Les légendes familiales ont ceci de particulier qu’elles ont tendance à enjoliver la réalité. Il est rare en effet qu’on se vante d’avoir eu un ancêtre assassin ou d’avoir dans son arbre généalogique un malade mental.
La légende la plus courante est celle de l’ancêtre
prestigieux, souvent noble, et qui a tout perdu lors de la Révolution
Française. Les personnes sont le nom commence par le préfixe « de »
ou « du » sont souvent victimes de cette légende car pour elles, le
fait que la particule jadis indépendante soit désormais rattachée au patronyme
signifie que leur ancêtre noble, fidèle républicain, a ainsi fait allégeance à
la République en supprimant sa particule. Il existe une autre version de ce
rattachement, moins glorieuse, qui consiste à dire que par peur d’être dénoncé,
l’ancêtre a caché son appartenance au second ordre …
Avant d’aller plus loin, je pense qu’il est important de
rappeler quelques points essentiels.
Noblesse et particule
Premièrement, le fait de disposer d’une particule dans son
patronyme ne signifie pas l’appartenance à la noblesse. Selon les époques en
effet, il était de bon ton de faire suivre son patronyme de la terre dont on
été propriétaire, sans pour autant que cela donne droit aux privilèges de la
noblesse.
Le travail effectué par Louis XIV à la fin des années 1660 a
d’ailleurs permis de remettre dans le droit chemin quelques usurpateurs qui
profitaient de la confusion pour ne pas payer d’impôts …
J’en veux pour preuve deux exemples. Un de mes ancêtres,
authentique aristocrate de Bretagne se nommait Le Porc. Pas très glamour pour
un nom noble, et pourtant, ce nom est rattaché à de grandes maisons de Bretagne
et il y a fort à parier que personne à l’époque ne se serait permis de plaisanter
sur ce patronyme …
A l’inverse, du côté de mon épouse, on trouve des Bouzinac
de la Bastide qui étaient ce qu’on nommerait aujourd’hui des hauts
fonctionnaires aux Affaires Etrangères mais qui n’étaient pourtant que d’authentiques
bourgeois, assujettis à la taille …
En réalité, seule l’existence de lettres patentes permet d’établir
la noblesse d’un individu …
Ensuite, qu’un individu décide de rattacher sa particule à
son nom ou de la supprimer par idéal républicain a pu se produire, mais dans la
majorité des cas, ce qui comptait était surtout le fait de renoncer aux
privilèges de la noblesse : assujettissement à l’impôt, suppression des
droits sur les terres ou sur les personnes y travaillant, etc..
Qu’on ne s’y trompe pas, la majorité des aristocrates de France
à l’époque de la Révolution vivaient à la campagne et travaillaient de concert
avec leurs fermiers ou leurs métayers. Encore une fois, nous devons être
vigilants à cette vision Parisienne de la Révolution Française …
C’est ainsi que les chefs Chouans de la révolte Vendéenne
ont été nommés par les gens du peuple et presque forcés à agir car ces derniers
avaient besoin de chefs et de personnes sachant commander …
Enfin, un aristocrate qui tenterait de dissimuler son statut
de noble en faisant disparaître sa particule n’a pas grand sens car soit il
continuait à vivre sur ses terres et était donc connu, soit il changeait de vie
et il pouvait alors s’inventer le nom qu’il voulait, personne n’étant en mesure
de vérifier son état-civil réel …
Comment valider (ou non) une légende ?
Le plus simple est d’aller droit au but.
Votre ancêtre est venu dans les bagages de Marie de Médicis
lors de son arrivée à la cour avec Henri IV ? Votre ancêtre a servi l’Empereur
à Austerlitz ? Votre ancêtre a combattu les Anglais avec Lafayette ?
Il faut chercher à la source. Si votre ancêtre est « prestigieux »
au sens où il a eu un rôle dans l’histoire, il existe nécessairement des
sources parlant de lui. Que ce soient des monographies ou des études réalisées
par des érudits locaux, voire des descendants, il existe des documents où vous
pourrez retrouver des informations le concernant.
Mais ceci étant dit, rien ne prouve pour le moment qu’il
soit rattaché à vous … En effet, ce n’est pas parce que vous avez un patronyme
identique (ou presque) que vous descendez de cette personne !
En ce qui me concerne, j’ai parmi mes ancêtres des nommés « Poisson »,
or je n’ai rien à voir Jeanne-Antoinette Poisson plus connue sous le nom de
Madame de Pompadour …
Trouver le lien
Plus l’ancêtre supposé a vécu il y a longtemps, plus il va
être compliqué d’établir un lien certain. En effet, dans la mesure où avant
1668, la plupart des registres d’état-civil commencent à devenir lacunaires, si
la personne étudiée a vécu à la fin du XVIème siècle, cela ne va pas être
simple, sauf à disposer de documents autres (généalogies établies à l’époque,
actes notariés, etc.).
A l’inverse, si l’ancêtre supposé est « récent »,
c’est-à-dire qu’il a vécu après la période révolutionnaire, les sources sont
plus nombreuses, mais il est sans doute curieux que personne dans votre famille
n’ait de traces tangibles de ce qui vous relierait à lui.
Je m’explique : Si la personne dont vous pensez
descendre était un officier supérieur pendant l’Empire, cela signifie qu’il est
né vers les années 1770. Ses petits-enfants sont donc nés dans les années 1820
et ont donc vécu en gros jusqu’aux années 1880. En d’autres termes, vos
grands-parents ont dû en entendre parler …
Le plus simple est de pratiquer une généalogie dite
ascendante en remontant génération après génération et en partant de vous, mais
en ciblant le personnage. Cela signifie que si la légende familiale indique que
cet ancêtre était du côté de votre grand-mère maternelle, inutile de chercher
du côté de votre père …
Etablir les preuves
Très rapidement, des indices devraient vous montrer si oui
ou non vous êtes sur la bonne voie. A l’époque, les gens célèbres ou ayant une
certaine aura, étaient connus de leurs contemporains qui ne manquaient pas de
le signaler.
Par ailleurs, en cas d’appartenance à la noblesse, les
titres sont systématiquement indiqués dans les documents écrits sous l’Ancien
Régime. Que votre ancêtre soit titré « écuyer », « haut et
puissant seigneur », « chevalier » ou « demoiselle » ou
encore « dame » ne suffit pas mais garantit à 99% qu’il s’agit d’une
personne appartenant à l’ordre de la Noblesse.
Il vous faudra ensuite prendre votre courage à deux mains
car souvent, ces personnages bougeaient souvent et vivaient dans des grandes
villes, ce qui les rend difficiles à suivre !
Si en revanche, vous faites chou blanc et qu’arrivé à l’époque
de vie supposée de l’ancêtre recherché, vous n’avez rien d’autres que des
homonymes, cela signifiera que la légende en était bien une … A moins que votre
ancêtre (le vrai) ne soit qu’un cousin éloigné de celui que vous cherchiez,
auquel cas, il vous faudra remonter les générations jusqu’à trouver l’ancêtre
commun qui vous unira à lui !
La recherche d’un ancêtre prestigieux pour confirmer une
légende aboutit souvent à une impasse et on se trouve alors face à une réalité
moins glorieuse. Pourtant la généalogie peut s’avérer facétieuse et vous faire
découvrir des personnages étonnants (et importants) dont vous ignoriez l’existence !
Ce sera alors à vous de présenter à vos contemporains ce qui ne sera pas une
légende mais bien des faits prouvés !
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Les légendes familiales sont quand même bâties sur quelques éléments de vérité : la difficulté étant alors de distinguer la part de vrai au milieu de tous les éléments de la légende. Dans ma famille maternelle, on parlait d'un oncle d'Amérique. J'ai toujours classé cette information dans la catégorie légende jusqu'à ce que je trouve un livre avec un nom de famille appartenant aussi à mes ancêtres et un lieu, berceau d'une branche familiale. Ce "cousin d'Amérique", médecin et révolutionnaire y avait émigré contraint et forcé. Du côté de mon épouse, on parlait d'un ancêtre noir. Or, une ancêtre, "mère célibataire" comme on dit maintenant était lingère à Paris entre les deux dates de la libération de l'esclavage dans un établissement qui recevait des enfants et des adolescents ramenés pour les éduquer ou pour servir de "larbins" depuis la Guadeloupe et la Martinique. Trop de coïncidences pour qu'il n'y ait pas un fond de vérité mais je ne sais pas encore lequel. Alors, la légende familiale enjolive et fait disparaître la vérité. Il faut donc être un peu archéologue quand on est généalogiste pour tenter de retrouver des bribes de la vérité.
RépondreSupprimerC'est vrai que travailler sur les légendes familiales s'apparente souvent à de l'archéologie car on ne dispose que de quelques éléments qui ont été altérés par le temps.
SupprimerCe qui est étonnant parfois c'est le phénomène inverse, à savoir que des ancêtres ont eu un parcours très particulier mais que leur histoire a complètement disparu des mémoires !