mardi 26 août 2014

Pourquoi 1668 est une date importante ?


Si 1792 est une date importante en généalogie car c’est là que démarrent les tables décennales et que les registres d’état-civil sont complètement entrés en vigueur, il existe une autre date moins connue qui est 1668.

Vous avez sans doute remarqué que cette date signe souvent les plus anciens registres paroissiaux disponibles, ce qui est somme toute assez frustrant dans la mesure où, une fois lancé sur une piste prometteuse, on se retrouve bloqué à cette date fatidique.

C’est une date d’autant plus étonnante que tout généalogiste qui se respecte sait qu’en 1539, l’Edit de Villers-Cotterêts ordonne la tenue des registres de baptêmes dans tout le royaume. Alors pourquoi n’avoir que si peu de documents de cette époque ?

Ordonnance de Louis XIV de 1667


Selon moi, il y a en fait 3 raisons.

Premièrement, les actes datant de 1539 ou des années qui suivent sont rares car il s’est passé  du temps entre leur rédaction et maintenant, et de nombreux événements peuvent avoir été à l’origine de leur disparition : négligence, incendie, inondation, rats, guerres, etc..

Ensuite, les registres étaient censés être rédigés sur papier. Cette matière aujourd’hui  banale était très chère à l’époque et les paroisses n’avaient ni les moyens, ni l’envie de dépenser de l’argent pour acheter de tels registres.

Enfin, le niveau d’éducation des  curés anciens n’était pas forcément très élevé et sans aller jusqu’à dire que certains d’entre eux étaient illettrés, ceux-ci n’avaient pas la culture nécessaire à la rédaction et à la tenue des registres en question.

Même si l’ordonnance Blois de 1579 et la mise en place du Rituel Romain par le Pape Paul V en 1614 ont permis de faire progresser les choses, il faut attendre 1668 pour que les choses bougent vraiment. Mais pourquoi 1668 ?

Tout simplement parce que c’est la période à laquelle le Roi Louis XIV commence  son règne personnel et qu’il met en place le « Code Louis », précurseur du Code Civil, en 1667. Ce code précise que désormais les baptêmes, mariages et sépultures doivent être tenus en 2 exemplaires, un restant à la cure (la minute) et l’autre partant au greffe du Tribunal Royal (la grosse).
Louis XIV ayant réorganisé le royaume il avait les moyens de sa politique et il est clair que désormais les curés ne pouvaient plus être aussi négligents qu’autrefois. Par ailleurs, le niveau moyen des curés progresse et désormais, ce sont des personnes éduquées qui tiennent les cures.


On doit donc à la volonté de Louis XIV et à son ordonnance de 1667, qui entrera en application entre 1668 et 1669, de disposer de registres complets depuis cette période. Cette date a donc une explication mais, comme je le disais en introduction, on peut regretter que tout cela n’ait pas commencé plus tôt, ce qui nous aurait permis de remonter plus loin dans le temps dans un grand nombre de cas.


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mardi 19 août 2014

Combien d’indices pour une preuve ?


Celles et ceux qui regardent les séries policières savent que lorsqu’on veut comparer les empreintes digitales trouvées sur le lieu d’un crime avec celles qui sont stockées dans la base de données il est nécessaires de disposer d’un certain nombre de points caractéristiques communs. Autrement dit, s’il se trouve un certain nombre de points caractéristiques communs, les deux empreintes seront réputées identiques, sinon elles seront considérées comme différentes.

La généalogie s’apparentant parfois à une enquête, il m’a semblé intéressant de poser le problème de la preuve et du nombre d’indices qui sont nécessaires pour affirmer que telle personne trouvée est bien celle qu’on recherche.



Ces indices peuvent être de plusieurs natures :

  • des dates qui correspondent
  • des professions qui correspondent
  • des liens familiaux qui correspondent
  • des noms ou des prénoms qui correspondent
  • des lieux qui correspondent


Les dates

Les dates ne constituent pas à proprement parler une preuve, surtout si elles sont déduites d’autres dates. En effet, les curés d’antan n’avaient pas le même niveau de rigueur que nos actuels officiers d’état-civil car l’enjeu était complètement différent. A l’époque seul comptait le fait d’être baptisé et de mourir avec les sacrements de l’église. De nos jours ces sujets sont secondaires et la précision seule compte pour éviter les doublons avec leurs conséquences administratives.

Alors lorsqu’une personne décède le 3 juillet 1725 à l’âge de 60 ans, cela ne signifie pas qu’elle est née le 3 juillet 1665. Cela signifie seulement qu’elle est née entre 1660 et 1670 (encore que cette marge d’erreur varie selon les lieux, les époques et les curés).

Cependant, savoir qu’une personne dont on recherche les parents est née dans cette période permet de chercher les couples ayant au des enfants porteurs de ces nom et prénom ce qui restreint le champ des recherches.


Les professions

Autrefois nos ancêtres parlaient de vacation, d’occupation, de métier ou d’office. Ce n’est qu’à partir de la Révolution Française qu’est apparue cette notion de profession.

De plus, dans le passé, la plupart de nos ancêtres étaient des cumulards au sens où ils avaient un métier principal (souvent lié à l’agriculture) et un métier secondaire qui permettait d’arrondir les fins de mois ou de gagner suffisamment pour pouvoir payer les différents impôts (particulièrement lourds sous le règne de Louis XIV).

Alors avoir une personne qui est un jour « journalier » puis un autre «chanvrier » est tout à fait possible. Ce n’est pas forcément une évolution sociale, c’est seulement le reflet de l’occupation du moment.

Les choses sont un peu différentes pour les offices ou les professions artisanales ou de commerce. Ainsi un « garde des plaisirs du Roi » a des chances de le rester toute sa vie et surtout a de grandes chances de voir cet office précisé dans les actes le concernant.


Les liens familiaux

Nos ancêtres avaient tendance à chercher dans leur famille proche les parrains et marraines de leurs enfants. Cela ne signifie pas que tous les parrains sont des oncles ou les marraines des tantes, mais en tout cas il y avait un lien fort entre les parents et les compères de leurs enfants.

Une personne citée comme parrain ou marraine d’un enfant n’était donc pas un parfait inconnu et si elle apparaît à plusieurs reprises dans le parrainage d’autres enfants de la famille, cela renforce cette proximité.

Par ailleurs, certains curés consciencieux donnaient des informations sur ces personnes comme étant le fils ou la fille d’untel ou la femme d’untel. Cela peut permettre de mieux cerner le personnage et de trouver des indices sur son lien avec la famille.


Les noms et prénoms

A une époque récente (à partir de la fin du XVIème siècle), les noms et prénoms sont bien fixés et seules peuvent varier la prononciation et donc l’orthographe. C’est là que le problème se pose. Un « Carlier » est un « Carrier », un « Thieu » est un « Thiou » ou un « Thioux » et un « Fagnet » peut rapidement se transformer en « Phannier » si le curé n’est pas du coin.

Il faut donc traquer les similitudes phonétiques pour tenter d’identifier telle porteur de nom.

A l’inverse Pierre Choron peut aussi bien être le fils de Jean Choron, de Pierre Choron ou encore de Denis Choron. Ce n’est donc pas ce prénom qui va le distinguer … Et il y a les prénoms composés qui se simplifient à l’usage. Ainsi une fille baptisée Marie Jeanne se mariera sous le prénom de Marie et pourra être inhumée comme Jeanne.

Mais les personnes étaient suffisamment identifiées pour que des sobriquets accompagnent les homonymes. Ainsi un Denis pourra être dit « Denisot » ou un « Pierre » pourra être dit « de Limage ». Ce sobriquet perdurant dans le temps, cela permet de distinguer les personnes.

Et puis le prénom étant donné au moment du baptême, il avait en quelque sorte une force symbolique forte. Ce qui fait qu’un Jean ne pouvait pas être appelé Pierre, ce qui permet encore une fois de pouvoir s’appuyer raisonnablement sur les prénoms pour identifier une personne.


Les lieux

Nos ancêtres bougeaient parfois, mais pas tous. Sauf nécessité absolue (guerre, famine) la plupart de nos ancêtres étaient assez casaniers.

En revanche, les femmes pouvaient soit attirer leur mari dans leur paroisse soit quitter leur lieu de naissance pour aller vivre dans un autre endroit avec leur mari. Tout dépendait en fait des terres disponibles et des opportunités de travail.

La mise en place d’une ligne de vie permet de pouvoir suivre ces personnes surtout en considérant le fait que sauf cas exceptionnel elles conservaient un lien avec leur famille d’origine qui pouvait se traduire par des apparitions comme parrain ou marraine. Dans ce dernier cas le curé indiquant souvent la paroisse de résidence, c’est un bon moyen pour traquer l’individu recherché.


Cas pratique

Lorsqu’on regarde une personne avec ces différents angles, cela permet de disposer d’un nombre d’indices suffisamment important pour pouvoir la considérer comme appartenant à telle famille et donc pouvoir la raccrocher à une branche de son arbre.

Tout cela évidemment si on ne dispose pas des preuves absolues que sont les actes de naissance, de mariage ou de décès filiatifs …

Le cas pratique est celui d’Ambroise Desjardins, chirurgien de son état et qui a vécu dans la région de Béthisy-Saint-Pierre  dans la seconde partie du XVIIème siècle. La question est de savoir si oui ou non il est rattaché à ma famille ou s’il est complètement étranger à celle-ci.

L’information principale dont je dispose est son acte de mariage en date du 7 février 1649 avec une dénommée Marguerite Choron. Malheureusement l’acte de mariage n’est pas filiatif et ne comporte aucune mention particulière J’ai certes des Choron dans mes ancêtres mais cela est bien insuffisant pour le rattacher à mon arbre. Et quand bien même cela serait le cas quel serait le lien avec mes Choron ?

Je sais aussi qu’il est né le 21 septembre 1623 d’Ambroise Desjardins et de Marthe Thieu. Ce couple a eu 6 enfants qui ont tous eu comme parrains des notables de Béthisy-Saint-Pierre. Cela n’est certainement pas dû au hasard mais soit à une volonté de la part des parents de faire partie de cette classe sociale, soit plus prosaïquement parce qu’il était lui-même issu de cette classe de notables.

Le problème est que je ne trouve pas de trace d’une quelconque descendance d’Ambroise Desjardins et de Marguerite Choron à Béthisy-Saint-Pierre. Il s’agit soit d’un couple stérile (peu probable mais possible) soit d’un couple ayant vécu ailleurs.

Un autre indice est que dans l’acte de décès de Marguerite Choron du 20 novembre 1701 je lis que non seulement elle est décédée à l’âge de 68 ans, que son mari Ambroise Desjardins est dit chirurgien et garde-chasse des plaisirs du Roi en la forêt de Senlis et que deux de ses frères étaient présents à sa sépulture : Denis Choron, filassier et maître Pierre Choron, garde-chasse en la forêt de Senlis.

Ainsi Ambroise Desjardins est chirurgien et exerce un office, comme son beau-frère. Par ailleurs cela peut expliquer pour quelle raison il ne réside pas à Béthisy-Saint-Pierre.

Ambroise étant un nom peu courant on peut chercher du côté des parrainages. Entre 1623 et 1719 on ne trouve pas moins de 17 mentions d’un Ambroise Desjardins parrain. Dans le lot il y a le père et le fils mais pour le fils, il est à chaque fois mentionné comme étant chirurgien. Une fois même en 1641 (année du mariage d’Ambroise Desjardins avec Marguerite Choron) un Ambroise Desjardins est mentionné comme parrain et comme exerçant le métier de clerc à Feigneux. Que cela soit le père ou le fils cela donne un indice supplémentaire quant au lieu de résidence.

Une mention intéressante concerne le baptême de Jeanne Choron, fille de Denis Choron et de Catherine Louis, le 20 avril 1671. Ambroise Desjardins est le parrain de l’enfant. Or Denis Choron et Catherine Louis ne sont pas des inconnus pour moi car ce sont les sosas 4718 et 4719 de mes enfants et le père de Catherine Louis est Nicolas Louis, maître chirurgien. Ce dernier s’étant marié en 1632, il est de la même génération qu’Ambroise Desjardins et exerce la même profession, de quoi rapprocher les deux hommes.

Quant à Denis Choron, il est le fils de Jean Choron et d’Antoinette Collas, qui ont eu 7 enfants dont :

  • Pierre Choron, né le 20 septembre 1637 et chirurgien et garde des plaisirs du Roi
  • Denis Choron, né le 19 janvier 1643 et filassier
  • Marguerite Choron, née le 23 août 1634 et dont je ne connais pas la vie


Tous ces indices font raisonnablement penser qu’Ambroise Desjardins est le mari de cette  Marguerite Choron et qu’il est donc allié à ma famille par ce mariage puisqu’il est le gendre des sosas 9436 et 9437 de mes enfants. Quant à Marguerite Choron, née en 1634 elle devrait avoir 67 ans en 1701, ce qui est indice supplémentaire puisque l’acte de décès de la femme d’Ambroise Desjardins indique qu’elle avait 68 ans ...

Il ne reste plus qu’à chercher du côté des paroisses voisines, et en particulier Feigneux, pour trouver une descendance à ce couple, mais cette analyse montre que faute de preuve absolue on peut toutefois, en cumulant les différents indices trouvés dans différents domaines, résoudre quelques énigmes …



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mardi 12 août 2014

Les femmes, personnages charnières de nos familles


Dans l’histoire les femmes ont souvent joué un rôle important. Mères et épouses de Rois ou de Princes, elles ont parfois influencé la façon de régner de leur fils ou de leur mari. Mais, au-delà de ce rôle qu’aucun historien sérieux ne conteste, il existe le rôle joué par ces centaines de milliers de femmes issues de la noblesse, de la bourgeoisie ou tout simplement du simple peuple.

Outre qu’elles sont les femmes et les mères de nos ancêtres elles ont souvent joué un rôle charnière dans la transmission sinon de biens, au moins de valeurs, de culture ou de notabilité.

Jan Steel - Le contrat de mariage


Il y a un travail passionnant à réaliser dans sa généalogie qui est de lire une ascendance dans les deux sens et de regarder à chaque fois comment les femmes se positionnent à chaque moment clef de la branche, là où des nœuds de notre arbre ont fait prendre à la famille une nouvelle direction. Selon le sens dans lequel on regarde ces changements, on découvre un rôle souvent méconnu des femmes et pourtant tout à fait crucial.

Comme un long discours peut être fastidieux et un peu abscons, je l’ai illustré par deux exemples concrets pris dans mon arbre.


Premier exemple, la descendance de Denis Carrier


Denis Carrier, mort le 23 août 1607 à  Béthisy-Saint-Pierre dans l’Oise occupait la fonction de Procureur du Roi à Béthisy et Verberie. Cette châtellenie était assez importante par sa proximité avec des hauts lieux de la monarchie valoisienne : Villers-Cotterêts, Soissons ou encore Senlis. On peut donc légitimement estimer que le sieur Denis Carrier était une personne respectable et respectée de sa paroisse.

Le lien qui me relie à Denis Carrier est une suite de générations masculines entrecoupées de sauts féminins. Si je note les noms, fonctions ou vacations et périodes de vie de ces personnages jusqu’à mon arrière-grand-père paternel du côté de ma grand-mère paternelle, je découvre une certaine logique qui a fait qu’en un peu plus de 300 ans, je suis passé d’un notable important à un simple jardinier …

Denis Carrier
( ?-1607)
Procureur du Roi
Hierosme Carrier
(1577-1645)
Procureur du Roi
Bernard Carrier
(1604-1657)
Procureur
Jeanne Carrier
(1645-1710)
Epouse de Jean Patour
(1640-1708)
Marchand filassier puis huissier de justice
Jean Patour
(1677-v1745)
Chanvrier-filassier
Madeleine Patour
(1709-1788)
Epouse de Jean Barbier
(1713-1789)
Maître maçon et entrepreneur en bâtiments
François Barbier
(1749-1828)
Maître maçon
François Barbier
(1775-1851)
Maçon
Jean Antoine Barbier
(1803-ap1876)
Maçon
Agathe Clémentine Barbier
(1846-ap1911)
Epouse Alexandre Louis Victor Ménerat
(1846-1911)
Journalier-Manœuvre
Alice Victorine Ménerat
(1868-1914)
Epouse Henri Debuire
(1862-1935)
Charretier-Jardinier

En lisant cette branche depuis Denis Carrier, on découvre que la première rupture a eu lieu lorsque Jeanne Carrier a épousé Jean Patour puisque le fils de ce couple a finalement suivi le métier de son père, à savoir chanvrier, et même si son père était marchand filassier ce qui était un métier plus enrichissant, le secteur d’activité était le même.

La seconde rupture intervient lorsque Madeleine Patour épouse Jean Barbier, un maître maçon et entrepreneur en bâtiment. On passe de ce que nous appellerions aujourd’hui le secteur primaire au secteur secondaire. Secteur d’activité qui se poursuit pendant 4 générations et qui s’arrête lorsqu’Agathe Clémentine Barbier épouse un simple manœuvre nommé Alexandre Louis Victor Ménerat. Retour au secteur primaire et au plus bas de l’échelle.

De fait, mon arrière-grand-père finit sa vie comme jardinier, c’est-à-dire comme domestique au château de Vez, commune où il était né et qui se situe à quelques kilomètres de Béthisy-Saint-Pierre.


Vu dans ce sens, on a l’impression qu’à chaque fois qu’une femme de la branche a épousé un « étranger », elle a choisi quelqu’un d’un niveau inférieur, faisant régresser socialement la famille …

Mais si on lit la branche en partant d’Henri Debuire, la lecture est toute autre puisqu’on a alors une vision inverse : à chaque fois qu’un homme de la branche a épousé une femme « étrangère », il a pu entrer dans une famille d’un niveau social plus élevé.

En effet Alexandre Louis Victor Ménerat, simple journalier est entré dans une dynastie de maîtres maçons en épousant Agathe Clémentine Barbier. Jean Barbier est entré dans une famille de marchands en épousant Madeleine Patour et le summum de la progression a été atteint par Jean Patour qui est entré dans la très honorable famille des Carrier en épousant Jeanne Carrier, descendante d’une famille de procureurs du Roi …


A chaque fois, les femmes jouent donc un rôle clef, permettant aux épousés d’entrer dans une famille plus prestigieuse que celle dont ils sont issus.


 

Second exemple, la descendance de René de Chalus

 Je commence volontairement mon exemple à René de Chalus pour deux raisons. La première est que si j’avais voulu démarrer mon étude plus loin dans le temps, cela n’aurait pas eu un grand intérêt dans la mesure où les alliances de cette famille noble avec d’autres familles nobles ne montreraient rien de particulier. La seconde est que cela remonterait trop loin dans le temps et ne permettrait pas de mettre en évidence le phénomène que je tente de démontrer …


René de Chalus est né aux alentours des années 1580 sans doute à la Baconnière, de l’union de Michel de Chalus, écuyer, sieur de la Bénéhardière et de Marie Goddé. Il est décédé le 25 septembre 1627 à la Baconnière, dans la Mayenne. Il était titré écuyer et sieur de la Poupardière.


Je descends de ce René de Chalus par mon arrière-grand-mère maternelle du côté de ma grand-mère maternelle.


René de Chalus
(1580-1627)
Ecuyer, Sieur de la Poupardière
René de Chalus
(v1610-1652)
Ecuyer, Sieur de la Touche et Sieur de la Poupardière
                                                                                                    
René de Chalus

(1630-1675)
Ecuyer, Sieur de la Poupardière
Pierre de Chalus
(1653-v1730)
Ecuyer, Sieur de la Motte
Jeanne de Chalus
(1703-ap1773)
Epouse Jean Tirouflet
(1694-1773)
Marchand tisserand
Jean Tirouflet
(1733-ap1787)
Marchand tisserand
Renée Jeanne Tirouflet
(1766-1819)
Epouse Pierre Jouet
(1763-1824)
Maître tisserand-Propriétaire
Prosper Jouet
(1801-1858)
Boulanger
Mathilde Ténestine Pauline Jouet
(1834-ap1896)
Epouse Jean Baptiste Trochon
(1829-ap1896)
Boulanger
Euphrasie Zoé Alexandrine Trochon
(1861-ap1896)
Epouse Eugène François Girault
(1845-ap1896)
Marchand de tissus
Marie Eugénie Mathilde Girault
(1894-1992)



Même si le phénomène est moins marqué que dans le cas précédent, on note des similarités.

En regardant cette branche depuis René de Chalus, on note qu’elle a quitté la noblesse pour rejoindre la bourgeoisie par le mariage de Jeanne de Chalus avec Jean Tirouflet. Certes, ce Jean Tirouflet possédait la terre de la Roderie et exerçait un métier sans doute lucratif mais il n’était point noble …
Le mariage de Renée Jeanne Tirouflet avec Pierre Jouet n’a semble-t-il pas eu d’impact sur le niveau social de la branche mais on note une altération dudit niveau lorsque le fils est devenu boulanger, même s’il faut imaginer qu’un boulanger est essentiellement un commerçant vendant qui plus est une nourriture de base et pouvant donc être considéré comme quelqu’un d’important dans une petite ville de province.
En réalité la vraie cassure est lorsque la branche est passée de la noblesse à la bourgeoisie par le mariage cité plus haut. Ensuite, il n’y a pas vraiment eu de dégradation.

Si on regarde cette branche depuis mon arrière-grand-mère, on constate qu’une fois de plus l’union d’un ascendant avec une femme d’une autre famille lui a sans conteste apporté une certaine notabilité. On imagine en effet sans problème la fierté des parents Tirouflet lorsque leur fils a épousé Jeanne de Chalus, descendante directe d’une famille noble du Maine dont certains ancêtres ont participé aux plus grandes batailles du Royaume et à quelques croisades !


Le rôle des femmes

Il me semble intéressant de considérer le rôle de femmes en généalogie ascendante. En effet, dans les époques anciennes, la femme n’apportait ni titre ni fortune, sauf en cas de dot importante. Mais elle pouvait apporter quelque chose de plus subtil : la notabilité.

Bien entendu ce raisonnement n’est pas toujours vrai, mais j’ai remarqué à plusieurs reprises que ce qui vu des parents pouvait être considéré comme une mésalliance était en réalité un tremplin de notabilité pour les enfants. Ces derniers pouvant en effet s’enorgueillir d’origines notables (pour ne pas dire nobles dans certains cas) par le biais de leur mère. Après tout, même si les parents pouvaient avoir une mauvaise opinion de leur gendre, ils restaient quand même les grands-parents de leurs petits-enfants, ne serait-ce que parce qu’ils étaient les enfants de leur fille …

Les femmes ont donc un rôle social majeur sous l’ancien régime, ce qu’une étude sociale de nos branches ascendantes peut mettre en évidence. Par ailleurs, cette façon de regarder les branches ascendantes permet de réaliser que même si telle fille de la famille, parce qu’elle était la petite dernière et que toute sa fratrie avait été casée de manière honorable, pouvait se permettre d’épouser le (presque) premier venu, elle restait quand même la fille de, ce qui permet, lorsqu’on remonte dans le temps, de se trouver des ancêtres ayant eu des fonctions importantes.

C’est ainsi que grâce aux femmes un manouvrier du Second Empire peut descendre d’une lignée de Procureurs du Roi dont les plus anciens officiaient sous Henri II … Ou que certains peuvent se rattacher aux Capétiens alors qu’ils ne sont aujourd’hui que de simples citoyens sans fortune ni titre …


Et vous, avez-vous aussi perçu ce rôle des femmes dans votre histoire familiale ?




   


mardi 5 août 2014

Mourir à 15 ans


Le dimanche 11 janvier 1604, jour de la Sainte Pauline, le jeune procureur Antoine Choron, âgé de presque 25 ans, épouse solennellement la jeune Marguerite Baudequin. Cette union est célébrée par le vénérable et discret messire Delamare, prêtre curé de la paroisse de Béthisy-Saint-Pierre dans le diocèse de Soissons.

Du fait du rang du marié, tous les notables du bourg sont là et parmi eux l’honorable homme Marc Geoffroy et la non moins honorable Michelle Leroy. Ces proches des mariés vont sous peu être liés à un drame dont évidemment personne n’a encore connaissance en ce jour de fête.

Moulin Joli sur l'Automne à Béthisy - Crédit Gérard Laurent


Les années passent et le dimanche 6 avril 1608, jour de Pâques, Marguerite Baudequin met au monde une petite fille qui est alors nommée Michelle par son parrain et sa marraine, l’honorable homme Marc Geoffroy et Michelle Leroy, le lendemain lundi 7 avril, le jour de son baptême.

La petite fille se porte à merveille et tout porte à croire qu’elle passera le cap difficile des premiers jours, des premières semaines et des premiers mois de vie. Certes, les Choron sont une famille aisée et l’enfant ne manque de rien, mais tout le monde sait en ce temps que même le Roi Henri le quatrième et les Princes du royaume peuvent perdre des enfants à cause de la contagion comme on dit ou d’une simple infection.

La petite fille grandit et peut-être est-ce la fréquentation de ses cousins ou tout simplement la proximité des bois et de la vallée de l’Automne, toujours est-il qu’elle adore courir dans la nature au point que parfois sa mère s’inquiète de ne la voir rentrer que la nuit tombante.

Arrive le temps où la petite fille devient femme et cette jeune fille commence à plaire autour d’elle. Ce ne sont que compliments sur ses longs cheveux noirs et ton teint légèrement hâlé, même si à cette époque le teint pâle sied davantage aux femmes. Mais la petite Michelle a du caractère et se moque des canons de la beauté de Paris. De plus, elle ne supporte pas l’idée de rester enfermée dans sa chambre à coudre ou à prier comme une personne de son sexe est censée le faire.
Non, elle est plus à l’aise dehors à jouer avec ses amies et amis, même si à 15 ans, il n’est plus très convenable qu’une jeune fille, a fortiori la fille du procureur de la châtellenie, joue avec des garçons de son âge.

Pourtant en cette fin d’année 1623, alors que le froid commence à geler l’Automne et les eaux des nombreux moulins à chanvre et à blé de la région, notre Michelle a décidé de sortir se promener près du moulin de Béthisy. Elle veut cueillir du gui pour en préparer une gerbe car Noël est dans quatre jours et des fois que le jeune Pierre Carrier viendrait à passer, elle pourrait lui voler un baiser sous cette boule. Comme il est beau mais un peu empoté, Michelle a décidé de forcer un peu sa chance …

Alors qu’elle a ramassé suffisamment de gui pour elle et son amie Jehanne, elle s’approche du moulin dont la grande roue tourne lentement dans le froid. Elle entend la glace de l’eau gelée du bief craquer et se rapproche dangereusement de l’engin. Mais elle en a vu d’autre et se souvient que plus petite elle s’amusait à agripper la roue pour monter et redescendre ensuite quelques mètres plus bas.

Seulement cette fois-ci, c’est différent. Le châle qu’elle porte que les épaules pour la protéger du froid flotte au vent et alors qu’elle est presque au contact du moyeu central, il est pris dans une pièce de fer qui entoure l’arbre, l’attirant instantanément dans le cœur de la machinerie. Avant que sa tête ne heurte violemment une des aubes, elle a le temps d’appeler à l’aide. Le meunier sort en courant du moulin, mais il est trop tard, le corps de Michelle est enroulé autour de l’arbre et la pauvre jeune fille est morte, étranglée par son châle et le cou brisé par le mouvement de la roue.

Encore quelques tours et le meunier a le temps d’arrêter la course infernale de la roue tandis son aide est parti au bourg prévenir le chirurgien et les parents de la jeune fille.

Lorsque le chirurgien arrive il ne peut que constater que Michelle est morte. Plus tard, lorsqu’il décrira à messire Delamare le curé de la paroisse les circonstances de la mort de jeune fille, il expliquera que selon lui, elle a été prise par les chevilles de fer qui sont dans l’arbre près du tourillon. Que ce faisant, son corps a fait trois tours complets en étant entortillé autour de l’arbre. La conséquence est que sa face, son col et sa tête ont été complètement rompus et brisés et qu’il a fallu découper ses cheveux et ses habits pour pouvoir l’en sortir …

Ce qu’il n’a pas dit c’est que dans sa main elle tenait encore quelques brins de gui …

Le lendemain, elle fut mise en sépulture en l’église paroissiale près de la chapelle de Saint-Michel. A côté de son corps, sa marraine Michelle Leroy a tenu à déposer les quelques brins de gui qui avaient été retrouvés dans sa main car peu de temps avant, elle avait reçu de sa filleule la confidence du tendre amour qu’elle portait pour le jeune homme qu’elle aurait normalement dû épouser dans quelques années.

Aux obsèques, les parents de la jeune fille étaient là, anéantis par la douleur. Jamais ils n’auraient imaginé que leur fille tant aimée allait être enterrée là où ils s’étaient mariés il n’y avait même pas 20 ans …


Epilogue

Michelle Choron est décédée dans ces circonstances terribles le 20 décembre 1623 alors qu’elle n’était âgée que de 15 ans et neuf mois comme le précise son acte de sépulture.
Elle est probablement de ma famille car non seulement je compte de nombreux Choron et Baudequin parmi mes ancêtres, mais la situation sociale de ses parents est compatible avec le niveau de notabilité de mes ancêtres dans cette paroisse à cette époque.

J’ai imaginé l’histoire du gui pour trouver une raison qui aurait amenée cette jeune fille près du moulin où elle a eu cet accident. Je n’ai évidemment aucune preuve de tout cela, mais ce détail est plausible.

Le père de Michelle Choron, maître Antoine Choron, décèdera le 24 septembre 1650 à l’âge de 70 ans. Il sera également inhumé dans l’église de Béthisy-Saint-Pierre à proximité de la chapelle dédiée à Saint-Michel, à côté de sa fille …


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