Le thème de ce mois-ci porte sur ces métiers que nos
ancêtres ont pu exercer mais qui, le temps passant ont fini par disparaître
complètement allant même jusqu’à s’effacer de notre vocabulaire.
Certains métiers en revanche continuent d’exister mais sous
un autre nom ou sous une autre forme. C’est le cas du métier de clerc, ou plus
précisément de la fonction de clerc, qui a été exercée par un de mes ancêtres à
la fin du règne de Louis XIV.
Spontanément, quand on prononce aujourd’hui le nom de « clerc »
on pense à une fonction comme celle de clerc de notaire. On peut penser
également à « clergé » qui a la même racine. Or, en l’espèce, au XVIIème ou au XVIIIème
siècle, la fonction de clerc recouvrait beaucoup plus de choses que cela.
En effet, le clerc était en quelque sorte le bras droit du
curé de la paroisse et s’occupait de toutes les tâches pratiques. Un peu comme
si le clerc gérait les aspects matériels et le curé les aspects spirituels de
la paroisse.
Ainsi, il était présent aux offices et le fait que sa
signature figure très souvent au bas des actes de baptême, de mariage ou de
sépulture, montre que non seulement c’était un lettré, mais également qu’il
secondait bel et bien le curé.
D’après Jacques Bernet, dans son ouvrage « Journal d’un
maître d’école d’Ile de France 1771-1792», il semble que le clerc sonnait les
cloches, remontait l’horloge de l’église, participait au nettoyage voire à la
décoration de celle-ci et gérait les enfants de chœur avec le bedeau.
Un autre aspect non négligeable, et qui était lié à sa
qualité de lettré est qu’il pouvait réaliser plusieurs travaux d’écriture comme
la façon de registres pour les commerçants, la dresse annuelle des compte des
marguilliers, etc..
Si on parle argent, il tirait ses revenus de différentes
sources :
- il était rémunéré sur la dîme qu’il prélevait au nom du curé de la paroisse
- il était rémunéré pour la rédaction des différents documents décrits ci-dessus
- il était également maître d’école pour les enfants de la paroisse et était rémunéré par les parents ou par la paroisse selon le niveau de vie des parents.
Ce dernier aspect est fondamental car cela montre qu’il avait
un rôle social très important au sein de la paroisse et était incontournable.
Même si les revenus qu’il tirait de sa fonction n’étaient pas forcément
importants, il était le point central de la vie de la paroisse.
Ainsi le déclarait en effet le Roi Louis XIV le 13 décembre 1698, deux mois après la Révocation de l'Edit de Nantes :
En effet, vers la fin du XVIIème siècle, la majorité des
écoles de garçons étaient tenues par les vicaires ou les curés et au début du
XVIIIème siècle, la baisse du nombre des ecclésiastiques a obligé les paroisses
à se doter de clercs pour pourvoir à l’enseignement des enfants.
Ils étaient nommés par la communauté d’habitants et étaient
liés par un contrat civil indiquant la durée d’engagement et la période
scolaire.
Ainsi le déclarait en effet le Roi Louis XIV le 13 décembre 1698, deux mois après la Révocation de l'Edit de Nantes :
«Voulons, que l’on établisse autant qu’il sera possible des maîtres et des maîtresses dans toutes les paroisses où il n’y en a point, pour instruire tous les enfants du catéchisme et des prières qui sont nécessaires et nommément ceux dont les pères et mères ont fait profession de la religion prétendue réformée... comme aussi pour apprendre à lire et même à écrire à ceux qui pourraient en avoir besoin ; et que dans tous les lieux où il n’y aura point d’autres fonds, il puisse être imposé sur tous les habitants la somme qui manquera pour leur subsistance jusqu’à celle de 150 livres par an pour les maîtres, et 100 livres pour les maîtresses...Enjoignons à tous les pères et mères, tuteurs et autres personnes qui sont chargées de l’éducation des enfants, de les envoyer aux dites écoles et au catéchisme jusqu’à l’âge de quartorze ans et nommément les fils des anciens protestants...»
Dans mon cas particulier, mon ancêtre clerc se nommait
Sébastien LOYAUTE et a vécu de 1653 à 1728 à Béthisy Saint Pierre dans l’Oise.
Il a épousé Antoinette LAFAGUE entre 1673 et 1685 et de cette union sont nés 4
enfants dont 2 garçons et 2 filles qui toutes et tous savaient écrire avec une
belle écriture.
Etant en train de relever les actes de baptême, mariage et
sépulture de la paroisse de Béthisy Saint Pierre entre 1617 et 1792, j’ai pu
retrouver plusieurs clercs. Mes recherches étant en cours, il y a des trous
dans la « timeline » de la fonction de clerc, mais elle donne un
aperçu assez intéressant :
- de 1639 à 1640 : Martin DELACROIX
- de 1669 à 1677 : François LABOURE
- de 1678 à 1689 : René LEFEBURE
- de 1695 à 1710 : Sébastien LOYAUTE
- de 1711 à 1717 : Nicolas Sébastien LOYAUTE (fils du précédent)
- de 1719 à 1720 : Antoine LANDOT
- de 1721 à 1736 : Louis LEROY
- de 1737 à 1746 : Jacques SIMON (le dépouillement s’arrêtant pour le moment à 1747, je n’ai pas trouvé de clercs ultérieurement)
Ainsi, la mise en œuvre d’une généalogie des métiers au sein d’une
paroisse permet-elle de montrer que, à l’instar des personnes physiques,
certaines fonctions ont pu évoluer dans le temps pour donner de nos jours une
descendance importante !
Le fait de découvrir qu’un de mes ancêtres avait exercé
cette fonction m’a montré qu’une fois de plus, l’idée reçue que nos
ancêtres qui vivaient dans des petites paroisses étaient des brutes épaisses et
sans aucune culture, étaient en réalité bien plus raffinés et qu’il existait
une vraie société rurale avec ses intellectuels, ses marchands, ses
travailleurs et ses artisans.
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Pour aller plus loin :
Vous évoquez la baisse du nombre des ecclésiastiques au début du XVIIIe siècle. Quelles en étaient les causes ? J'aimerais en apprendre davantage sur la question.
RépondreSupprimerBonne idée que celle d'une généalogie des métiers. Merci pour ces informations.
Il me semble que cette baisse (toute relative avec ce que nous pouvons voir aujourd'hui) est liée à la "reprise en main" du royaume par Louis XIV. A la fin du règne de Louis XIII on avait vu apparaître plusieurs mouvements dissidents (jansénistes, etc.). Je pense donc que suite à la reprise en main de Louis XIV il y a eu moins de vocations et/ou quelques abandons de poste ... C'est en tout cas mon analyse, mais pas une certitude, n'étant pas historien des religions ;-)
SupprimerBonjour
RépondreSupprimerTrès intéressant billet me donnant des précisions complémentaires pour ce métier,
car j'ai une tendresse particulière pour un de "mes" ancêtres qui était clerc laïc dans l'Aisne dans la 1ère moitié du 18 siècle;
dans ce même département j'ai noté vers 1720 une maîtresse d'école qui était témoin ou marraine !
je ne savais pas qu'il y avait des instructions supplémentaires pour les enfants des anciens protestants ........ les conseillers du souverain avaient-ils des doutes sur la qualité des conversions .......