ceci :
- Perrine, née le 2 mai 1625 de Michel Beuscher et Jeanne Boisard
- Mathieu, né le 16 février 1626 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Suzanne, née le 5 juin 1627 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Marie, née le 10 août 1629 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Françoise, née le 7 mai 1631 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Guyonne, née le 24 avril 1633 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Catherine, née le 20 juin 1635 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Jeanne, née le 23 février 1637 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Jean, né le 24 février 1638 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Roberde, née le 29 septembre 1638 de Jean Beuscher et Jeanne Roustin
- Jean, né le 29 octobre 1639 de Jean Beuscher et Jeanne Roustin
- Etienne, né le 21 mars 1640 de Michel Beuscher et Jeanne Padrin (?)
- Etiennette, née le 23 juillet 1641 de Michel Beuscher et Jeanne Padrin (?)
- Jacques, né le 29 juillet 1642 de Jean Beuscher et Catherine Boullain
- Marguerite, née le 5 avril 1643 de Michel Beuscher et Jeanne Padrin (?)
- Michel Beuscher avec Jeanne Boisard
- Jean Beuscher avec Catherine Boullain
- Jean Beuscher avec Jeanne Roustin
- Michel Beuscher avec Jeanne Padrin
Par ailleurs, cette Françoise Beuscher a des soeurs qui se prénomment Guyonne et Catherine et un frère qui se prénomme Jacques.
Or les Guyonne, Catherine et Jacques sont de bons candidats pour être les parrain et marraines des enfants que Françoise Beuscher a eus avec Michel Levêque (il semblerait assez logique qu'elle prenne dans ses frères et soeurs pour trouver des parrain et marraines pour ses enfants).
Enfin, dernier indice, la Françoise Beuscher trouvée par cette méthode est née en 1631. Ce qui lui donne un âge cohérent avec une naissance d'enfant en 1658 car elle aurait 27 ans.
Cette étape m'a donc permis d'identifier une fratrie contenant une Françoise Beuscher pouvant être MA Françoise Beuscher. D'autant que c'est la seule fille se prénommant Françoise.
Elle m'a également permis d'identifier les parents potentiels de celle-ci et donc de remonter une génération de plus.
L'encerclement est presque terminé car pour compléter le tout, il faudrait que je trouve les éventuels actes de mariage des frères et soeurs de ladite Françoise Beuscher et leurs actes de sépulture. Peut-être trouverai-je alors la preuve ultime du style "témoin, Michel Levêque, beau-frère du défunt ..."
Petite synthèse
En tout cas, je pars sur l'hypothèse que Françoise Beuscher, le sosa possible de mes enfants 6065 est née le 7 mai 1631 à Changé du mariage de François Beuscher et Catherine Boullain, qu'elle s'est mariée entre 1646 et 1658 (et probablement vers 1657) avec Michel Levêque.Mais cette méthode m'a également permis de trouver une foule de renseignements sur la famille de Françoise Beuscher, ce qui n'est pas rien.
Accessoirement, cela m'a davantage familiarisé avec la graphie du début du XVIIème siècle et, en appliquant cette méthode aux parents supposés de Françoise Beuscher, j'ai trouvé ce que je pense être l'acte de baptême de Catherine Boullain sa mère, rédigé en latin. J'avoue que c'est la première fois que ça m'arrive !
Pour terminer ce billet en apothéose, en voici la transcription (et la traduction : je n'imaginais pas avoir tant de restes ...) de cet acte daté du 20 mars 1605 :
Vigesima mensis martii annus supra baptisata fuit Catharina, Mathi Boullain et a Johanna Fournier uxor, filia renata magister Boullain vicario et a Catharina Michael Founier uxor.
J BOULLAIN
Soit :
Le vingtième du mois de mars de l’année ci-dessus (1605), fut baptisée Catherine, fille de Mathieu Boullain et de Jeanne Fournier sa femme, nommée par Maître Boullain, prêtre et par Catherine, femme de Michel Fournier.
Pour les puristes, il se trouve à la vue 112 des registres en ligne de Changé-lès-Laval de 1583-1614.
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Pour aller plus loin :
Cette technique ajoutée a celle de l escargot et plus rien ne peut vous arreter :-)
RépondreSupprimerC'est exactement ça ;-)
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