Celles et ceux qui me suivent depuis que j’ai commencé ce blog sont sans doute étonnés par le titre de ce billet. S’agit-il d’un mouvement d’humeur consécutif à une actualité généalogique ? S’agit-il des prémices d’un abandon de la généalogie de ma famille ? S’agit-il d’une révélation qui rendrait la généalogie détestable ?
Rien de tout cela !
En fait, et pour rassurer le lecteur, il s’agit de la
tentative d’une synthèse de ce qu’on peut trouver de pire en recherche
généalogique. Et je dois cela à un homme, un curé que je maudis chaque fois que
je plonge dans ses registres. Cet homme c’est Jacques Mariage, curé de Béthisy
Saint Pierre dans l’Oise. Il sévit au milieu du XVIIème siècle en plein règne
de Louis XIII et, si je devais résumer son œuvre, je dirais que la seule chose
agréable chez cet individu est sa signature …
Pourquoi tant de haine me direz-vous ? Tout simplement
parce que notre Jacques Mariage se moque du monde. Pas seulement de nous,
généalogistes amateurs, mais même ses contemporains ! Il donne, par son
attitude je-m’en-foutiste une piètre image du métier de curé ! Surtout, il
risque de rebuter rapidement le néophyte qui aurait le malheur de commencer la
généalogie par ses registres …
Il incarne une sorte de synthèse de tout ce dont un
généalogiste à horreur.
Voici donc 4 de ces choses détestables qui donneraient
(presque) envie d’abandonner la généalogie ;-)
Des actes vides
Que dîtes-vous de ceci ?
« Le mardi huitième février (1650) fut baptiséSon parrain Toussaint Baillon, sa marraine Marguerite Lefebure »
Génial … Qui est baptisé ? Qui sont ses parents ?
En d’autres termes, à quoi sert cet acte ?
Imaginons la mine déconfite du généalogiste qui recherche le
baptême d’un de ses ancêtres et que cet acte soit celui qui est recherché …
Comment le prouver ? Impossible … Notre généalogiste aura beau hurler de
désespoir, cela ne servira à rien ! Tout cela parce que notre bon curé a
omis de remplir les blancs de l’acte qu’il avait pris le soin de pré-écrire !
On notera que ledit Mariage est coutumier du fait oubliant d’écrire
ici le prénom du père, ici le nom de la mère, là le nom de la marraine … Bref,
n’importe quoi !
Des enfants éternels
Ce même curé a également omis de préciser, aussi bien en
marge que dans la section dédiée aux sépultures, si l’enfant qui venait de
naître était décédé ou non … Autrement dit, il a bien noté le baptême, mais
jamais la sépulture éventuelle.
Il ne s’agit pas d’un hasard, mais bien d’une volonté
délibérée puisqu’il enregistre les sépultures des adultes ou jeunes personnes. De
temps à autre, sans doute pris de remords, il notera en marge un gribouillis où
on distinguera le mot « inhumé » suivi d’une date …
Là encore, comment voulez-vous reconstruire des arbres sérieux.
On aura certes la trace des enfants qui auront vécu, mais quid des 50% d’enfants
qui mouraient avant de souffler leur première bougie, si on peut s’autoriser
cet anachronisme …
Allez ensuite expliquer au généalogiste débutant que la
généalogie est une activité sérieuse ;-)
Une écriture de cochon
Je lisais il y a peu quelques échanges sur des ateliers de
paléographie. Je pense que ce sujet est passionnant et qu’il devrait intéresser
beaucoup de monde (moi le premier). Mais, pour autant, cela donne-t-il le droit
à notre curé Mariage d’écrire n’importe comment, formant ses O comme ses V, ses
S comme ses H et surtout en faisant preuve d’une imagination débordante quant à
la façon d’orthographier les noms de ses paroissiens…
Et, monsieur le curé devait être bien paresseux car si un
mot ou un nom était trop long, il se contentait de le raccourcir en regroupant
la dernière syllabe sous une sorte de signe cabalistique illisible …
Que dirait le néophyte en tombant sur ces lignes ! Que
tous les curés, blasés de recouvrir les parchemins d’actes, avaient décidé d’un
commun accord de les rendre illisibles aux générations futures ?
Deux actes pour le prix d’un
Le pompon est quand même l’année 1649 où, soit la fatigue,
soit la maladie, soir l’âge, soit l’abus de vin de messe, soit un peu de tout à
la fois, ont fait de notre curé un homme dangereux !
En effet, le 17 octobre 1649, il baptise Barbe BRAYE, fille
de Casard BRAYE et de Laurence HENRY. Ne me demandez pas si « Casard »
est un vrai prénom, une transcription phonétique d’un prénom qui m’est inconnu,
ou une erreur de lecture (voir le point précédent) de ma part, c’est seulement
ce qui ressemble le plus à ce que j’ai lu ...
Mais revenons à nos moutons.
La petite Barbe a pour parrain Jean CADOT et pour marraine
Barbe SANCE (qui se trouve être une de mes ancêtres).
Rien d’extraordinaire.
Alors pourquoi diable (sans jeu de mot) sur la page d’à
côté, en date du 12 novembre 1649, le curé Mariage baptise-t-il Barbe BRAYE,
fille de Casard BRAYE et de Laurence HENRY ? Et que ce sont Jean CADOT et
Barbe SANCE qui l’ont portée sur les fonts baptismaux …
C’est quoi cette histoire ? Il est devenu fou !
Deux baptêmes pour le même enfant à presque un mois d’intervalle !
Il est probable qu’il s’agisse d’une erreur de
retranscription car les registres sur lesquels je travaille semblent être la
copie remise au greffe dans la mesure où aucune signature n’y figure. Cela peut
d’ailleurs expliquer les manques. Mais quand même, quel manque de rigueur !
Pour conclure
J’ai voulu traiter avec un peu d’humour de ces cas qu’on
rencontre de temps en temps lorsqu’on effectue sa généalogie.
Il est clair que le fait de tomber sur un curé absolument
pas rigoureux est une vraie souffrance !
C’est ici que le dépouillement systématique joue un rôle
crucial car il permet, par recoupement, de retrouver des informations qui ne
figuraient pas sur les actes, ne serait-ce par exemple que les noms des
parents, grâce à la découverte de fratries, ou par la lecture des actes de
décès de l’un ou l’autre des époux (ou de leur remariage), faits intervenant à
une époque postérieure au règne du curé défaillant …
Si je devais conclure de manière positive, je dirais au
débutant de ne jamais se décourager, de multiplier les sources pour arriver à
trouver ce qui fait défaut devant soi et de persévérer. C’est à ce prix
uniquement que vous ferez des découvertes qui vous feront oublier ces curés
calamiteux !
Et vous, avez-vous eu vos curés Mariage ?
Pour aller plus loin :
Ce curé n'est pas un cas unique ! J'ai trouvé aussi des actes où il manque le nom du principal intéressé. N'oublions pas que la tenue des registres était un devoir civil et non une obligation religieuse : certains prêtres devaient d'octroyer le droit de bâcler !
RépondreSupprimerC'est vrai !
SupprimerMais je crois que mon curé Mariage a atteint des sommets dans le manque de rigueur ! Je serais curieux de voir les registres de la paroisse (ceux où les concernés signent) : peut-être que je suis mauvaise langue et que ceux-là étaient bien tenus ...
Désolée pour ceux qui s'arrachent les cheveux, mais ce curé a au moins le mérite de m'avoir fait passer un bon moment en lisant cet article.
RépondreSupprimerMerci ;-)
SupprimerCet article a été une sorte de thérapie pour moi ;-) Car cela fait plusieurs jours que je suis su ses registres ...
Oui j en ai rencontré souvent des curés de ce type et j ai souvent eu l envie de construire une machine à remonter le temps pour aller foutre quelques petits coups de pied aux fesses de certains. Sinon cette Barbe Braye est peut etre une ancetre a moi vu que Braye est le nom de jeune fille de ma maman (;
RépondreSupprimerPour Barbe Braye, je ne sais pas ... L'orthographe du nom qui s'est stabilisée à la fin du XVIIème siècle est Debraye.
SupprimerSi cela t'intéresse, j'ai un début de généalogie de ces familles sur Béthisy St Pierre
Oui je veux bien j ai rencontré des Debret et des Debraye dans ma genealogie
SupprimerCe brave curé Mariage avait sans doute d'autres chats à fouetter... Ou n'aimait pas écrire !
RépondreSupprimerJ'ai trouvé un ancêtre qui était greffier de son village au 17e siècle, aussi je suppose que c'est lui qui faisait office de secrétaire de la paroisse !
Personnellement je pense surtout qu'il était laxiste car ses successeurs étaient beaucoup plus rigoureux, voire très soucieux des détails (ce qui est un vrai bonheur).
SupprimerMais bon, c'est la vie ...
L'essentiel est que pour la majorité des actes il donne les informations minimales ...