mardi 26 mars 2013

Visitons les cimetières !


Je me souviens d'avoir visité enfant le cimetière où étaient enterrés mon arrière-grand-père et mon grand-oncle, accompagné de mon arrière-grand-mère. Elle m'avait dit sans émotion apparente (n'étais-je pas trop jeune pour m'en rendre compte ?) que c'est là qu'elle irait un jour, aux côtés de son mari et de son fils. Cette image a dû me marquer car c'était il y a une quarantaine d'années et je m'en souviens toujours parfaitement. Sans doute s'agit-il de l'acte qui a fondé ma passion pour la généalogie car cette visite a généré de nombreuses questions à mon arrière-grand-mère.

Le temps a passé et l'étude généalogique a pris le dessus, rendant ces visites de cimetières plus fréquentes. Car oui, je l'avoue, j'ai un faible pour les visites de cimetières. Bien sûr, je ne suis pas de ceux qui cherchent les sensations fortes en se faisant enfermer la nuit pour espérer rencontrer tel fantôme. Mais, je trouve que la visite des cimetières a ceci de particulier qu'on a sous les yeux une photographie, une tranche de vie d'un village ou d'un quartier entier.


La frustration provient du fait qu'il est excessivement rare de trouver des tombes très anciennes et dont les inscriptions soient encore lisibles, mais on peut lire sur les caveaux l'histoire des familles, pour peu qu'on aime les puzzles. On a une liste de noms, des dates. A nous de retrouver qui est parent de qui et dans quel sens !

Cela a également un autre intérêt, celui de donner des dates de naissances et de décès (plus ou moins précises) récentes. Les cimetières échappent en effet à la loi n'autorisant pas la divulgation d'actes de moins de 75 ans. Si un grand-oncle est décédé en 2002 à 91 ans, on verra sa trace dans le cimetière, et pas ailleurs, à moins d'être un descendant direct.

Bien sûr, cela suppose que le mort en question a eu l'idée de venir se faire enterrer dans le cimetière du coin. Le problème avec les mouvements de population, c'est que les époux voulant généralement être enterrés ensemble, il faut choisir entre le caveau de la famille de l'un, celui de l'autre, ou un troisième créé par ledit couple. Et rien ne dit qu'ils soient issus et soient morts dans la même commune ...

Mais cela peut aussi permettre de retrouver des fratries ou des cousinages. Car si notre ancêtre est parti du village, ses frères et soeurs ont pu y rester. De même, le relevé des patronymes peut permettre, parfois, de recréer des liens familiaux avec d'autres branches.

Pour les fans de maths, on peut aussi faire des statistiques : âges des décès, mouvements de population en comparant avec les états-civils, regroupements familiaux, etc.

Enfin, les historiens en herbe, trouveront leur bonheur en découvrant dans certaines communes les reliquats de cette époque où Catholiques et Protestants se regardaient en chiens de faïence : chacun avait son cimetière. On peut d'ailleurs y retrouver des patronymes souvent assez marqués, qui permettent dans les recherches futures d'accorder une présomption de protestantisme à tel ancêtre dont le nom figure sur tel acte.

Décidément, les cimetières sont pleins de ressources !


Une autre chose qui est toujours émouvante est la façon que nos anciens (pas que nos ancêtres) avaient de communiquer avec les générations futures sur la façon dont ils avaient vécu la mort de leurs contemporains : une colonne brisée pour indiquer le choc produit par le décès injuste d'un jeune adulte, un angelot indiquant la tombe d'un enfant, une femme voilée en pleurs, allongée sur la tombe de son époux, etc.. Il n'y avait pas besoin de plaque mortuaire à l'époque pour décrire la douleur ressentie par l'être cher : une sculpture suffisait à cela.

Voilà donc pourquoi j'aime les cimetières et que j'enjoins chacune et chacun de vous à aller les visiter : vous y découvrirez tant de choses étonnantes et utiles dans vos recherches généalogiques !

Et vous, avez-vous fait des découvertes intéressantes dans les cimetières ?

Pour aller plus loin :


           

mardi 19 mars 2013

Les enterrements du curé Bourrinet


Je pense être comme la très grande majorité des généalogistes amateurs : en quelques années de recherches (et de trouvailles ...), j'ai dû lire des milliers d'actes de décès. Qu'ils soient récents ou anciens, ils ont à peu près tous la même forme.

Certes on trouve parfois les causes de la mort ou quelques indications complémentaires sur le ou la décédée, mais il est assez peu courant qu'on y parle d'argent, les notaires étant là pour cela !

Or, dans la paroisse d'Hautefaye, sise dans la ci-devant Province du Périgord et aux confins de la Marche du Limousin et de l'Angoumois, je suis tombé sur les registres tenus par un certain Bourrinet, curé de ladite paroisse. Mais qu'a donc ce Bourrinet de si spécial ?

Enterrement au XVIIIème siècle

Les Petits et les Grands Enterrements du curé Bourrinet

Et bien, tout d'abord, il établit une distinction entre Petits et Grands Enterrements. Il note en effet en marge de l'acte, la mention "Petit Enter." ou "Grand Enter." suivie du nom du village ou du lieu-dit de la paroisse.

Il est difficile de déterminer la nature de ces enterrements car je n'y étais pas. Toutefois, on note que les Petits Enterrements concernent plutôt des enfants, tandis que les Grands Enterrements sont presque exclusivement pour des adultes.

En effet, pour l'année 1749, j'ai relevé 27 enterrements dont 23 Grands et 4 Petits. Tous les Petits Enterrements concernaient des enfants de 4, 5, 6 et 6 ans. Tous les Grands Enterrements concernaient des adultes. Idem pour 1750 où j'ai relevé 17 enterrements dont 11 Grands et 6 Petits, avec uniquement des enfants pour les Petits Enterrements (18 mois, 30 mois, 2 ans et demi, 3, 9 et 10 ans) et uniquement des adultes pour les Grands Enterrements.

Mais il peut aussi s'agir d'un Petit Enterrement lorsqu'il est standard et d'un Grand Enterrement lorsqu'il est exécuté avec une certaine pompe ou que le défunt ou sa famille a souhaité une messe complète avec eucharistie et tout ce qui va avec. Le Petit Enterrement serait alors proche de ce que nous nommerions de nos jours une simple "célébration".

J'ai noté par ailleurs que dans le texte de l'acte de sépulture correspondant à un Grand Enterrement, il était souvent précisé que le défunt avait reçu la confession, l'eucharistie, le saint-viatique ou l'extrême-onction, mention qui ne figure pas dans les textes relatifs aux Petits Enterrements. S'agirait-il donc d'indiquer un enterrement correspondant au niveau de "piété" du défunt et de sa famille ? Ou de sa capacité à communier, ce qui expliquerait l'âge des défunts dans les Petits Enterrements ?

Une autre piste est celle qu'indique Joseph Barou dans son étude sur la paroisse Sainte-Madeleine de Montbrison en Forez. Il indique en effet que le Grand Enterrement est celui où il faut aller chercher le corps dans un village situé assez loin de la paroisse, par opposition au Petit Enterrement où le corps du défunt se situe dans le bourg ou les faubourgs, donc assez proche géographiquement de l'église.

Personnellement, je ne pense pas que cette hypothèse s'applique dans le cas présent car j'ai trouvé des Petits Enterrement du bourg et des Petits et des Grands Enterrement pour des défunts provenant des mêmes villages.

Dans l'église d'Hautefaye, les places sont chères !

Le seul fait d'opérer une distinction entre les enterrements est suffisamment peu commun pour que cela m'ait sauté aux yeux. Mais, le plus surprenant est que, au sein même de la catégorie "Grand Enterrement", il y a deux cas possibles, selon que le défunt est enterré dans le cimetière de la paroisse (cas général) ou dans l'église !

Sur une vingtaine d'année, j'en ai recensé une petite douzaine. Cela peut se comprendre car l'église d'Hautefaye n'est pas une cathédrale et les places sont chères. C'est d'ailleurs le cas ! Cette expression trouve une forme très concrète à Hautefaye.

Lisez plutôt cet acte de décès de 1749 :

Le vingt deux février mil sept cent quarante neuf est décédé au village du Grand Acost, Léonard Colas âgé de quarante neuf ans ou environ, après avoir reçu les sacrements de pénitence de la Sainte Eucharistie et d'extrême-onction pendant sa maladie dont le corps a été inhumé dans l'église de la présente paroisse, après que Clément Colas son fils a eu promis de donner à la fabrique de ladite église ce qu'on a coutume de donner pour les enterrements faits dans ladite église, le tout en présence de André Colas, et Jean Colas, frères du décédé qui ont dit ne savoir signer de ce enquis.
Bourrinet, curé d'Hautefaye


"Donner à la fabrique de ladite église ce qu'on a coutume de donner pour les enterrements faits dans ladite église"

Cette phrase mérite qu'on s'y arrête !

Un autre acte est plus explicite car il indique que ladite somme en question est de 10 livres ! Une bonne somme à débourser pour avoir le privilège d'être enterré dans l'église !

On a donc l'impression que le curé d'Hautefaye a trouvé un moyen d'augmenter ses revenus en apportant de la valeur à l'enterrement : avec un anachronisme total, on dirait qu'il avait le sens du marketing !

L'église, une mini-société

Quelques explications sont nécessaires pour ceux qui n'auraient pas l'habitude de parler le langage du milieu du XVIIIème siècle.

Wikipedia nous apprend la chose suivante :

La fabrique, au sein d'une communauté paroissiale catholique, désignait un ensemble de « décideurs » (clercs et laïcs) nommés pour assurer la responsabilité de la collecte et l'administration des fonds et revenus nécessaires à la construction puis l'entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse : église(s), chapelle(s), calvaire(s), argenterie, luminaire(s), ornement(s), etc.

Les membres du « conseil de fabrique » sont donc des administrateurs désignés plus spécifiquement par les termes de marguilliers et de fabriciens.

Les revenus de la fabrique provenaient, c'est ce qui est le plus connu, des quêtes et offrandes. Mais pas seulement : la location des places de bancs dans l'église, par exemple, était aussi un revenu régulier (bien souvent perçu annuellement à date fixe) pour la fabrique.

Ainsi, il est normal que l'argent reçu pour le privilège d'avoir été enterré dans l'église soit versé à la fabrique. De nos jours, les églises sont la propriété de l'état (sauf en Alsace-Moselle) et celui-ci se doit donc de les entretenir, mais à l'époque, c'était le clergé qui en avait la charge.

Cela permet également de se rendre compte de manière très concrète de la vie pratique de nos ancêtres. J'ai en effet quelques ancêtres qui sont cités comme "marguilliers". Ils étaient pourtant de simples artisans, mais sans doute que leur probité et leurs qualités morales leur avait permis cette nomination.

La société d'ancien régime n'était donc pas si simpliste qu'on l'apprend généralement puisqu'une vraie vie sociale existait avec ses postes à responsabilité au sein des institutions. On imagine alors les copinages et les jalousies qui pouvaient aller avec, mais ceci est une autre histoire ...



Voilà donc comment, une fois encore, la généalogie permet de donner un peu plus de chair à nos ancêtres, les rendant finalement encore plus proches de nous. Et, pour peu qu'on y prenne garde, les informations contenues dans un acte aussi "anodin" qu'un acte de sépulture du fin fond de la Dordogne sous Louis XV permet de mettre en lumière un aspect de la vie de nos ancêtres.

Et vous, avez-vous découverts des choses intéressantes et extra-généalogiques dans les registres paroissiaux ou d'état-civil ?

Pour aller plus loin : 


           

dimanche 10 mars 2013

La généalogie, une histoire de mois ...


Comme je l'ai vu très récemment sur un blog dont malheureusement je n'ai pas retenu les références (que son auteur se fasse connaître, je le citerai volontiers !), les officiers d'état-civil et les curés avant eux avaient la manie d'utiliser des abréviations pour aller plus vite dans l'écriture des mois.

Mais, comme le principe qui consiste à faire compliqué là où on pourrait faire simple s'applique très bien en généalogie, ils n'appliquaient cette règle que pour les mois de septembre à décembre. En pratique, ils notaient septembre : 7bre, octobre : 8bre, novembre : 9bre et décembre : 10bre ou xbre, le "x" étant la valeur 10 en latin.

Le blog dont j'ai oublié la référence (mea maxima culpa) indiquait à juste raison que cela pouvait porter à confusion pour les débutants en généalogie qui pouvaient considérer 7bre, comme juillet, 7 étant le quantième correspondant au 7ème mois de l'année, c'est-à-dire juillet. Alors qu'en fait il signifiait septembre.

Il m'a donc semblé utile et surtout cohérent avec le titre même de ce blog "aider généalogie", de compléter ces informations et d'expliquer pourquoi on en arrive à ce genre d'abréviation !

Calendrier d'époque romaine

Un peu d'histoire !

Un retour en arrière s'impose donc qui nous projette plus de 2 millénaires en arrière, à l'époque romaine.

Pour commencer, il faut savoir qu'à cette époque, le calendrier en usage était le calendrier dit "julien", du nom de Jules César. En fait, il y a fort à parier que Jules César n'en a pas été l'inventeur, mais disons qu'ayant contribué à sa diffusion dans l'Empire et étant lui-même Empereur, il était normal que l'honneur lui revînt ...

Notre Jules César a donc décidé que l'année commencerait en Janvier. Cependant, le calendrier républicain qui était en usage auparavant débutait le 15 mars (les fameuses Ides de Mars), date que l'on pensait correspondre à l'arrivée du printemps. Ce mois, consacré au Dieu du même nom, signifiait que l'année commencerait sous des augures fortes car Mars est censé être le père de Romulus co-fondateur de Rome avec son frère Remus. On lui a affecté 31 jours.

Suivent ensuite toute une série de mois dont le nombre de jours avaient 30 et 31 jours en alternance :
  • Martius : 31 jours
  • Aprilis : 30 jours
  • Maius : 31 jours
  • Iunus : 30 jours
  • Quintilis : 31 jours
  • Sextilis : 30 jours
  • September : 31 jours
  • October : 30 jours
  • November : 31 jours
  • December : 30 jours
  • Ianuarius : 31 jours
  • Februarius : 29 jours

J'ai volontairement fait commencer l'énumération des mois en mars, comme à l'époque républicaine (avant 46 avant Jésus-Christ) car l'objet de la réforme Julienne était surtout d'augmenter le nombre de jours des mois pour avoir une année plus en conformité avec les cycles solaires.

Mais à l'issue de la réforme on avait donc 6 mois consacrés aux Dieux ou à des thèmes précis et 6 mois qui étaient de simples numéros. On comprend donc mieux deux choses :
  • la raison pour laquelle nos mois de septembre, octobre, novembre et décembre sont les septième, huitième, neuvième et dixième mois, car c'est un archaïsme du calendrier républicain (romain, pas notre république à nous ...)
  • la raison pour laquelle le mois de février à un nombre curieux de jours, car ce mois terminait l'année et servait donc de bouche-trou.

Les choses de compliquent ...

Toutefois, cela n'explique pas encore tout :
  • le calendrier de la réforme julienne a deux mois qui n'existent plus chez nous : quintilis et sextilis, qui correspondent à notre juillet et août
  • le calendrier julien propose un nombre de jours décalés par rapport à notre calendrier pour les mois de septembre à décembre : nous avons 30 jours en septembre et pas 31.

Mais tout a une explication ...

En effet, après avoir mis en place sa réforme, Jules César était doublement content : non seulement il avait permis à Rome de disposer d'un calendrier plus précis, mais il avait également légué à la postérité un calendrier parfait.

Caius Julius Cesar

En tout cas, c'est ce qu'on croyait à son époque.

Quelques temps après l'assassinat de Jules César, Marc-Antoine décida d'honorer la mémoire de ce grand Empereur en rebaptisant le mois de Quintilis en Julius (Jules en latin), car Quintilis était son mois de naissance. Octave, qui succéda à Jules Cesar sous le nom d'Auguste fut à son tour honoré par le Sénat en donnant son nom à Sextilis. Pourquoi ? Tout simplement parce que Sextilis était après Quintilis et qu'Auguste avait succédé à Jules César ! Et en latin, Auguste se dit Augustus.

Seulement, il y avait un problème : Sextilis comptait 30 jours et Quintilis/Julius 31. Le sénat ne pouvant décemment pas donner un mois à Auguste qui contiendrait moins de jours que celui de son prédécesseur, il décida d'ajouter un jour à Augustus et, pour respecter l'alternance des mois, de décaler les mois suivants ...

Pour garder un nombre de jours dans l'année de 365, on a donc fait passer à 28 jours le mois de Februarius.

Deux remarques personnelles :
  • le monde et les choses aussi fondamentales que les mois qui rythment notre vie tiennent finalement à peu de choses ...
  • heureusement que le sénat en est resté là ... Il faut dire que, si on excepte Tibère, l'Empire n'aura pas offert d'Empereurs aussi brillants que Jules et Auguste ...


Les choses s'éclaircissent

Conséquence pratique, on a donc, à partir de 8 avant notre ère, les mois suivants :

  • Martius : 31 jours
  • Aprilis : 30 jours
  • Maius : 31 jours
  • Iunus : 30 jours
  • Julius : 31 jours
  • Augustus : 31 jours
  • September : 30 jours
  • October : 31 jours
  • November : 30 jours
  • December : 31 jours
  • Ianuarius : 31 jours
  • Februarius : 28 jours

Pour celles et ceux qui parlent anglais ou allemand, on retrouve bien Augustus dans le mois "d'août" sous sa forme latine (August en anglais et en allemand), notre appellation à nous étant le fruit d'une francisation tardive.

Voilà donc pourquoi on a Juillet et Août qui s'appellent ainsi et qui ont tous les deux 31 jours.
Voilà aussi pourquoi, septembre, octobre, novembre et décembre sont abrégés en 7bre, 8bre, 9bre et 10bre car c'est bien leur ordre dans le calendrier républicain romain.

Il reste à savoir que :
  • Ianuarius tire son nom de Janus, dieu à deux visages opposés, symbolisant les choix et les possibles (c'est en janvier qu'étaient choisis les consuls).
  • Februarius tire son nom de Februa, dieu de la mort et de la purification. Comme c'était le dernier mois de l'année, cela prenait tout son sens de le lui consacrer
  • Martius, tire son nom du Dieu Mars, dont serait issu Romulus, fondateur de Rome avec son frère Remus. Il était donc logique que cela fût le premier mois, fondateur l'année en quelque sorte
  • Aprilis, tire son nom du verbe latin Aperire qui signifie ouvrir. C'est en cette saison que la nature "s'ouvre"
  • Maius, tirerait son nom du mot latin Majores, les anciens. Si on croit les informations données sur le site France Pittoresque, ce mois aurait honoré les anciens, par opposition au suivant qui aurait rendu hommage aux jeunes (Juniores). Mais cela pourrait également provenir du nom de la Déesse Maïa.
  • Iunus, tirerait son nom du mot latin Juniores, les jeunes.  Mais cela pourrait aussi provenir du nom de la Déesse Junon.

Et vous serez désormais incollable sur ces mois qui rythment nos vies et qui ont rythmés celles de nos ancêtres !

Si cet article vous a semblé utile, n'hésitez pas à le partager !

Pour aller plus loin : 


      

mardi 5 mars 2013

Marie, la femme sans nom ...


Il y a parfois des découvertes en généalogie qui laissent pantois.

Mais ces découvertes mettent souvent en avant l'embarras des contemporains des faits. Par crainte de passer pour un imbécile ou parfois par ignorance totale des faits, on trouve des informations écrites qui sont fausses, ou en tout cas peu évidentes à recouper.


1) Tout commence bien

Alors que je recherchais l'ascendance de Laurent Chaumette, le sosa 118 de mes enfants, j'ai logiquement débuté par son acte de naissance. Cet acte, comme en témoigne la transcription ci-dessous est des plus banals :

Du vingt deux du mois de juin mil huit cent vingt sept à une heure après-midi.
Acte de naissance de Laurent Chaumette, enfant du sexe masculin, né aujourd’hui à sept heures des mariés François Chaumette et Marie Brun, domiciliés à Chaveroche, présente commune.
Sur la déclaration à nous faite par Jeanne Laguionie, âgée de soixante six ans, exerçant les fonctions de sage-femme, domiciliée au présent bourg qui nous a présenté l’enfant.
Témoins Joseph Paulhac, âgé de soixante ans, cultivateur propriétaire et Antoine Versavaux, âgé de quarante ans, cultivateur, tous deux domiciliés au présent bourg.
Constaté suivant la loi par nous Maire de la commune de Vieux-Mareuil, canton de Mareuil, arrondissement de Nontron, département de la Dordogne, Officier de l’Etat-civil soussigné.
Les témoins, après lecture faite du présent acte ainsi que la déclarante ont déclaré ne savoir signer.

Ainsi, Laurent Chaumette est issu du mariage de François Chaumette avec Marie Brun.

Il n'y a pas d'information particulière sur l'âge des parents, il est donc possible qu'ils aient entre 15 et 50 ans ! Si je considère qu'ils se sont mariés à 15 ans et qu'ils en ont 50 au moment de la naissance de leur fils, cela fait un mariage possible au plus tôt en 1792. Sauvé ! Les Tables Décennales m'éviteront des recherches longues ...

2) Entre étonnement et frustration

Je dois donc maintenant trouver le fameux acte de mariage. Après quelques recherches sur la commune de Vieux-Mareuil et sur les communes avoisinantes (car pas de mariage Chaumette/Brun sur Vieux-Mareuil), je finis par trouver le mariage le 10 vendémiaire IX (2 octobre 1800) à Mareuil.


Mais, ma frustration est grande quand je découvre l'acte :

Du dix vendémiaire jour du mois de vendémiaire l’an neuf de la République Française.
Acte de mariage de François Chaumette, âgé de seize ans, né à St Pardoux, département de la Dordogne le dernier jour du mois d’août an 1784, profession de cultivateur, demeurant à St Pardoux de Mareuil, département de la Dordogne, fils mineur et légitime de Laurent Chaumette, demeurant à St Pardoux, département de la Dordogne et de feue Dauphine Faure
Et de Marie …âgée de … ans, née … à … département de … le … du mois d… an … demeurant à Mareuil département de la Dordogne, fille naturelle d …demeurant à … département de la … et d …
Les actes préliminaires sont extraits des registres des publications de mariages faites à Mareuil et à St Pardoux le trente fructidor an huit.
Et affichées aux termes de la loi, et …
Le tout en forme ; de tous lesquels actes il a été donné lecture par moi officier public, aux termes de la loi.
Lesdits époux présents ont déclaré prendre en mariage, l’un Marie, l’autre François Chaumette.
En présence de Pierre Aubin Descourade, demeurant à St Pardoux, département de la Dordogne, profession de notaire, âgé de trente six ans, de Pierre Boyer, demeurant à Mareuil, département de la Dordogne, profession de marchand, âgé de vingt trois ans, de François Bouyerou, demeurant à Mareuil, département de la Dordogne, profession de cultivateur, âgé de trente un ans et de Jacques Raboul, demeurant à Mareuil, département de la Dordogne, profession de fourier, âgé de cinquante cinq ans.
Après quoi, moi François Labrousse, adjoint du Maire de Mareuil, faisant les fonctions d’officier public de l’état-civil, ai prononcé qu’au nom de la Loi, lesdits époux sont unis en mariage. Et les témoins ont signé avec nous et non les époux ni le père pour ne savoir.

Pourquoi diable suis-je tombé sur le seul acte de l'année où le citoyen François Labrousse n'a pas pris un seul instant pour renseigner les champs concernant la future mariée ! Il n'a mis que son prénom. D'elle on ne connaît donc absolument rien.

Ce qui est étrange, c'est qu'il est en revanche étonnamment prolixe en ce qui concerne le futur, allant même jusqu'à donner sa date de naissance !

Mystère.

Il ne me reste plus qu'à chercher des naissances de ce couple à Mareuil, puis aux alentours. C'est à Saint-Pardoux-de-Mareuil, commune alors indépendante mais qui sera rattachée quelques années plus tard à celle de Mareuil, que je trouve le premier acte.

Le 30 nivôse an X, naît en effet Marie Chaumette, la fille de François Chaumette et de "Marie fille naturelle". Super ! Mes espoirs de trouver des renseignements complémentaires s'envolent. Mais pourquoi diable se nomme-t-elle Marie "Brun" en 1827, à la naissance de son fils Laurent ?

3) La valse des noms

Je saute les étapes, pour éviter une litanie d'actes, mais, j'ai retrouvé je pense l'intégralité des actes de naissance des enfants du couple. Si, partant de cette liste, j'établis une timeline concernant Marie, j'obtiens ceci :

1800 - Mareuil - mariage François Chaumette/Marie Brun - nommée Marie (mariage)
1802 - St Pardoux - naissance de Marie - nommée "Marie fille naturelle"
1804 - St Pardoux - naissance de Marie - nommée "Marie fille naturelle"
1806 - St Pardoux - naissance de Laurent - nommée "Marie"
1812 - Vieux-Mareuil - naissance d'Henri - nommée "Marie Brun"
1813 - Vieux-Mareuil - naissance de Laurent - nommée "Marie Brun"
1815 - Vieux-Mareuil - naissance de Suzanne - nommée "Marie Brun"
1819 - Vieux-Mareuil - naissance de Jean - nommée "Marie Brun"
1821 - Vieux-Mareuil - naissance de Marie - nommée "Marie Brun"
1827 - Vieux-Mareuil - naissance de Laurent - nommée "Marie Brun"

Il est donc intéressant de constater que le fait de changer de commune lui a donné un nom ! En effet, tant qu'elle vivait à Mareuil ou à Saint-Pardoux, tout rappelait ses origines de fille naturelle. Mais lorsqu'elle est arrivée à Vieux-Mareuil, elle a reçu le patronyme Brun.

Pour l'anecdote, on remarquera que le dernier né Laurent est un enfant né sur le tard et que la grossesse de Marie a dû en surprendre plus d'un car elle a environ 47 ans  en 1827 ... Et dire que mon épouse descend de cet enfant tardif ...

Mais tout cela était sans compter sur les farces de la généalogie. En effet, étant têtu de nature, j'ai voulu chercher plus loin : mariage des enfants, décès des parents, etc..

Tout d'abord, en 1853, j'ai trouvé l'acte de décès de François Chaumette, alors âgé de 70 ans :

Du dix-neuf novembre mil huit cent cinquante trois à neuf heures du matin.
Acte de décès de François Chaumette, âgé de soixante dix ans, né à Saint Pardoux de Mareuil et demeurant à Chaveroche, présente commune, veuf de feue Marie Sacriste et fils des feus Laurent Chaumette et Faure Dauphine.
Ledit François Chaumette décédé le dix huit du courant à dix heures du soir audit Chaveroche, sur la déclaration à nous faite par Etienne Chevrier, âgé de cinquante ans, cultivateur, demeurant à Embelle, commune de Sainte-Croix, gendre au décédé et Etienne Bretonnet, âgé de trente deux ans, aussi cultivateur, demeurant au même lieu de Chaveroche.
Constaté suivant la loi par nous Maire de la commune de Vieux-Mareuil, canton de Mareuil, arrondissement de Nontron, département de la Dordogne, Officier de l’Etat-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer le présent acte, après lecture faite.
Qu'est-ce que c'est que ce nom ? Marie "Sacriste" ! Après vérification, il s'agit bien de la même Marie fille naturelle/Brun. On sait qu'en 1853, elle est décédée. Donc, retour aux Tables Décennales sur la période qui va de 1827 à 1853.

Et là, je trouve le 18 juin 1843, le décès de Marie, qui est alors nommée, le plus "naturellement" du monde, Marie "Naturel" !

L’an mil huit cent quarante trois le dix-huit du mois de juin à sept heures du matin.
Acte de décès de Marie Naturel, âgée de soixante trois ans, cultivatrice, demeurant au lieu de Chaveroche, présente commune, épouse de François Chaumette. Ladite Marie Naturel décédée aujourd’hui à une heure du matin audit lieu de Chaveroche.
Sur la déclaration à nous faite par Jean Constantin, âgé de quarante trois ans, cultivateur, gendre à la décédée, demeurant à la Roussin, présente commune et Léonard Desmoulins, âgé de trente cinq ans, tonnelier, demeurant à Fougères, aussi présente commune.
Constaté suivant la loi par nous Maire de la commune de Vieux-Mareuil, canton de Mareuil, arrondissement de Nontron, département de la Dordogne, Officier de l’Etat-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer le présent acte, après lecture faite.

Pour achever le lecteur patient, Marie Chaumette, l'aînée des enfants, s'est mariée le 18 janvier 1827 avec Jean Constantin (pour la petite histoire, elle s'est mariée alors que sa propre mère était enceinte de l'ancêtre de mon épouse ...)

L'extrait qui concerne Marie Chaumette donne :

Acte de mariage de Jean Constantin (...)
Et Marie Chaumette, âgée de vingt six ans, cultivatrice, fille majeure de François Chaumette, cultivateur et de Marie N, domiciliée avec ses père et mère au lieu de Chaveroche, aussi présente commune, procédante du consentement de son père ici présent.

On a donc Marie N, à Vieux-Mareuil, où le même officier d'état-civil la nommera Marie Brun lors de la naissance de son dernier enfant quelques mois plus tard ... 

4) Tout est bien qui finit ... curieusement !

On a donc une femme qui est vraisemblablement née de père et de mère inconnus vers 1780-1782, pour laquelle je n'ai pas encore retrouvé l'acte de naissance. Qui n'avait donc aucun patronyme mais qui, après avoir subit le rappel de sa condition à maintes reprises en se faisant officiellement appelée "Marie fille naturelle", a fini par s'appeler Marie Brun, ou Marie N. Par une facétie de l'administration, elle finira sa vie en Marie Naturel, mais sera nommée à titre posthume Marie Sacriste !

Quel destin pour cette jeune fille abandonnée dès la naissance, d'avoir pu être aimée et avoir 9 enfants dont la plupart survivront. Mais cela montre également le peu de cas que l'on faisait des femmes à l'époque car il y a fort à parier que si elle avait été un homme, elle n'aurait pas changé autant de fois d'identité !



 

Et vous, avez-vous trouvé de telles choses dans vos recherches ?

Pour aller plus loin :